Un parallélépipède blanc rompt l’harmonie des façades bois qui dessinent le périmètre de Bezau, dans le land autrichien du Vorarlberg, derrière les pâturages situés au centre du bourg de 2200 habitants. « C’est un avocat », soupire le maire Hubert Graf. Son sourire jaune laisse entendre que l’homme de loi a réussi à s’affranchir de la règle commune, mais que cette incongruité restera l’exception à la règle de l’urbanisme concerté.
Depuis son élection voici trois ans, Hubert Graf a consolidé le contrôle public des chantiers privés, en appliquant un dispositif mis en place par de nombreuses communes environnantes : composée de représentants des élus, des citoyens et de deux architectes des services municipaux, une commission rend des avis sur tous les permis de construire, pour vérifier leur compatibilité avec le plan local d’urbanisme. L’accord de cette instance conditionne les opérations.
Zones agricoles inconstructibles
Ce système prolonge un processus participatif baptisé « Vision d’avenir », et matérialisé dans une salle des services municipaux. Réalisée avec une imprimante 3D, une maquette du bourg occupe la majorité de l’espace. Mieux qu’un cours magistral, la représentation physique sert de support à une formation accélérée à l’histoire, à la géographie et à l’esprit du lieu. Tout autour, chacun y va de son commentaire, qui peut prendre forme grâce à des déplacements d’objets.
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Depuis deux ans, sept événements participatifs ont jalonné l’élaboration de la « Vision d’avenir », accompagnée par un bureau d’urbanistes. Sur un budget annuel de 7M€, fonctionnement inclus, la commune y consacre 30000€, « le prix de la qualité » selon le maire. Chaque séance se termine autour d’un verre. Principal acquis à ce stade : au-delà d’une bande de 10 mètres de large autour des constructions existantes, les zones agricoles centrales resteront inconstructibles.
Les vaches garderont droit de cité au centre du bourg de Bezau.
La maîtrise du développement urbain s’appuie sur une autre règle aussi intangible qu’inimaginable en France : le Vorarlberg interdit les résidences secondaires. La récente et vaine tentative de la famille Würth, propriétaire du groupe de distribution allemand spécialisé dans les fixations, a prouvé qu’il n’existe aucun passe-droit. Dans la station de ski de Lech située en haut de la vallée du Bregenzerwald, les séjours réguliers de la famille royale belge le confirment : comme tous les touristes, les têtes couronnées dorment à l’hôtel.
Hors d’eau en une semaine
La planification urbaine régule la pression touristique, économique et démographique. Entre la mairie et le centre de sécurité communal en bois qui abrite les pompiers, les services de secours en montagne, la police et la salle de mariage, un chantier en cours illustre cette dynamique : la commune construit sa nouvelle école maternelle et primaire, un projet de 15M€ dont 9 à sa charge.
« Sur le rez-de-chaussée en béton et en brique, le montage des trois niveaux en structure bois a commencé lundi. Aujourd’hui vendredi, ils sont hors d’eau », souligne Hubert Graf, le 12 avril. La prouesse du charpentier local Kaspar Greber donne corps au projet de l’agence Innauer et Matt, choisi pour sa bonne intégration dans le tissu urbain, à l’issue du concours d’architecture qui a suscité 20 candidatures. L’édifice scolaire affichera sa contemporanéité, mais reprendra les façades en écaille de bois caractéristiques de l’habitat rural des montagnes du Vorarlberg.
Prolonger l’existant
Dans les alentours immédiats, l’étude de deux autres opérations associe la municipalité à des investisseurs privés : la réhabilitation d’une ancienne ferme et la reconversion d’un hôtel témoignent du soin apporté à la reconstruction de la ville sur elle-même.
La prolongation de l’existant éclaire la vision d’avenir du maire : « Au centre géographique du Bregenzerwald, Zebau présente un équilibre optimal entre l’habitat, les activités touristiques, agricoles et artisanales. Nous souhaitons préserver cette diversité. »
