Canicule : les entreprises s’adaptent pour préserver les salariés sur les chantiers

Alors que 16 départements sont placés en vigilance rouge et 68 en vigilance orange ce 1er juillet, les entreprises poursuivent, bon an mal an, leurs démarches pour protéger les salariés des coups de chaud sur les chantiers. Un décret du 27 mai, qui entre en vigueur ce jour, renforce les obligations de l’employeur dans ce domaine.

Canicule sur chantier.
En vertu du décret du 27 mai 2025, l’employeur doit mettre à disposition des salariés de l’eau potable et fraîche pour leur permettre non seulement de se désaltérer, mais aussi de se rafraîchir (se mouiller la tête, le vêtement de travail...).

Dans un contexte où l’Hexagone subissait, dès le 19 juin, sa première vague de chaleur, avec à présent 16 départements placés en vigilance rouge et 68 en vigilance orange en ce 1er juillet, les entreprises planchent sur l’amélioration de leurs dispositifs pour protéger les salariés sur les chantiers. Le décret et l’arrêté du 27 mai 2025, qui entrent en vigueur ce jour, précisent et renforcent les obligations de l’employeur en cas de températures élevées (lire ci-dessous).

Chez Lhotellier, les équipes QSE sont sur le pont pour actualiser les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et les plans particuliers de sécurité et de protection de la santé (PPSPS). « Nous avons étudié le contenu des nouveaux textes réglementaires avec le plus grand soin. Si nous avions déjà évalué les risques, il s’agit notamment de s’assurer que tous nos DUER sont à jour pour l’ensemble de nos métiers, afin de prendre les mesures nécessaires pour permettre à nos collaborateurs de vivre les effets du réchauffement climatique dans les meilleures conditions possibles », pose Maddy Bellanger, directrice du pôle Humain du groupe, qui réalise des chantiers dans les Hauts-de-France et en Normandie.

Commencer les travaux aux aurores 

Parmi la panoplie de mesures à mettre en place, l’aménagement de l’organisation du travail, en particulier des horaires, fait partie des plus plébiscitées par la profession. « Notre chance est d’officier dans des activités diverses -restauration d’œuvres d’art, menuiserie charpente, taille de pierre maçonnerie, ferronnerie d’art…-, ce qui nous permet d’adapter localement les dispositifs de prévention en fonction du chantier et du climat », illustre Erick Romestaing, directeur général d’Aurige. Le groupe planifie l’après-midi, quand c’est possible, les tâches en intérieur ou à l’ombre -intervention sous un clocher d’église par exemple. A défaut, comme pour l’activité de couverture, « les travaux commencent à 6 h du matin. Nous privilégions alors des activités non bruyantes : pas question par exemple de faire livrer du bois aux aurores », précise le dirigeant.

« Quand le thermomètre s'affole, les chantiers démarrent à 7h30 au lieu de 8h, témoigne de son côté Francis Dubrac, P-DG de l’entreprise Dubrac TP (Seine-Saint-Denis), qui raconte avoir tenté par le passé de commencer un peu plus tôt encore. « Mais les riverains voyaient d’un mauvais œil les concerts de marteau-piqueur sous leurs fenêtres dès 7h du matin. » Pour éviter des stations prolongées sous un soleil de plomb, « nos compagnons posent la pioche à 15h au lieu de 16h15, étant précisé que le temps de pause de midi est réduit d’une heure à trente minutes», poursuit le patron, qui dit n’avoir jamais eu à déplorer de malaises chez ses salariés, « tous formés sur les précautions à prendre face à la chaleur et les signes d’alerte à détecter, pour eux-mêmes comme pour leurs collègues».

Sur les chantiers nomades, des moyens de fortune pour fournir de l'eau fraîche

Chez Lhotellier, « nous recourons à différents canaux pour communiquer auprès des collaborateurs sur la conduite à tenir : nos journées sécurité annuelles, les causeries hebdomadaires ou encore les visites sur le terrain des services QSE et des directeurs de site offrent autant d’occasion d’aborder le sujet », développe Maddy Bellanger.

Le décret du 27 mai impose par ailleurs, « en cas de chaleur intense », l’augmentation, « autant qu’il est nécessaire », de l’eau potablefraîche mise à disposition des salariés. « Une obligation plus simple à respecter sur les chantiers pourvus de bases vie que sur les chantiers nomades, par nature non raccordés à l’électricité, fait observer Francis Dubrac. Pour les salariés appelés par exemple à réparer des nids de poule à droite et à gauche, nous n’avons d’autre choix que de bricoler. » Approvisionnement de bouteilles d’eau congelée, utilisation de bassines remplies de glaçons pour les conserver… 

Lhotellier songe pour sa part à investir dans des fontaines à eau réfrigérées pour certains chantiers. Sur le plan des équipements, « l’acquisition de couvre-nuques et de gilets rafraîchissants est également à l’étude », indique Maddy Bellanger.

Le recours au chômage intempéries, loin d'être la recette miracle

Dans les situations les plus critiques, reste le recours au régime de chômage intempéries, qui couvre depuis juin 2024 les situations de canicule. Sont éligibles au remboursement les arrêts déclarés dans des départements placés sous vigilance canicule de niveau orange ou rouge. Mais mettre sur pause un chantier ne représente pas forcément la panacée... Pas plus pour les employeurs que pour les salariés. Dubrac TP n’a, à ce jour, jamais actionné le dispositif. « Il ne faut pas croire que les compagnons soient demandeurs », glisse Francis Dubrac », qui rappelle que les indemnités de déplacement et autres primes panier ne sont pas comprises dans les indemnités pour chômage intempéries. « Aussi, plutôt que de perdre 20 % de salaire, nos employés dont les rémunérations, bien qu’indexées sur le coût de la vie, demeurent modestes, préfèrent les aménagements des horaires de travail », livre le dirigeant.

Erick Romestaing, qui a mobilisé le dispositif l’été dernier « à la marge », dans certaines de ses filiales, le rejoint. « Compte tenu de l’importance de la main-d’œuvre dans le BTP, le déclenchement du chômage intempéries, qui ne prend pas non plus tout en charge côté employeur, pèse également pour l’entreprise. Nos salariés, eux aussi, préfèrent démarrer leur journée de travail plus tôt : ce dispositif doit donc être manié avec précaution », rebondit-il.

Reste que, dérèglement climatique oblige, « nous ne sommes pas à l’abri : peut-être n’aurons-nous d’autre choix que d’y recourir à l'avenir », admet Francis Dubrac. « Le plus important dans ce domaine est de dialoguer, d’appréhender la problématique avec les encadrants et les représentants du personnel », ajoute le chef d’entreprise.

L’été dernier, 374 arrêts ont été pris en charge au titre du chômage intempéries par la CIBTP, concernant 131 entreprises et 1 000 salariés bénéficiaires, pour un montant total d’indemnités de 80 000 euros

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