Les entreprises de BTP ayant souscrit des contrats d’assurance construction, à prix généralement « low cost », auprès d’acteurs opérant en libre prestation de service (LPS – c’est-à-dire opérant depuis un pays membre de l’Espace économique européen, sans filiale en France) courent-elles le risque de ne pas être suffisamment couvertes ? C’est la crainte, notamment, de la Fédération française du bâtiment (FFB).
« Malgré les mises en garde que nous adressons depuis longtemps à nos adhérents, de nombreux entrepreneurs et artisans du bâtiment se sont montrés imprudents en se laissant séduire par des assurances construction bon marché », alerte Jacques Chanut, le président de la FFB. Mais suite aux défaillances ou difficultés d’assureurs en LPS survenues ces derniers mois (lire encadré ci-dessous, NDLR), « beaucoup de professionnels se retrouvent aujourd’hui dans une situation délicate : à défaut de couverture, ils pourraient être amenés à régler eux-mêmes les sinistres éventuels à la place de leur assureur défaillant. De nombreuses faillites sur le marché seraient alors à craindre dans les prochains mois ou années, alors même que le secteur connaît enfin une reprise marquée », poursuit Jacques Chanut.
Main tendue
Devant le nombre de dossiers de professionnels frappés par les défaillances d’assureurs en LPS qui lui sont remontés, la « Fédé » vient de réagir. Membre du conseil d’administration de SMABTP, L’Auxiliaire et CAMBTP – les trois mutuelles du secteur –, elle leur a demandé de réfléchir à une solution pour accompagner les entreprises en difficultés sur le délicat volet de la décennale. «?Les trois ont accepté d’étudier la souscription de contrats d’assurance pour l’avenir, mais également la reprise du passé [d’une durée encore à déterminer, NDLR], c’est-à-dire l’assurance des chantiers déjà réalisés, moyennant le versement d’une nouvelle prime?», annonce Jacques Chanut au «?Moniteur?».
«Je ne peux que conseiller à nos adhérents en difficultés de profiter de la main tendue par ces assureurs mutualistes?», poursuit le président de la FFB.
De son côté, la Fédération française des assureurs (FFA) ne nie pas l’ampleur potentielle des conséquences des difficultés des assureurs construction en LPS. Mais avance avec prudence. « Nous espérons que les sinistres éventuels pourront être réglés par les assureurs défaillants, confie Stéphane Penet, directeur des assurances de dommages et de responsabilités à la FFA. C’est tout l’enjeu d’avoir une cartographie très précise de la situation de chacun d’entre eux. Il nous faut y voir clair sur la situation des engagements qui seront tenus, ceux qui sont en risque et ceux dont on est d’ores et déjà sûr qu’ils ne seront pas tenus. »
Cartographie
L’importance de cette cartographie est de taille rappelle lui aussi le porte-parole de la FFA : « Le principe de solidarité entre tous les acteurs d’un même chantier (co-débiteurs d’une même dette) est un principe juridique issu du code civil, qui vise une protection du maître d’ouvrage, celui-ci n’ayant pas à supporter la part de défaillance d’un des acteurs du chantier, décrypte-t-il. De ce fait, les acteurs « solvables » et leurs assureurs présents peuvent être amenés à assumer la totalité de la charge du sinistre, même si leur part de responsabilité au final était minime ».
Etre solidaires des assureurs défaillants, voilà ce que les adhérents de la FFA voudraient le plus possible éviter, alors même que leur fédération a alerté l’autorité de contrôle du secteur (l'APCR) dès 2014, sur une crainte de voir certains acteurs LPS ne pas tenir compte des règles de provisionnement.
« Cette succession de difficultés aura au moins, nous l’espérons, le mérite d’alerter les autorités de contrôle de tous les pays européens sur la nécessité de vérifier que les assureurs relevant de leur périmètre respectent effectivement les principes de base de bonne connaissance et gestion des risques qu’ils prennent dans d’autres pays », espère Stéphane Penet.