La « consultation nationale » lancée fin août a pris de court les autres organisations professionnelles d'architectes. Signe-t-elle un retour en force de l'Ordre dans le débat sur la réforme de l'architecture ?
HERVE NOURISSAT. On ne peut pas penser à réformer la loi si on ne sait pas où va la profession et dans quel contexte elle évolue. La consultation, et le succès qu'elle rencontre avec 6 000 réponses à ce jour sur 26 000 inscrits, montre que le débat est ouvert, et que les architectes sont motivés par leur avenir. L'analyse des résultats est en cours, ils alimentent déjà notre réflexion. Parallèlement, l'Ordre doit s'interroger : répondons-nous aux attentes de la société ?
Et à l'inverse, comment la société prend-elle en compte l'architecture ? Car notre objectif est de mettre en cohérence deux types de propositions : pour l'organisation de la profession d'une part, pour l'amélioration du cadre de vie d'autre part.
Autrement dit nous voulons bâtir une réponse professionnelle en phase avec les attentes de la société. Voilà pour le contenu.
Comment atteindre ces objectifs ?
Pour la méthode, nous avons mis en place au conseil national trois « binômes » de travail : sur les champs d'intervention de l'architecte ; la formation ; les structures d'exercice et les institutions représentatives de la profession. Menée en linéaire, la synthèse de ces réflexions permet d'alimenter le débat avec les conseils régionaux, et aussi avec toutes les associations et syndicats. Car je veux faire de l'Ordre un lieu de réunion et d'identité pour tous les architectes. Bien entendu, les « Rendez-vous de l'architecture » seront un temps fort de cette réflexion, puisque nous y serons, en principe, à l'écoute du public.
Comment ces propositions s'articulent-elles avec la réflexion sur la réorganisation de l'Ordre confiée par Catherine Trautmann à l'ancien ministre Martin Malvy ?
Encore une fois, on ne peut réformer l'institution sans avoir procédé à une remise à plat de la profession et de son environnement. Nous avons quelques pistes, par exemple sur l'extension du champ d'intervention de l'architecte à tous les espaces du cadre de vie bâti, sur l'architecte garant de la qualité, sur la loi MOP qu'il faut inscrire dans les faits, y compris dans nos méthodes de travail... Nous serons en mesure de faire des propositions en novembre, notre calendrier est en phase avec celui de Martin Malvy.
Quels sont vos dossiers prioritaires ?
Les conditions d'exercice et de rémunération de la profession n'ont cessé de se dégrader. Je pense notamment à l'organisation des concours d'architecture, dont les objectifs initiaux ont été dévoyés. Des exemples récents montrent qu'ils suscitent des polémiques finalement dégradantes pour les architectes. Nous avons préparé avec la MIQCP (1) une charte destinée à garantir la qualité d'organisation des concours. Nous souhaitons qu'elle devienne un texte réglementaire. Nous voudrions aussi reposer la question des références de rémunération des architectes. La demande émane aussi des usagers. Le Code des marchés publics français, qui est en quelque sorte une transposition de la directive « Services » européenne, donne de celle-ci, une interprétation extrêmement restrictive, la seule de ce type en Europe. Je voudrais que cette question soit examinée sérieusement par les pouvoirs publics, car, en même temps que se dégrade l'activité des architectes, se dégrade aussi leur rémunération.
Que pensez-vous de la fusion des directions de l'architecture et du patrimoine ?
Ce projet nous intéresse, il correspond à un élargissement de notre champ d'intervention par le biais du patrimoine. La suite logique de cette grande direction serait le grand ministère de la Ville et du Cadre de vie que nous souhaitons tous.
(1) Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques
Quelques résultats de la consultation
73 % des architectes interrogés se disent favorables à la création
d'une licence d'exercice;
66 % sont favorables à l'idée d'une formation continue obligatoire,
54 % à une certification qualité des agences;
90 % à l'extension du permis de construire à toute intervention sur
le cadre de vie (infrastructures, paysage, etc.) ou encore au principe d'un permis de construire allégé pour les maîtres d'ouvrage qui confieraient une mission de base MOP à l'architecte.
93 % d'entre eux sont attachés à une organisation professionnelle
pour la tenue du tableau et la protection du titre.
45 % sont favorables au regroupement de la maîtrise d'oeuvre dans
un collège de professions qualifiées.
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Hervé Nourissat, président du comité national de l'Ordre des architectes : «Nous voulons bâtir une offre professionnelle en phase avec les attentes de la société.»