Biodiversité : feu vert final du Conseil de l’UE à un texte majeur du Pacte vert

La décision, soutenue par 20 Etats sur 27 lors d'une réunion des ministres de l'Environnement à Luxembourg ce 17 juin 2024, ouvre la voie à l'entrée en vigueur prochaine du règlement sur la restauration de la nature. Le texte, qui fixe une feuille de route claire en faveur de la préservation de la biodiversité avait déjà été validé par les eurodéputés en février dernier.

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Biodiversité UE
Le Conseil de l'Union européenne adopte un texte clé du Pacte vert en faveur de la préservation de la biodiversité.

Accélérer la restauration des écosystèmes européens dégradés. Tel est l’objectif général du règlement européen sur la restauration de la nature - un texte-clé du Pacte vert -, qui vient d’être adopté par le Conseil de l’Union européenne ce 17 juin 2024, après de nombreuses incertitudes tout au long de sa négociation.

Coup de théâtre autrichien

L'Autriche, qui avait officiellement choisi de s'abstenir en raison de divisions dans la coalition au pouvoir, a finalement voté pour. Ce qui a suffi à faire basculer l'issue du vote. « Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses sont nécessaires », a martelé la ministre écologiste Leonore Gewessler, saluant « de bons compromis et des mesures équilibrées ». Le chancelier conservateur Karl Nehammer a pour sa part jugé « illégal » le vote de sa ministre et annoncé « introduire un recours en annulation » devant la justice européenne.

Le Belge Alain Maron, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a estimé qu'il s'agissait d'une « querelle interne » à l'Autriche, seul comptant le vote des ministres. « Pas de pause environnementale (...) c'est notre devoir de répondre à l'urgence de l'effondrement de la biodiversité », a commenté ce responsable écologiste.

Restaurer 30 % des habitats d’ici 2030

La législation, dont l'adoption est qualifiée de « victoire historique » par l'ONG environnementale WWF, impose d'instaurer d'ici à 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20 % des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, et de restaurer 30 % des habitats (zones humides, forêts...) en mauvais état. D'autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à retirer des barrages sur les cours d'eau, à stopper le déclin des abeilles.

Plan national de restauration

« Chaque Etat membre doit désormais préparer un plan national de restauration pour mettre en œuvre ces obligations », indique par communiqué le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Après d'âpres pourparlers, concernant notamment le secteur agricole, les négociateurs du Parlement européen et des Etats s'étaient entendus mi-novembre 2023 sur une version très édulcorée de cette législation « restauration de la nature », un accord entériné fin février par les eurodéputés. Mais l'ultime feu vert formel des 27, indispensable, se faisait attendre, faute de majorité requise (au moins 15 pays représentant 65 % de la population de l'UE) : trois Etats (Suède, Pays-Bas, Italie) entendaient voter contre, et cinq (Belgique, Autriche, Pologne, Finlande, Hongrie) s'abstenir. Ils s'alarmaient notamment de nouvelles charges pour les agriculteurs, d'entraves pour la puissante sylviculture des pays scandinaves ou d'ingérences accrues de l'UE.

« Un signal politique fort »

« Le temps pour les arguties politiques et idéologiques est derrière nous », a réagi le commissaire européen à l'Environnement Virginijus Sinkevicius, rappelant que le texte traduit les objectifs adoptés à la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (Montréal, 2022).

Pour la ministre espagnole Teresa Ribera, les Etats étaient tenus d'entériner le compromis qu'ils avaient eux-mêmes conclus avec le Parlement européen : « C'est une question de cohérence. Il serait difficile, voire dangereux en termes de crédibilité des institutions, de faire marche arrière », avait-elle averti.

Son homologue français, Christophe Béchu voit dans ce vote « un signal politique fort envoyé aux citoyens européens et à nos partenaires étrangers. La France se réjouit que les Etats membres aient pu surmonter leurs réserves au bénéfice de l’intérêt général et de la préservation de la biodiversité ».

« Un tournant »

La fin du marathon institutionnel a été saluée comme « un tournant pour la nature et la société » par une coalition d'ONG écologistes (BirdLife, ClientEarth, WWF, European Environmental Bureau), appelant les Etats à appliquer le texte « correctement et sans délais ».

La législation « aidera à renforcer la résilience des mers, le plus grand réservoir de carbone, en luttant contre la pêche destructrice », à rebours du « discours anti-environnement » ayant marqué la campagne des européennes, abonde Nicolas Fournier, d'Oceana.

A l'inverse, la Confédération européenne des propriétaires forestiers a condamné, par la voix de son vice-président, « une législation synonyme de surréglementation et de bureaucratie (...) mettant la nature sous cloche ».

« On ne peut pas nous dicter d'en haut comment gérer notre exploitation : si on croit aider la nature sur ordre, ça ne marche pas », a réagi le principal syndical agricole allemand. L'impact du texte en milieu rural avait suscité une violente bataille politique l'an dernier, les eurodéputés de droite y voyant une menace pour la sécurité alimentaire. Cela avait nourri la colère agricole début 2024 malgré les vastes flexibilités introduites.

Le texte sera publié prochainement au « Journal officiel de l’Union européenne » et pourrait entrer en vigueur 20 jours plus tard.

Le Conseil des architectes d'Europe (CAE) salue l'adoption du règlement européen sur la restauration de la nature

 

« Cette [législation] arrive à un moment critique où il est urgent d'agir pour faire face aux urgences mondiales en matière de climat et de biodiversité. Elle constitue une contribution essentielle à la réalisation des objectifs climatiques que nous nous sommes fixés et fournit des lignes directrices importantes pour la profession d'architecte. Grâce à ces lignes directrices claires, les architectes européens peuvent apporter une réponse efficace à la préservation des habitats, à la stabilisation de nos écosystèmes et soutenir l'objectif commun de rendre l'Europe climatiquement neutre d'ici 2050 » a déclaré Ruth Schagemann, présidente du CAE.


Le 12 juin 2024, le CAE et la région européenne de la Fédération internationale des architectes paysagistes (IFLA Europe) ont envoyé une lettre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et à la présidence belge du Conseil de l'Union européenne, leur demandant d'appeler les États membres de Belgique, Finlande, Autriche, Italie, Suède, Pays-Bas et Pologne à voter en faveur de la première loi de restauration de la nature à l'échelle européenne  - dans l'intérêt des écosystèmes et dans l'intérêt de l'Europe.

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