Bornes de recharge : des prix trop élevés sur les autoroutes

« Les appels d’offres ne permettent pas de garantir aux usagers des prix aussi faibles que possible pour les recharges électriques », souligne l’Autorité de régulation des transports dans un rapport consacré aux contrats passés par les concessionnaires d’autoroutes.

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Borne de recharge pour véhicule électrique
L'ART invite les concessionnaires d'autoroutes à mieux valoriser la modération des tarifs de recharges électriques dans leurs appels d'offres.

Dans un rapport consacré aux marchés et contrats passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) en 2023, publié le 4 juillet dernier, l’Autorité de régulation des transports (ART) s’attarde sur les sous-concessions conclues pour l’installation de bornes de recharge électrique sur les aires de service. Pour mémoire ces contrats sont soumis, sous réserve des adaptations mentionnées à l’article R.122-41 du Code de la voirie routière (CVR), aux procédures de publicité et de mise en concurrence de la commande publique.

Des rémunérations trop importantes

En outre, ils doivent faire l’objet d’un avis de l’ART avant leur conclusion (art. L.122-27 du CVR). L’occasion pour le régulateur d’observer que les sous-concessions relatives à l’installation et l’exploitation d’infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE) prévoient un niveau de redevance versée aux SCA plus haut que dans les sous-concessions portant sur les autres activités opérées dans les aires de service.

La redevance dans les contrats relatifs aux IRVE est située en moyenne à hauteur de 18 % du chiffre d’affaires des bornes de recharge, quand « le ratio entre les redevances perçues par les SCA et les chiffres d’affaires de l’ensemble des activités sur les aires de service est de 4,2 % » peut-on ainsi lire dans le rapport. Une situation qui aboutit à ce que le prix de la recharge pour l’usager soit relativement élevé, en particulier par rapport au prix du carburant. De quoi freiner l’électrification du parc automobile, déplore l’ART.

Revoir les arbitrages

Comme le rappelle l’autorité administrative, les candidats aux sous-concessions sont notés sur deux critères notamment : la modération tarifaire et le montant des redevances versées au concessionnaire. Et l’article R.122-41 du CVR précité impose que la pondération du critère portant sur la politique de modération tarifaire pratiquée par l’exploitant soit « au moins égale à celle du critère relatif aux rémunérations ».

Dès lors, pour expliquer les importantes redevances prévues dans les contrats d’IRVE, l’ART avance que « les méthodes de notation actuellement retenues par les SCA sont incorrectement calibrées ». Compte tenu de la formule mise en oeuvre, il serait en effet « plus coûteux pour un candidat de gagner des points en améliorant les tarifs proposés qu’en améliorant la redevance versée ».

S'inspirer du carburant

Le régulateur formule des recommandations pour améliorer les méthodes de notation. Surtout il indique qu’il « émettra systématiquement des avis défavorables pour les appels d’offres dont le système de notation rend significativement plus coûteux pour un candidat de gagner un point en baissant ses prix que de gagner un point en augmentant la redevance versée » à la SCA. L’ART estime en effet que « des procédures mieux pensées devraient permettre d’aboutir à des prix plus bas » pour les usagers.

Ce qui fut effectivement le cas en matière de carburant où depuis 2021 des économies sensibles sont constatées lors des remises en concurrence. Une baisse qui serait la conséquence des « nouvelles méthodes de notation initiées par l’ART » ayant permis de mieux valoriser la modération tarifaire dans les offres.

Stimuler la concurrence

L’ART identifie un second levier pour réduire les prix de recharge : maximiser la concurrence. Elle observe ainsi que le secteur des IRVE est très concurrentiel, au contraire de celui de la distribution de carburant davantage concentré. Le rapport note qu’il y a eu en 2023 « 7,8 candidats par appel d’offres portant uniquement sur l’installation d’IRVE contre 2,75 sur les appels d’offres portant sur des contrats globaux, c’est-à-dire incluant d’autres activités que les IRVE ». Les SCA sont dès lors invités à allotir IRVE et carburants dans des lots différents.

Une recommandation qui fait écho à celle formulée par l’Autorité de la concurrence, dans son avis du 11 juin 2024 consacrée aux bornes de recharge. Elle demande elle aussi aux SCA de privilégier le lancement d’appels d’offres distincts pour chaque type d’activités sur une ou des aires données, et en tout état de cause, des appels d’offres spécifiques aux IRVE.

Deux points de vigilance et deux satisfecits

L’ART veille au respect de la concurrence pour la passation des marchés des SCA, conformément au CVR (art. R.122-30). Elle s’inquiète ainsi de l’augmentation des procédures d’exception, qui ont connu « un bond » en 2023. Elle alerte également sur le recours aux avenants, qui « pèsent de plus en plus dans les achats » des SCA. Ces deux points feront l’objet d’une surveillance accrue dans les prochaines années.

En revanche l’ART salue la baisse du taux d’attribution des marchés de travaux à des entreprises liées. Ce contrôle vise les SCA intégrées dans les groupes de TP, Eiffage et Vinci. Ainsi même si ces sociétés passent toujours davantage de contrats avec des entreprises avec lesquelles elles ont des liens capitalistiques, ce phénomène s’atténue pour la deuxième année consécutive. Mais alors que « la part des marchés attribués par les SCA du groupe Vinci à des entreprises liées est en forte baisse, celle des SCA du groupe Eiffage est au contraire en forte hausse, atteignant son point le plus haut depuis 2017 », alerte le régulateur.

Comme le rappelle l’ART « les marchés des SCA constituent un débouché incontournable pour les entreprises actives dans le secteur des TP ». Les marchés de travaux représentent près des trois quarts des contrats conclus chaque année par les concessionnaires d’autoroute. « Les trois grands groupes de TP Bouygues, Eiffage et Vinci ont remporté 54 % du montant des marchés de travaux attribués par les SCA en 2023 », peut-on découvrir dans le rapport. Un chiffre en baisse par rapport aux années précédentes, les SCA ayant fait en 2023 la part belle à des plus petits acteurs : le taux d'attribution de marchés à ces derniers est passé de 39 % en 2022 à 46 % en 2023.

Rapport annuel sur les marchés et les contrats passés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (exercice 2023).

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