Tirer des contraintes techniques de protection et de conservation une expressivité plastique, et matérialiser dans un édifice l’alliance d’injonctions antagonistes : tel est le défi qu’ont relevé, chacun à leur manière, les architectes Massimiliano Fuksas, Corinne Vezzoni et Jérôme de Alzua dans les bâtiments de réserves ou d’archives présentés dans ces pages. En effet, comment faire œuvre d’architecture au travers d’équipements qui, pour schématiser, se résument à des « boîtes » opaques ultra-sécurisées ? La réponse : en s’assurant du succès de l’intervention par une greffe architecturale réussie avec le tissu urbain environnant.
C’est ainsi qu’à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), le sarcophage quasi aveugle dédié à la conservation des Archives nationales s’entoure d’un miroir d’eau pour en alléger la masse, tandis que des « satellites » secondaires, généreusement vitrés, s’y arriment pour l’ouvrir à son environnement. De son côté, Corinne Vezzoni à Marseille (Bouches-du-Rhône) sculpte son fortin de béton ocre en l’évidant pour qu’il puisse recevoir un public spécialisé et accueillir de petites expositions. A Lille (Nord) enfin, les architectes enveloppent leur bâtiment d’une double peau métallique perforée interclimatique, qui crée une porosité de façade évocatrice de la perméabilité recherchée entre ville et institution. Et c’est ainsi que, par l’architecture, les archives sortent de leurs cartons et les œuvres de leur réserve…