Une autorisation d’urbanisme fondée sur un document d’urbanisme déclaré illégal doit-elle être forcément marquée du sceau de l’annulation ? Après avoir nourri les débats dans les prétoires pendant des années, cette épineuse question a conduit le législateur à intervenir à plusieurs reprises. Une première fois en 1994 avec la loi du 9 février portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction. Qui a posé le principe de la remise en vigueur du document d'urbanisme immédiatement antérieur en cas d'annulation ou de déclaration d'illégalité d'un Scot, d'un PLU ou d'une carte communale (aujourd’hui codifié à l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme).
Motif étranger aux règles d'urbanisme
Puis une seconde fois en 2018 avec la loi Elan qui a inséré un article L. 600-12-1 au même code, lequel dispose que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme est sans incidence sur les autorisations d’urbanisme délivrées antérieurement à son prononcé, lorsque cette annulation ou déclaration d’illégalité repose sur « un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ». Cette disposition, édictée dans le but de sécuriser les projets, a néanmoins soulevé des difficultés d’interprétation, que le Conseil d’Etat a levées dans un avis du 2 octobre 2020.
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Rapport direct
Dans un premier temps, les Sages rappellent qu’il revient au juge, « saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité [dudit document] est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme ».
Et pour apprécier ce lien, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un vice de légalité externe ou de légalité interne. Dans le premier cas, un vice dans la procédure d’élaboration d’un PLU par exemple, le Conseil d’Etat considère que ce vice est par principe étranger aux règles applicables au projet, « sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables ». Comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions : « Il s’agit notamment d’hypothèses dans lesquels les vices de légalité externe ont une forte adhérence avec les règles de fond ou une résonance particulière sur le zonage du document. A titre d’exemple, l’insuffisance de l’évaluation environnementale peut avoir eu une incidence sur le classement de certaines parcelles ».
En revanche, une illégalité interne doit être regardée comme non étrangère au projet, sauf si le vice concerne des règles qui ne lui sont pas applicables (par exemple une erreur manifeste dans l’appréciation de dispositions relatives aux espaces boisés ou aux emplacements réservés alors que le terrain n’en comporte pas).
Tout ou partie du document d’urbanisme antérieur
Lorsque le juge établit que le vice n’est pas étranger aux règles applicables au projet, se pose alors la question de « la détermination du document d'urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation […], eu égard aux effets de la règle posée à l'article L. 600-12 du Code de l'urbanisme.
Le Conseil d’Etat distingue trois hypothèses :
- le ou les motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme : la légalité de l'autorisation s’apprécie alors au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ;
- le ou les motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document d'urbanisme : seules les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique sont remises en vigueur ;
- le ou les motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme : la légalité de l'autorisation s’apprécie au regard du document immédiatement antérieur « pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document ».
Ensemble complet et cohérent
Ainsi pour un PLU par exemple, « une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur, un ensemble complet et cohérent ».
Enfin, les Sages précisent que lorsqu'un motif d'illégalité non étranger conduit à remettre en vigueur tout ou partie du document d'urbanisme immédiatement antérieur, « le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document d’urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ».
CE, avis, 2 octobre 2020, n° 436934, publié au recueil Lebon
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