Artificialisation des sols : le CGDD appelle à densifier le bâti existant

Dans une étude publiée en octobre 2018, le Commissariat général au développement durable (CGDD) déplore le rythme effréné de l'artificialisation des sols. Il donne quelques pistes d’amélioration - stabilisation des logements vacants, recomposition du découpage parcellaire des villes, etc. -, afin d'atteindre l'objectif gouvernemental de "zéro artificialisation nette".

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
La France peine à lutter contre l'artificialisation des sols malgré une prise de conscience récente

Alors que le gouvernement a présenté début juillet son plan biodiversité visant notamment un objectif de "zéro artificialisation nette", le CGDD publie avec sa lettre n° 27 "Savoirs pour l’action" d’octobre une étude sur l’artificialisation des sols. Un document pour fournir des "pistes de compréhension et de solution" quant à une réduction possible du rythme actuel de l’artificialisation qui progresse fortement depuis des décennies, notamment pour répondre au besoin de nouveaux logements.

Précisément, le CGDD parle en fait ici d’imperméabilisation des sols selon la nomenclature Teruti-Lucas (1), qui désigne "un phénomène plus restrictif que l’artificialisation" (2). Elle porte en effet sur les surfaces nouvellement bâties et revêtues quand la seconde est "mesurée par un indicateur qui comprend également les surfaces perméables de type espaces verts, jardins, ou encore carrières". Ainsi, le rythme d’imperméabilisation est "constant, voire augmente" sur la dernière décennie observée. "Comparées à la démographie qui est un facteur déterminant de l’artificialisation, les surfaces bâties et revêtues ont cru […] trois fois plus vite que la population (1,5 % par an entre 1981 et 2012 contre 0,5 %)", constate encore le Commissariat. En projetant la tendance jusqu’en 2030, la part de ce type de surface artificialisée pourrait même "passer de 6 à 8 % du territoire métropolitain, soit une augmentation d’un tiers de la surface actuellement imperméabilisée".

Les logements individuels 15 fois plus consommateurs d'espace que le collectif

Et ce notamment en raison des logements individuels, "quinze fois plus consommateurs d’espace que le collectif". Selon l’étude en effet, "46 % des sols artificialisés sur la période 2006-2014 servent aux logements individuels (dont plus de la moitié pour les pelouses et jardins), face à 3 % pour les logements collectifs". L’une des explications tient au fait que les nouveaux logements individuels se localisent souvent en périphérie alors que la construction collective se réalise davantage dans la ville, sur des terrains déjà artificialisés.

Le CGDD identifie aussi une typologie des communes qui ont artificialisé pendant la dernière décennie. "Depuis 10 ans, le rythme d’artificialisation est plus rapide dans [celles] qui disposent d’espaces non urbanisés disponibles plus importants (mesurés par la part des espaces naturels, agricoles et forestiers dans la commune et l’absence d’un PPRN, un tel plan faisant partie des documents de restriction des possibilités de construction)".

Trois quarts des espaces consommés dans des zones non tendues

"À un moindre degré, le rythme est également plus élevé dans les communes où les indices favorables à la construction sont plus forts", tels que l’évolution de la démographie et le nombre de résidences secondaires, "où les centres-villes sont davantage délaissés" (ce qui se lit avec les logements vacants) et "où les ménages sont plus motorisés", constate aussi le Commissariat. Il se penche aussi sur l’effet de la fiscalité communale en la matière (taxes foncières et d’habitation), mais celle-ci "ne semble pas avoir d’effet significatif ni robuste sur le rythme d’artificialisation". Enfin, l’impact de l’existence d’un PLU sur la consommation d’espace est lui aussi "difficile à interpréter", considère-t-il.

Autre paramètre important : 73 % des espaces consommés se situaient dans des communes "en zones non tendues", soit en zone C du zonage Robien (toujours sur la période 2006-2016). Pourtant, ces communes représentaient 49 % seulement de la hausse de la population.

Un quart de l'artificialisation là où la vacance de logements augmente

Le CGDD constate même que près 40 % de l’artificialisation se fait là où la vacance de logements augmente fortement (taux de plus de 50 %). Sur la dernière décennie, le nombre de logements vacants augmente d’environ 80 000 par an, soit l’équivalent de 20 % du nombre de constructions nouvelles. "Si on parvenait à valoriser 80 % du stock de logements vacants pour les besoins de l’habitat, le gisement d’économie serait de cinq années d’artificialisation due aux logements [sur la base d’un logement à construire en moins pour chaque logement vacant en moins] ou encore 2,5 années d’artificialisation tous usages confondus", résume le Commissariat.

Autre enseignement : un cinquième des nouvelles surfaces artificialisées entre 2006 et 2016 se situent dans des communes dont la population décroît, soit 11 000 communes qui se trouvent presque toutes en zones non tendues. "Le contraste démographie faible / artificialisation forte est particulièrement marqué dans les régions du Centre ainsi qu’à l’intérieur des terres en Normandie et en Bretagne", remarque notamment le CGDD.

Quels gisements d'économies d'artificialisation ?

Sur la base de cette étude, le Commissariat distingue des "gisements d’économie d’artificialisation" en "stabilisant le nombre de logements vacants ou en stoppant la consommation d’espaces dans les communes dont la population décroît". Cela pourrait réduire le rythme d’artificialisation observé sur la dernière décennie "jusqu’à 20 % chacun, soit 40 % en tout".

Pour aller au-delà et atteindre l’objectif de "zéro artificialisation nette", comme le préconise le plan biodiversité du gouvernement, d’autres gisements seraient également possibles : "en agissant sur la forme et le découpage parcellaire de la ville". Il s’agirait par exemple de "recycler les friches urbaines et de valoriser les 'dents creuses', ou encore de densifier le bâti existant ou de recomposer le parcellaire". Un groupe de travail partenarial proposera des mesures en faveur du recyclage du foncier.

Par ailleurs, le Comité pour l’économie verte publiera fin 2018 des recommandations sur des mesures visant à limiter la consommation d’espace, concluent les auteurs de l’étude.

Etude : "Objectif « zéro artificialisation nette» - Eléments de diagnostic", CGDD, octobre 2018

(1) Il s'agit d'une enquête statistique organisée par Agreste, le service statistique du ministère de l'Agriculture et reconduite tous les ans, pour donner des informations sur l'occupation et l'utilisation des sols.

(2) L'artificialisation est estimée à environ 26 000 hectares en moyenne par an selon les données du Cerema.

Abonnés
Analyses de jurisprudence
Toute l’expertise juridique du Moniteur avec plus de 6000 commentaires et 25 ans d’historique
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires