C'est avec une sorte de modestie bien pesée que le gouvernement de Lionel Jospin a présenté les grandes lignes du projet de loi de finances pour 1998. Il est vrai que le compte à rebours a été très serré depuis le mois de juin et, surtout, que l'engagement européen, d'ici à 1999, a étroitement délimité les règles du jeu, alors même que les indicateurs macro-économiques donnaient du lest (voir chiffres clés). C'est donc sur les rails d'un déficit des administrations publiques limité à 3 % certifié « propre et sincère », c'est-à-dire sans artifices comptables, que Matignon et Bercy ont établi le tableau de bord.
Du côté des dépenses, limitées à une hausse de 1,4 % équivalente à l'inflation, trois priorités sont affichées dans l'orbite du discours de politique générale du Premier ministre : l'emploi, les investissements publics et les grands services publics. L'emploi demeure évidemment au coeur des préoccupations des pouvoirs publics : sur les 156 milliards de crédits mobilisés par l'Etat sur ce chapitre, 8 milliards seront dédiés à la mise en oeuvre du programme pour l'emploi des jeunes, l'objectif étant de créer 150 000 embauches d'ici à la fin 1998 dans le secteur public et associatif.
Entre les budgets des différents ministères et les comptes spéciaux du Trésor, l'investissement public devrait, quant à lui, s'accroître de 6 % par rapport à l'année en cours. De quoi redonner un peu de baume au coeur des professionnels de la construction, puisque les principales lignes bénéficiaires (voir entretien et analyses ci-après) seront avant tout le logement, mais aussi les routes, les transports collectifs et l'entretien du patrimoine. Avec, ce qui ne laisse pas indifférent au vu de certaines expériences passées, l'engagement ferme sur des crédits de paiement afin de revivifier les entreprises et offrir ainsi des perspectives rapides d'emplois.
Dernière grande tête d'affiche de ce budget, la revitalisation des services publics décentralisés répond toujours au leitmotiv de la lutte contre le chômage. Les fonctions régaliennes de la justice et de la sécurité devraient en profiter au premier chef, mais aussi la culture. La barre symbolique correspondant à 1 % du budget de l'Etat devrait être taquinée, à 0,95 % pour 1998, contre 0,92 % cette année.
C'est essentiellement grâce aux efforts d'économie visant certains ministères dépensiers (principalement la Défense nationale) et aux redéploiements des aides publiques, que le bouclage du budget a pu s'opérer sans dérapages, sachant que les dotations en capital des entreprises publiques devraient être couvertes par les recettes des privatisations (28 milliards).
CSG : + 4,1 % entièrement déductibles
Dans la balance, le volet recette est présenté sous la double ambition de la justice sociale et d'un rééquilibrage de la fiscalité capital-travail, à défaut de pouvoir réellement amorcer la décrue des prélèvements obligatoires. Le fait majeur tient au renforcement de la contribution sociale généralisée (CSG), en passe de supplanter l'impôt sur le revenu dans la hiérarchie de la fiscalité directe. Les actifs subiront une hausse de 4,1 points de la CSG, taxant à 7,5 % les revenus du travail et de l'épargne, moyennant en contrepartie une baisse de 4,75 points de la cotisation maladie (ramenée à 0,75 %), ce qui, au total, induit un léger gain de pouvoir d'achat.
Pour le reste, les mesures fiscales retenues par le gouvernement apparaissent avant tout comme un toilettage ou un aménagement à la marge des dispositifs existants. A la quête de niches, il supprime ainsi pour les entreprises l'avantage sur les quirats, qui a surtout bénéficié aux chantiers navals étrangers. Autre exemple, qui devrait tout de même rapporter 4 milliards dans les caisses de l'Etat : le changement du mode calcul des provisions de renouvellement de biens pour les entreprises concessionnaires de services publics. Même nettoyage du côté des ménages avec, par exemple, la suppression de la déclaration spéciale pour le « micro-foncier » (moins de 30 000 francs de revenus bruts), le resserrement du bénéfice de la loi Pons (critère d'emplois dans les DOM...) ou un nouveau tour de vis sur l'assurance-vie.
Crédit d'impôt pour les petits travaux d'entretien
Dans le domaine du logement (voir p.30), on signalera la réduction tant attendue de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'entretien et de réhabilitation des logements sociaux (d'un coût de 2,2 milliards pour l'Etat). Et une bonne surprise relative au profit des particuliers propriétaires ou locataires : l'instauration d'un crédit d'impôt égal à 15 % pour les travaux de petit entretien (limité à un montant de travaux de 8 000 francs pour un couple, mais renouvelable tous les ans). Quant à l'amortissement Périssol, il est maintenu, à contrecoeur, pour un an.
Malgré certains autres coups de pouce, notamment dirigés vers le capital-risque et donc les PME, il faudra attendre le cru budgétaire suivant pour que s'ouvrent deux grands chantiers : la remise à plat de la fiscalité locale et de celle du patrimoine.
Les chiffres clés 1998
Hypothèses du gouvernement
Croissance : + 3 %
Inflation : + 1,4 %
Investissement des entreprises : + 4 %
Dépenses publiques : + 1,4 %
Investissements publics : + 6 %
Déficits publics : 3 % du PIB
Dollar : 6 francs