Au moment où le ministre de la Culture confirme la mission de réflexion sur l'institution ordinale confiée à Martin Malvy - qui doit en principe rendre ses conclusions fin octobre - les propositions de réforme émanant de la profession se multiplient. Ainsi le Conseil de l'Ordre des architectes d'Ile-de-France (Croaif) publie un projet très détaillé (1) où de « grandes régions » assumeraient l'essentiel des missions du Conseil national de l'Ordre actuel, tandis que l'association « Mouvement des architectes » diffuse pour sa part une esquisse où la notion « d'ordre » disparaîtrait au profit de « collèges » (2).
Croaif : un projet bouclé
Les deux propositions ont en commun de créer de nouvelles entités régionales, de chercher à contenir le montant des cotisations, et de réclamer l'allongement des mandats, trois ans pour le Croaif, quatre ans pour « Mouvements ». L'édifice complet imaginé par le Croaif est à trois étages. Le niveau 1 (région) assurerait les missions légales du conseil régional actuel (tableau, déontologie...) et la représentation de la profession au niveau local. Le niveau 2 associerait les régions en cinq ou six grandes régions, type « grand-ouest », pour des missions ordinales (collecte et redistribution des cotisations, contrôle d'une éventuelle caisse de consignation des marchés) et des missions de services (centrale d'achat, juridique, honoraires, promotion de l'architecture, etc.).
Un conseil supérieur de l'architecture
Le niveau 3 (national) serait constitué d'un collège de délégués issus des grandes régions. A l'instar de ce qui se passe chez les avocats, son « premier président », nommé par le collège « parmi l'ensemble des architectes français » et pas forcément issu de l'institution, jouerait un rôle de représentation et de lobbying. Avec une cotisation forfaitaire modulée (1 500 francs en moyenne par architecte), le budget global annuel de l'Ordre atteindrait 40 millions.
Contrairement au projet Croaif qui règle les moindres détails, celui de « Mouvement » (créé en 1995 pour refonder la représentation des architectes) se veut d'abord une base de discussion. Il propose une organisation en collèges, national d'une part et régionaux d'autre part (avec redécoupage en régions plus larges ou... moins large pour l'Ile-de-France). Ces collèges représenteraient les architectes non pas en fonction de leur seul statut, mais de la responsabilité professionnelle attachée à leur exercice. Ce qui suppose, souligne « Mouvement », que les positions des architectes salariés ou fonctionnaires soient mieux reconnues.
Ces collèges, élus au suffrage universel, assureraient des missions de représentation, promotion, premier arbitrage des conflits, services à la profession, gestion d'une structure de garantie financière, impulsion et contrôle de la formation continue... Un Conseil supérieur de l'architecture composé d'architectes émanant de ces collèges et de représentants du ministère de tutelle assurerait la gestion du tableau, le contrôle de la déontologie, l'organisation des élections professionnelle, les recours... Pour l'ensemble de ces missions accessibles à tous les architectes, les cotisations s'échelonneraient de 500 à 5 000 francs.
Constructions jugées prématurées par l'Unsfa
A l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa,) ces constructions sont jugées un peu prématurées. Pour autant, rappelle Alain Hubert, président honoraire et membre du Conseil, l'Unsfa réfléchit à la réforme de l'Ordre depuis 1993 : « Nous sommes convaincus que les faiblesses de la profession tiennent pour partie à l'incohérence de ses institutions. Il faut revenir aux sources de la loi de 1977, notamment clarifier la notion de représentation ». L'Unsfa distingue la profession de prestation de services (dont la représentation relève d'une expression syndicale pluraliste) et la profession « d'intérêt public » qui justifie l'existence d'un Ordre, mais limité au rôle de veille déontologique et garantie des compétences. « Entre ces deux pôles, ajoute Alain Hubert, il y a la question des services communs à toute la profession. S'il y a lieu de créer une sorte de fonds de développement de l'efficacité professionnelle avec des organisations de services et de lobbying, sa gestion, à nos yeux de nature syndicale, ne peut être confondue avec les missions déontologiques de l'Ordre ».
Le CNOA mise sur la concertation
Président du Conseil national de l'Ordre, Hervé Nourissat observe l'accélération des débats avec sérénité : « Le projet du Conseil national, rappelle-t-il, est de conduire la réforme de l'institution le plus démocratiquement possible, c'est-à-dire avec les conseils régionaux, les syndicats et les associations, parce que ce projet doit être porté par la profession toute entière. Sans oublier que nous devons non seulement nous interroger sur les services communs à la profession, mais aussi sur les services en direction du public. » Mais sans préjuger du résultat de cette grande concertation, Hervé Nourissat indique qu'« il pourrait renouveler profondément les formes actuelles de l'institution ».
(1) « Le Courrier des architectes d'Ile-de-France », no 32 de sept. 1997 ou, sur internet : ww//architectes.org (pages région Ile-de-France). (2) « Mouvement », 17 bd Saint-Martin, 75003 Paris. Tél. : 01.42.72.11.89. Fax : 01.42.72.33.06.