Parmi les nombreuses évolutions apportées par la loi Elan du 23 novembre 2018, se trouve la création de l'article L. 600-12- 1 dans le Code de l'urbanisme, qui vise à sécuriser les projets. Il tempère en effet les conséquences du principe prévu à l'article L. 600-12 du même code, selon lequel, en cas d'annulation d'un PLU, le document d'urbanisme antérieur est remis en vigueur. Ce qui conduisait à examiner la légalité des autorisations de construire délivrées sous l'empire du document annulé au regard du document antérieur.
Désormais, l'article L. 600-12-1 dispose que « l'annulation ou la déclaration d'illégalité […] d'un plan local d'urbanisme [PLU], d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols […] délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet ».
Ne sont pas concernées par cette nouvelle règle, d'une part, les autorisations délivrées postérieurement à l'annulation du PLU. Dans ce cas-là en effet, le document d'urbanisme antérieur remis en vigueur s'applique pleinement, et ce quel que soit le motif d'annulation retenu. D'autre part, les décisions d'urbanisme négatives (un refus de permis, une opposition à déclaration préalable, un sursis à statuer). Pour ces dernières, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme entraîne leur annulation.
Complexités importantes. L'application de l' suppose de caractériser si le motif d'annulation du PLU retenu repose ou non sur un « motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet ». Les juridictions administratives se sont penchées sur cette notion. Le moins que l'on puisse dire est que l'interprétation de cette règle génère déjà des complexités importantes sur le plan pratique, le « cas par cas » étant le leitmotiv.
Les précisions bienvenues du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat a rendu un avis en 2020 dans lequel il a considéré que le juge administratif doit d'abord vérifier si au moins l'un des motifs d'illégalité du document est en rapport direct avec les règles applicables au projet. Pour cela, il faut distinguer selon qu'il s'agit d'un vice de légalité externe ou interne. Ainsi :
- un vice de légalité externe (vice de procédure ou de forme comme, par exemple, le défaut de convocation des conseillers municipaux) est en principe étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet ;
- un vice de légalité interne (une erreur manifeste d'appréciation dans la délimitation d'une zone à urbaniser) ne leur est pas étranger sauf s'il concerne des règles non applicables au projet (, publié au recueil Lebon).
Lorsque le juge établit que le vice n'est pas étranger aux règles applicables au projet, se pose alors la question de la détermination du document d'urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de l'autorisation. Trois hypothèses doivent être distinguées :
- le motif d'annulation affecte la légalité de la totalité du document (un vice de procédure, par exemple) : la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur remis en vigueur ;
- le motif affecte seulement une partie divisible du territoire que couvre le document (une zone UB par exemple) : la légalité de l'autorisation portant sur un projet situé dans cette zone devra être appréciée par rapport aux règles d'urbanisme applicables avant le PLU ;
- le motif d'annulation n'affecte que certaines règles divisibles du document (la hauteur maximale par exemple) : la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document.
L'interprétation des juridictions du fond
Les juridictions du fond ont également été amenées à définir ce que sont les motifs d'annulation du PLU étrangers aux règles d'urbanisme applicables à un projet.
Ont ainsi été considérés comme tels :
- l'insuffisante motivation des conclusions et du rapport du commissaire-enquêteur, à l'issue de l'enquête publique () ;
- l'absence de consultation de personnes publiques associées, l'absence d'un débat sur le projet d'aménagement et de développement durables, l'irrégularité de la publicité de l'avis d'enquête publique, l'absence d'envoi d'une note de synthèse aux conseillers, la création d'un emplacement réservé, le zonage de certaines parcelles () ;
- les insuffisances de l'évaluation environnementale ().
En revanche, ne sont pas étrangers aux règles d'urbanisme applicables au projet les motifs d'annulation tirés de :
- l'incompatibilité du PLU avec le schéma de cohérence territoriale ( ; ) ;
- l'illégalité du zonage impactant le projet () ;
- la méconnaissance par le PLU du principe d'équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la revitalisation des centres urbains et ruraux, l'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces agricoles et forestiers, la protection des sites, des milieux et paysages naturels, la sauvegarde des ensembles urbains et bâtis remarquables et les besoins en matière de mobilité, prévus à l'article L. 121-1 du Code de l'urbanisme ( ; ).
Analyse juridique fine. A la lecture de cette jurisprudence récente, force est de constater que l'appréciation de la légalité d'une autorisation de construire délivrée avant l'annulation d'un PLU doit désormais faire l'objet d'une analyse juridique fine, et somme toute délicate. Elle doit en effet être réalisée à la lumière de chaque moyen d'annulation du PLU retenu : il faut déterminer si celui-ci impacte des règles d'urbanisme applicables au projet et, dans l'affirmative, si ces règles sont divisibles ou non. Dans cette dernière hypothèse, le juge devra examiner la légalité de l'autorisation de construire, selon les moyens soulevés, au regard du PLU annulé et/ou au regard de l'ancien document d'urbanisme remis en vigueur.
Plus concrètement, la collectivité en charge de l'élaboration d'un PLU qui a été annulé doit recenser l'ensemble des autorisations d'urbanisme délivrées avant l'annulation, en se limitant toutefois à celles récemment délivrées - les autorisations anciennes sont purgées de tout recours, passé un délai de deux mois à compter de leur affichage sur le terrain ou de la décision de rejet d'un recours gracieux -, et examiner si les motifs d'annulation sont étrangers ou non aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause.