Après une première réunion le 23 mai réunissant les protagonistes de la réforme du statut de l’auto-entrepreneur, d’un côté les représentants des artisans et du bâtiment, de l’autre les auto-entrepreneurs, rencontre qui laissait se profiler certaines pistes (voir notre article), la ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel a tenu le 6 juin sa deuxième réunion qui devrait permettre d’affiner quelques orientations et «trouver une solution équilibrée afin de réconcilier tous les acteurs économiques », comme la ministre l’a indiqué mardi 4 juin lors de l’Assemblée générale de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA).
Trouver un point d’équilibre
Trouver un point d’équilibre qui satisfasse à la fois les artisans exerçant sous un régime de droit commun et les auto-entrepreneurs est l’objectif de cette réunion de travail, d’autant qu’entretemps les « poussins » sont entrés en action ; mouvement de contestation sur Internet et Twitter des auto-entrepreneurs, à l’image de celui des « pigeons » mené à l’automne 2012 par les start-up. Son initiateur, Adrien Sergent, jeune auto-entrepreneur de 20 ans spécialisé dans les jeux vidéo, reçu également le 6 juin par Sylvia Pinel, lui a remis une pétition signée par 90 000 personnes contre le projet de réforme de leur statut envisagé par le gouvernement, notamment la mesure qui vise à limiter dans le temps le régime de l’auto-entrepreneur pour tous ceux qui en ont fait leur activité principale.
Mais entre la révolte des « poussins » et la polémique de fin de semaine dernière entre Jean-Marc Ayrault qui, vendredi 31 mai, annonce en marge d’un déplacement en Ardèche que la limitation dans le temps du statut ne concernera que le secteur du bâtiment et Sylvia Pinel qui, dans un communiqué publié dès vendredi soir, rectifie le tir en précisant que le premier ministre a pris comme exemple le bâtiment, mais que d’autres secteurs sont concernés, le dossier s’obscurcit.
Pour éviter les distorsions de concurrence, la mesure envisagée de limiter dans le temps le statut pour une activité principale est toujours en réflexion et devrait concerner le bâtiment, mais aussi les secteurs qui ont comme lui des exigences de qualification, d’assurance, de santé et de sécurité pour le consommateur (exemple : la coiffure et la réparation automobile). Mais cette limitation dans le temps (qui reste encore à préciser)pourrait être aussi liée à un volume d’activité. L’idée est qu’à partir d’un certain montant de chiffre d’affaires, l’auto-entrepreneur devra passer dans un régime de droit commun. Aujourd’hui, un auto-entrepreneur ne doit pas réaliser un CA supérieur à 81 500 euros pour une activité d’achat et de revente et à 32 600 euros pour les services. Pour information, le CA moyen annuel déclaré par les auto-entrepreneurs en 2010 était de 5180 euros (source Insee).
Bras de fer entre artisans du bâtiment et auto-entrepreneurs
Ceci dit, rien n’a été arrêté à l’issue de cette journée de concertation et le dossier semble s’enliser avec des protagonistes campant sur leurs positions.
Les auto-entrepreneurs ne veulent pas entendre parler ni de limitation du chiffres d’affaires, ni de limitation dans le temps. Les représentants du secteur du bâtiment militent toujours pour une sortie de leur secteur de ce régime même si les espoirs dans ce sens s’amenuisent, la ministre estimant qu’il est difficile de faire une exception. « Nous ne demandons pas de supprimer le régime, mais une sortie de notre secteur de ce régime, certains métiers d’ailleurs n’en font pas partie comme l’agriculture, nous précise Didier Ridoret, président de la FFB à la sortie de la réunion avec Sylvia Pinel, qui estime qu’il est temps d’avancer sur le dossier. « La discussion est longue et les progrès sont lents, regrette le président de la FFB. J’ai pris position pour que la limitation dans le temps de ce régime n’excède pas un an et ce, qu’il s’agisse d’activité principale ou d’activité secondaire. Sylvia Pinel penche plutôt pour séparer l’activité principale et l’activité secondaire avec une piste évoquée, celle d’introduire un seuil de chiffre d’affaires annuel de 10 000 euros en cas d’activité secondaire. La ministre est également favorable à ce que les auto-entrepreneurs dans les métiers comme le nôtre aient l’obligation d’indiquer leur statut sur l’en-tête de leurs devis et factures, mais surtout leurs assurance et qualification. Quoiqu’il en soit rien n’est tranché ».
Le sentiment est identique pour Patrick Liébus, président de la Capeb : « Nous avons eu des échanges, certains sujets sont revenus sur la table, mais sans conduire à des propositions concrètes. On piétine. Ceci dit, nous avons beaucoup insisté sur l’accompagnement de l’auto-entrepreneur qui devra au bout d’un an suivre obligatoirement un stage préalable à l’installation (« SPI ») qui donne les bases élémentaires à la gestion de l’entreprise artisanale, mais aussi sur les assurances et les contrôles qui vont avec ou encore sur l’obligation pour un salarié auto-entrepreneur en activité secondaire de le faire savoir à son chef d’entreprise ».
Alors que l’arbitrage du Premier Ministre sur la réforme du statut de l’auto-entrepreneur est attendu à la mi-juin, le débat est loin d’être clos. Pourtant une chose est sûre, c’est la volonté du gouvernement de réformer le régime de l’auto-entrepreneur. Encore faut-il savoir si les mesures qui seront prises suffiront à corriger les défauts et dérives du régime.