En amont des problématiques liées à la mobilisation ou non de la garantie en cas de survenance d'un dommage, il est nécessaire que le risque ait été identifié le plus clairement et exactement possible. La phase de souscription du risque couvert joue ainsi un rôle primordial. Lors de cette étape, l'assureur voudra, notamment, identifier avec précision l'activité du futur assuré afin d'évaluer les risques liés, mais aussi ses besoins d'indemnisation en cas de survenance de ces risques. Pour cela, il lui demandera un certain nombre d'informations, qui lui permettront de déterminer l'objet de la garantie. Par ce processus, l'assureur pourra encadrer et limiter sa garantie par rapport aux déclarations faites par l'assuré.
Les assureurs ont adopté une pratique consistant à rédiger les clauses relatives aux activités couvertes d'une manière de plus en plus détaillée et complexe, parfois sur près d'une page, introduisant toutes sortes de précisions, dont certaines à caractère technique.
La possibilité de limiter la garantie à travers le secteur d'activité déclaré par l'assuré
C'est aux termes de deux arrêts de principe rendus les 29 avril (, Bull.) et 28 octobre 1997 (, Bull.) que la Cour de cassation est venue préciser sa position en la matière. Elle a énoncé que « si le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire [décennale] que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter les clauses d'exclusion autres que celles prévues à l', la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par ledit constructeur ».
Non-assurance. Par ces deux arrêts, la Cour a posé le principe selon lequel un constructeur qui souscrit une assurance de responsabilité civile décennale (RCD) pour un secteur d'activité spécifique ne peut bénéficier de la garantie dès lors qu'il exerce des activités en dehors de ce dernier.
La Haute juridiction n'hésite d'ailleurs pas régulièrement à réitérer sa position. Le principe est donc désormais clair. L'exécution de travaux relatifs à une activité autre que celle déclarée à l'assureur constituerait, en effet, non pas une cause d'exclusion non admise en matière d'assurance décennale obligatoire, mais un cas de non-assurance.
Une appréciation stricte de l'activité déclarée
La jurisprudence apprécie strictement l'activité déclarée par l'assuré en considérant que, dès lors que celle exercée sur le chantier n'est pas rigoureusement identique à celle mentionnée dans la police, l'assureur peut opposer un refus de garantie. La preuve en est à nouveau avec un arrêt rendu en début d'année (). Dans cette affaire, l'assureur avait opposé un refus de garantie, rappelant que la garantie ne peut pas s'étendre au-delà du secteur d'activité qui lui a été explicitement déclaré par le constructeur. La cour d'appel () avait condamné solidairement la société et son assureur au motif que la nomenclature des activités du bâtiment et des travaux publics de la FFSA (devenue France Assureurs) du 18 décembre 2007, applicable à la période de réalisation des travaux d'enrochement en cause, ignorait l'activité propre d'enrochement, mais définissait celle de terrassement dans les termes suivants : « réalisation à ciel ouvert, de creusement, de blindage de fouilles provisoires dans des sols, ainsi que des travaux de rabattement de nappes nécessaires à l'exécution des travaux, de remblai et d'enrochement non lié et de comblement ».
L'assuré peut faire valoir le manquement de l'assureur à une obligation précontractuelle d'information.
La Cour de cassation a cassé l'arrêt au motif que l'assureur garantissait limitativement les activités suivantes : « Démolition, terrassement, VRD, structure et travaux courants de maçonnerie, béton armé, ouvrage d'art et d'équipements industriels en béton armé, charpente en bois, couverture, zinguerie », et non les activités de travaux d'enrochement litigieux. Et ce, peu important les précisions apportées par la nomenclature.
De lourdes conséquences. Les conséquences sont pourtant considérables puisqu'un certain nombre d'assurés se retrouvent, de ce fait, sans assurance, et parfois, dans l'incapacité de financer les réparations. Plus encore, les refus d'assurance étant opposables aux tiers victimes, en vertu de l', nombre de maîtres d'ouvrage se retrouvent aussi privés de recours contre les assureurs et donc parfois dans l'impossibilité de faire réparer leurs propres dommages.
La responsabilité de l'assureur comme garde-fou
Face la multiplication des refus de garantie opposés par les assureurs, l'objectif recherché par la Cour de cassation a consisté à limiter cette dérive notamment du point de vue des rapports tiers victimes/assureur. Pour ce faire, elle s'est retranchée sur le terrain des éventuelles imprécisions et ambiguïtés dans le libellé de l'activité couverte figurant dans les attestations d'assurance pouvant être soulevées par les tiers victimes, en considérant que cela était susceptible d'engager la responsabilité civile de l'assureur.
Responsabilité contractuelle… La Cour de cassation a, tout d'abord, admis que l'assureur de RCD pouvait engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de l'assuré, dès lors que ce dernier prouve une faute, un préjudice et un lien de causalité, sur le fondement de l'. S'agissant de la faute, l'assuré peut faire valoir le manquement de l'assureur à son obligation de conseil, et plus précisément à une obligation précontractuelle d'information.
La volonté de protéger le consommateur, présumé faible face aux professionnels que sont les assureurs, a conduit la jurisprudence, ainsi que le législateur, à renforcer le devoir d'information et de conseil qui pèse sur eux. Des règles légales issues de l' s'appliquent ainsi aux personnes pratiquant l'activité de « distribution d'assurances ou de réassurances », telle qu'elle est définie par l'article L. 511-1, I, du Code des assurances.
… ou délictuelle. La responsabilité délictuelle de l'assureur peut aussi être engagée toutes les fois où un tiers bénéficiaire estime qu'il subit, à raison d'une faute de l'assureur, un préjudice qui lui est imputable. Au vu de la jurisprudence stricte de la Cour de cassation admettant l'opposabilité d'une non- assurance aux tiers victimes, dès lors qu'un constructeur intervient en dehors du secteur d'activité déclaré à son assureur de RCD, il semblait évident que la Haute juridiction se devait de faire preuve d'une égale rigueur dans les cas où les assureurs diffuseraient des documents ambigus sur le contour des garanties qu'ils ont délivrées. En effet, les tiers bénéficiaires doivent être en mesure de connaître avec précision pour quelle activité leur cocontractant se trouve garanti. Fort de ce principe, la Cour retient donc systématiquement la responsabilité civile professionnelle de l'assureur de RCD vis-à-vis du tiers victime, dès que l'attestation d'assurance laisse planer un doute sur l'étendue des activités couvertes.
Ce qu'il faut retenir
- L'interprétation du secteur d'activité professionnelle déclaré par les assurés est, sans aucun doute, source d'un contentieux abondant. La rédaction de leur libellé offre de nombreuses occasions aux assureurs d'opposer des non-garanties, tant aux assurés qu'aux tiers victimes, et ce, malgré les efforts de la Cour de cassation de limiter les effets de ses jurisprudences de 1997.
- Les assurés doivent donc faire preuve d'une grande vigilance lors de la phase précontractuelle et notamment lors de celle de souscription du risque.
- Il est également conseillé à l'assuré, le cas échéant, de ne pas hésiter à faire des déclarations spontanées en cours de contrat s'il se rend compte qu'une de ses activités ne serait pas couverte ou encore s'il entend exercer une activité nouvelle.