C’est une nouvelle page qui s’ouvre pour Femat, distributeur de matériaux en lien avec la performance énergétique des bâtiments : gammes isolation, étanchéité et multi-énergie. Placée en redressement judiciaire en juillet 2024, la société rhodanienne a été reprise à la barre du tribunal de commerce fin 2024 par Olivier Dufour. Aujourd’hui investisseur, celui-ci avait piloté l’entreprise iséroise Prezioso (spécialiste notamment des travaux de maintenance dans les plateformes pétrolières off-shore), cédée en 2016 au groupe Altrad alors qu’elle affichait un chiffre d’affaires de 460 M€ avec 5 000 salariés.
Deux implantations maintenues
Dans cette opération, les 18 salariés de Femat encore en poste ont été repris (cinq avaient déjà quitté l’entreprise dans les mois précédents, via des licenciements économiques). Les deux implantations de Femat sont également maintenues : le siège et son agence de distribution de matériaux à Dardilly (69) ainsi que son entité de Corbas. A la tête exécutive de Femat, pas de changement également puisque Florian Brunet-Lecomte en est désormais le directeur général, aux côtés du président Olivier Dufour (qui ne sera pas opérationnel dans Femat).
Beaucoup de nouvelles ambitions
Florian Brunet Lecomte avait créé Femat en 2011 et l’avait fortement développée, notamment depuis 2021 et l’arrivée à son capital de Garibaldi Participations, jusqu’à atteindre 17 M€ de chiffre d’affaires en 2022/2023. « Avec cette liquidation, j’ai perdu de l’argent, j’ai perdu mon entreprise, mais l’essentiel est que Femat poursuive sa route et se redéploie. Nous avons beaucoup d’ambitions pour ce Femat nouvelle version. Nous avons appris de nos erreurs, nous allons sécuriser la suite », confie Florian Brunet-Lecomte.
MaPrimRénov et Femat, une histoire d’amour qui a très mal terminé
A quelles erreurs fait allusion Florian Brunet-Lecomte ? Principalement celle, selon lui, d’avoir assis une partie trop importante de son chiffre d’affaires sur le dispositif MaPrimeRenov. En 2021, Femat s’était en effet lancée (via sa filiale Femat Solutions) sur le marché du financement des travaux de rénovation énergétique soutenus par l’Anah dans le cadre de MaPrimeRenov. Femat s’était constitué mandataire MaPrimeRenov et avançait à ses clients artisans l’argent correspondant au montant attendu de l’aide pour leurs chantiers de rénovation énergétique. Femat se chargeant ensuite de récupérer ces sommes auprès de l’Anah. Sauf que le système engorgé (notamment par les contrôles de l’organisme public face à l’éco-délinquance) est devenu trop lourd. « En 2022, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 17 M€, c’était super, mais en face nous avions un encours de plus de 3 M€ avec l’Anah, alors même que le taux de conformité de nos dossiers était de 99%. Femat figure parmi les dégâts collatéraux de cette lourdeur administrative », raconte le DG de Femat. Il ne retournera donc pas sur ce terrain. En tout cas, pas tant que « l’Anah ne se sera pas engagé juridiquement sur des délais de paiement ».
Les nouvelles perspectives de Femat sur le tertiaire
Femat va donc en revenir à une cible de chiffre d’affaires de l’ordre de 7 à 10 M€ dans un premier temps, contre 12,5 M€ sur l’exercice précédent. « Nous allons nous recentrer sur notre métier historique : la distribution de nos gammes pour le bâtiment performant. Dans cette évolution, nous rehaussons nos exigences quant à des clients sur lesquels nous aurions des doutes. Si nous soupçonnons des triches ou des abus vis-à-vis de MaPrime Renov ou des CEE, nous mettons fin à la relation commerciale. Certes, c’est du chiffre d’affaires en moins mais nous devons tous prendre nos responsabilités face à l’éco-délinquance car, au bout du compte, tout l’éco-système en souffre ».
En parallèle, Femat va se positionner sur le marché du tertiaire. C’est un virage que Florian Brunet-Lecomte estime stratégique. « Ce marché est en pleine mutation avec le Décret tertiaire qui impose une réduction de 40% de la consommation énergétique d’ici 2030 et de 60% d’ici 2050. Le potentiel de rénovation est important et nous avons une réelle légitimité à nous positionner puisque nous maitrisons parfaitement ce sujet avec nos gammes historiques. Nous avions déjà pris ce virage avant la reprise, nous allons désormais accélérer ». Concrètement, Femat veut développer un service d’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO). Des partenariats auraient déjà été scellés avec des bureaux d’étude thermique. Des prestations de formation vont également être mises sur pied.
Femat devient le prestataire de CMEM pour le tertiaire
Dans sa nouvelle stratégie tournée vers le tertiaire, Femat s’adjoint un allié de poids. Adhérent de France Matériaux et de Socoda, l’entreprise va devenir le prestataire privilégié de CMEM pour le tertiaire, via un partenariat avec la start-up Solugryn dont CMEM est actionnaire à hauteur de 5%. « Solugryn travaillait jusqu’à présent principalement sur MaPrimeRenov et les CEE. Le partenariat avec Femat va apporter une nouvelle compétence et donc de nouveaux services à nos adhérents. Plutôt que de se faire concurrence, il est plus intelligent de travailler ensemble », explique Patrick Schaeffer, le directeur général de CMEM.
Une nouvelle structure, Femat Formation, va être créée, et assurera les formations et audits des adhérents au décret tertiaire, afin qu’ils puissent monter en compétence sur ce sujet et éventuellement réaliser les transformations nécessaires sur leurs points de vente. « L’enjeu est immense car le potentiel est de plus de 1 800 points de vente. Même si on assure la formation d’une petite partie d’entre eux, il y a du travail ! », commente Florian Brunet-Lecomte. L’entrepreneur pourrait aussi bénéficier de retombées sur son activité de distribution puisqu’il commercialise les produits en lien avec les travaux les plus couramment déployés dans le cadre des rénovations énergétiques. A un horizon un plus lointain, Femat pourra aussi accompagner les clients des distributeurs.