Interview

« Avec la réforme, la lisibilité du CITE est immédiate », Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Logement -

La directrice générale de l'Anah explique la mise en place de la nouvelle mouture de cette aide en 2020.

 

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Selon Valérie Mancret-Taylor, la réforme simplifiera l’accès aux aides pour les ménages les plus modestes.

L'Anah atteindra-t-elle ses objectifs d'accompagner 120 000 ménages en 2019 ?

Fin 2017, l'Anah a renoué avec des courbes positives.

Ces résultats se sont confirmés en 2018, et amplifiés en 2019 [95 000 logements rénovés subventionnés à début octobre, sur un objectif de 120 000 unités, NDLR]. L'Agence est portée par le dynamisme de l'ensemble de ses programmes, lié à trois phénomènes. D'abord, la stabilité réglementaire : nous n'avons changé aucun régime d'aide en 2019, ce qui a permis aux acteurs d'être pleinement opérationnels dès le 1 été bénéfique. Enfin, nous avons rationnalisé nos processus d'instruction et simplifié les démarches des bénéficiaires grâce au service enligne qui a fonctionné sans incident.

Ces trois facteurs, combinés au déploiement des grands programmes nationaux (Action cœur de ville, Logement d'abord…) et à un portage politique fort, nous donnent tous les atouts pour atteindre nos objectifs. D'ailleurs, c'est presque déjà le cas dans certains territoires.

Comment s'est déroulé le déploiement de votre service en ligne ?

Sans aucun problème. L'usager peut demander son aide sur le site Internet et y joindre toutes ses pièces justificatives.

C'est plus facile pour nos instructeurs parce qu'ils ne manipulent plus de papier et qu'il y a un seul et même dossier dématérialisé. Son instruction et le paiement sont facilités.

Les temps de traitement sont également raccourcis : l'instruction dure en moyenne un mois, tandis que le paiement intervient dans un délai de quinze jours. Dans certains territoires, il peut même être ramené à sept jours.

« Piloter des travaux de rénovation énergétique ne constitue pas une œuvre architecturale. Mais c'est sans conteste une question sociale. »

Il y a deux ans, certains professionnels se plaignaient de financements trop longs à arriver…

A l'époque, nous étions encore en tout-papier, avec des procédures plus complexes. Il pouvait également y avoir des erreurs dans la préparation des dossiers par le demandeur mais aussi, bien souvent, par les entreprises. De plus, les personnes méconnaissent souvent les droits auxquelles elles peuvent prétendre, notamment les plus modestes, qui peuvent demander des acomptes. Nous travaillons d'ailleurs à renforcer notre communication envers les entreprises et les usagers pour lutter contre ces phénomènes.

Allez-vous développer un système d'informations prédictives, pour mieux orienter les ménages ?

Nous réfléchissons à enrichir nos plates-formes de ces fonctionnalités. Si nous y arrivons, ce sera pour 2021. Mais tous nos usagers passent par des accompagnateurs, nos opérateurs ou une entreprise, connaisseurs des aides auxquelles adroit le foyer.

Certains maîtres d'ouvrage signalent des problèmes de main d'œuvre, car les carnets de commandes des entreprises s'étoffent. Rencontrez-vous ce genre de problèmes ?

Ce message nous est remonté en effet. Ce que j'observe sur le terrain, ce sont plutôt des difficultés sur l'accompagnement des ménages et la qualité des travaux. En revanche, il est vrai qu'en toute fin d'année, il est plus difficile de trouver des entreprises disponibles pour régler les situations urgentes.

Comment portez-vous la réforme du crédit d'impôt transition énergétique (CITE), encours de débat au Parlement, si décriée par les entreprises ?

Nous avons créé un laboratoire pour porter des projets innovants, et notamment la réforme du CITE. Cette dernière répond à plusieurs objectifs, dont celui d'aider les personnes qui en ont besoin en matière de rénovation énergétique. Nous fusionnons le CITE et le programme Habiter Mieux Agilité pour permettre à des ménages modestes et très modestes de s'adresser à un seul guichet. Ce sera plus simple à appréhender parce que l'aide sera distribuée sous la forme d'une prime et non plus d'un crédit d'impôt, que les ménages touchaient un an après les travaux. Ils n'auront pas besoin d'avancer les frais. Le dispositif sera également plus performant parce qu'il reposera sur des systèmes de forfait favorisant les travaux d'économie d'énergie les plus efficaces. La lisibilité est donc immédiate. Enfin, cette réforme sera plus juste car elle s'adressera, à partir de 2020, aux ménages qui en ont le plus besoin. A partir de 2021, elle sera disponible pour pratiquement tout le monde [sauf pour les ménages des neuvième et dixième déciles, qui sont pour le moment exclus en grande partie de cette aide, NDLR].

Comment sera-t-elle distribuée ?

Elle sera octroyée au niveau national via une plate-forme.

Nous sommes dans un calendrier serré, mais je ne vois pas ce qui nous empêcherait d'être prêts en 2020. Evidemment, le budget de l'Anah sera augmenté en conséquence, pour lui permettre d'allouer la nouvelle prime.

Il est compliqué d'y voir clair dans la jungle des aides. Ne faudrait-il pas créer un guichet unique ?

Pour réussir la massification des travaux de rénovation énergétique, il faut à la fois simplifier les démarches pour les usagers, et améliorer la visibilité des dispositifs et la coordination entre les acteurs. C'est ce que nous essayons modestement de faire avec la réforme du CITE. Mais l'Etat n'a pas le monopole de la complexité.

Les certificats d'économie d'énergie, qui servent à financer des opérations de rénovation énergétique, sont dispensés par un réseau privé. Ils ne font pas partie du budget de l'Etat. Impossible dans ces conditions de lancer un guichet unique. Nous devons travailler avec tous les acteurs pour proposer un parcours simple et réduire au minimum le reste à charge.

Pourquoi ne pas créer une « société de tiers financement nationale » portée par l'Anah ?

Ces sociétés existent déjà, à l'exemple de la SEM Ile-de-France Energies. La question du préfinancement est un sujet dans les copropriétés très disparates. C'est un plus, mais l'efficacité est relative. Ce n'est pas l'unique solution. La clé réside dans l'accompagnement et le conseil. La massification passera par l'émergence de nouveaux métiers d'accompagnement.

Les artisans doivent travailler sur l'homogénéisation et la vulgarisation des informations données aux clients.

La maîtrise d'œuvre peut également consolider des compétences dans ce sens. Alors bien sûr, piloter des travaux de rénovation énergétique ne constitue pas en soi une œuvre architecturale. Mais c'est sans conteste une question sociale, urbaine et environnementale extrêmement structurante à laquelle l'ordre des architectes accorde une grande importance.

Les syndics veulent justement se positionner sur le pilotage d'opérations de rénovation énergétique. Ne sont-ils pas les bons interlocuteurs ?

Il ne faut pas mélanger les métiers. Certains syndics sont excellents et font prendre des décisions de travaux pertinentes. Mais souvent, ils conseillent de recourir à un maître d'œuvre car les syndics sont assistants à maîtrise d'ouvrage.

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