« Nous ne déposons plus de permis de construire car nous ne vendrons pas de logements. » Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), met le doigt sur la crise de la demande persistante qui risque d’alimenter la crise de l’offre de demain. Et ce, malgré la légère baisse des taux depuis le début d’année, qui se traduit, chez certains promoteurs comme Réalités, par un timide retour des clients particuliers.
Sur fond de baisse des autorisations de logements collectifs, de 7% au premier trimestre (T1) 2024 par rapport au T1 2023 à 40 600 unités, les promoteurs continuent de lancer les chantiers au compte-goutte, selon les données trimestrielles de la FPI dévoilées le 14 mai.
Seulement 11 656 logements neufs ont été mis en vente au T1 2024. C’est trois fois moins qu'au T1 2018, à la belle époque des taux bas. Sur un an, la chute s’élève à 41%. « Du jamais-vu », selon Didier Bellier-Garnière, délégué général de la FPI.
22 mois pour écouler un programme
La stratégie défensive des promoteurs s’explique par leurs difficultés de commercialisation. A l’échelle nationale, le délai d’écoulement moyen dépasse désormais 22 mois. Un record. Au T1 2023, il était de 15.
En outre, les réservations demeurent en baisse. Seulement 19 135 logements neufs ont été vendus au T1 2024 (-15% sur un an). Un tiers de ces logements ont été vendus en bloc, principalement à des bailleurs de logements sociaux et intermédiaires, contre 21% au T1 2023. « Les ventes en bloc ne compensent pas la baisse des ventes au détail, aussi bien en volume qu’en valeur », commente Pascal Boulanger.
La FPI a recensé 12 197 réservations par des particuliers (-27% sur un an). En retrait à quelques mois de l’extinction du Pinel, les investisseurs locatifs ont acheté moins de 4000 logements neufs lors du dernier trimestre. A ce rythme, 2024 pourrait être pire que 2023, l’année la moins prolifique (22 570 ventes, hors désistements) depuis 2000, quand la loi Besson visait à soutenir la production neuve.
La baisse des prix se fait attendre
Enfin, la baisse des prix à deux chiffres qui permettrait de relancer la machine ne vient toujours pas. En Ile-de-France, la FPI communique un léger recul sur un an de 1,4% à 5722€/m². En régions, les prix des logements neufs repartent même à la hausse (+1,2% à 4841 €/m²). « Les faibles marges » des promoteurs, dont les clients peinent à financer leur projet, sont pointées du doigt par Pascal Boulanger.
Des disparités régionales demeurent. Les prix ont grimpé de 13% au sein de la métropole d’Aix-Marseille et reculé de 13% dans l’agglomération du Havre.
La fédération, qui compte parmi ses adhérents le numéro un français Nexity, engagé dans un plan social, ne revoit pas ses prévisions de suppressions d’emplois liée à la décroissance du marché neuf. Entre 2023 et 2025, 150 000 salariés du bâtiment et autant dans les métiers qui gravitent autour comme les promoteurs, les architectes ou les installateurs de cuisine perdront leur poste, anticipe-t-elle.
Quand les conditions du rebond seront réunies, « nous n’aurons plus la matière grise » pour monter les projets, alerte Pascal Boulanger. Une référence aux départs de salariés clés vers d’autres secteurs, en particulier « les chargés d’opérations dont le métier complet s’apprend sur le tas », souligne-t-il.
La FPI croit en Guillaume Kasbarian
De la construction hors-site à la transformation de bureaux en logements, les multiples pistes du gouvernement pour sortir de la crise ne convainquent pas la FPI. Les « deux logements en fond de jardin », au nom de la densification douce en zone pavillonnaire, et les « cinq dans le cadre d’une surélévation », ne sont « pas à la hauteur des enjeux » pour répondre à la demande, estimée par la fédération à près de 450 000 nouveaux logements par an, selon son président.
Très critique envers le gouvernement, la FPI a tout de même voté pour le projet de loi visant à créer du logement abordable, en tant que membre du Conseil national de l’habitat (CNH), un organisme consultatif. N’est-ce pas contradictoire ? « Il s’agit d’une décision politique pour apporter notre soutien à Christophe Béchu (Transition écologique) et Guillaume Kasbarian (Logement), les deux ministres qui ont compris le problème et font tout pour nous aider », positive Pascal Boulanger.
Un texte qu'il juge pour le moment « totalement insuffisant » pour inverser la tendance et qui doit être amendé par le Sénat à partir de mi-juin, avant de passer par l’Assemblée nationale d’ici fin juin, espère le gouvernement.