Si elles n’en ont pas l’obligation, les personnes publiques peuvent conclure des contrats d’assurance dommages ouvrage (DO) afin de garantir une construction. Elles sont alors de fait soumises aux obligations issues du Code des assurances, tout comme leur assureur. Le Conseil d’Etat a rappelé certaines règles dans une récente décision.
Il s’agit dans cette affaire d’une commune qui a souscrit un contrat d’assurance DO pour garantir la construction d’une maison des services publics. Constatant plusieurs désordres sur le bâtiment réceptionné sans réserves, elle a adressé une déclaration de sinistre à son assureur. Ce dernier, suite à une expertise contractuelle réalisée à sa demande, a refusé toute indemnisation. Le tribunal administratif de Melun et la cour administrative d’appel (CAA) de Paris ont successivement été saisis. C’est finalement le Conseil d’Etat qui tranche le litige.
La Haute juridiction explique tout d’abord, dans un considérant de principe, que l’article L. 242-1 du Code des assurances institue « une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité ; par suite, l'assureur ne peut exiger de l'assuré la réalisation de ces travaux avant le versement de l'indemnité prévue par [cette disposition] ».
Au cours de son analyse, la CAA avait relevé, pour rejeter la demande d’indemnité de la commune, que les documents produits par cette dernière « ne permettaient pas d'établir que les dépenses de travaux qu'elle avait supportées correspondaient à la réparation des dommages identifiés dans le rapport préliminaire d'expertise. » Le Conseil d’Etat va considérer que la juridiction d’appel a commis une erreur de droit « en subordonnant ainsi le versement de l'indemnité […] à la réalisation préalable par l'assuré des travaux […], alors que les dispositions […] de l'article L. 242-1 du Code des assurances font seulement obligation à l'assuré d'affecter l'indemnité versée par son assureur à la réparation des dommages qu'il lui a déclarés. »
Le Conseil d’Etat prononce donc l’annulation de l’arrêt rendu en appel, puis dans un second temps statue définitivement sur l’affaire.
Le contrat d’assurance DO en cause reprend les clauses-types prévues par l’article A. 243-1 du Code des assurances, dans sa rédaction alors en vigueur. Elles prévoient que l’assureur a l'obligation de notifier le rapport préliminaire d'expertise préalablement à sa prise de position sur le principe de l'indemnisation ; qu'à défaut, il ne peut plus refuser sa garantie, notamment en contestant la nature des désordres déclarés par l'assuré.
Or, dans cette affaire, si l'assureur a bien notifié à la commune le rapport d’expertise, il l’a adressé en même temps que son refus de garantir les désordres constatés. Le Conseil d’Etat considère ainsi que ce dernier a méconnu ses obligations contractuelles et « ne peut dès lors plus refuser sa garantie, notamment en contestant la nature des désordres déclarés par l'assuré. »
Finalement, les sages du Palais-Royal se basent sur un nouveau rapport d’expertise réalisé cette fois-ci à la demande de la commune afin de déterminer le montant de l’indemnité. Et, toujours en application de l’article L.242-1 du Code des assurances, ils vont estimer qu’elle a droit en sus à des intérêts calculés au double du taux légal.
Précision importante : l'annexe II de l'article A243-1 du Code des assurances prévoit aujourd'hui que "l'assureur communique à l'assuré ce rapport préliminaire, préalablement ou au plus tard lors de cette notification."