Antennes-relais : une délicate mais nécessaire conciliation avec la préservation du patrimoine

Urbanisme - D'intérêt public, la couverture du territoire par le réseau mobile est toutefois soumise au respect des règles d'urbanisme et au contrôle, parfois subjectif, du juge.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - 31702_1849504_k2_k1_4274779.jpg

A l'heure du déploiement de la 5G, la question de l'implantation des antennes-relais de téléphonie mobile suscite de plus en plus de débats. L'enjeu est de taille, au vu de leur multiplication et des objectifs de couverture du territoire national.

Erigée en obligation de service public par la jurisprudence (voir ), la couverture ne doit pourtant pas se faire au détriment des sites et des paysages ou de la biodiversité, patrimoine commun de la nation, dont la protection est d'intérêt général (). Dans ces conditions, comment limiter l'impact, notamment visuel, de ces équipements ? Quelles obligations pèsent sur les opérateurs ?

Le nécessaire respect des règles d'urbanisme

Comme pour toute construction, les antennes-relais sont, en fonction de différents critères (surface des ouvrages techniques, hauteur des pylônes), soumises soit à déclaration préalable, soit à permis de construire. Afin d'obtenir la meilleure couverture possible, les opérateurs de réseaux mobiles implantent leurs antennes-relais sur différents lieux que le droit de l'urbanisme veille à préserver. Deux réglementations coexistent : le règlement national d'urbanisme (RNU) [art. R. 111-1 à du Code de l'urbanisme], et les règlements des plans locaux d'urbanisme (PLU/PLUi) applicables localement.

RNU et PLU. D'ordre public, les règles du RNU ne trouvent en général à s'appliquer que lorsqu'il n'existe pas de PLU. Pourtant, même en présence d'un tel document, elles peuvent supplanter les règles locales qui ne garantiraient pas de manière suffisante les intérêts généraux, dont le respect est assuré par le règlement national. Ainsi, l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme, qui permet à un maire de refuser de délivrer un permis de construire si les constructions portent atteinte à l'intérêt et au caractère des lieux, s'applique dans les territoires dotés d'un PLU.

Formulé autrement, il n'est donc pas illégal de s'appuyer sur cet article alors même qu'existent des dispositions équivalentes au sein du PLU. Les dispositions de cet article R. 111-27 s'effaceront néanmoins au profit de celles du niveau local, quand celles-ci posent des exigences qui « ne sont pas moindres » (, mentionné aux tables du recueil Lebon). Précisons que cet article est souvent repris in extenso dans certains PLU, ou enrichi de contraintes (prise en compte de particularités morphologiques et typologiques des quartiers, des façades existantes, couverture), voire de précisions.

Insertion du projet. L'appréciation de l'insertion du projet dans l'environnement doit d'abord tenir compte de la qualité du site sur lequel la construction est projetée, et ensuite de l'impact que cette dernière a sur le site ( ; ). A ainsi été censurée une construction, excédant par son volume les constructions avoisinantes, s'implantant « en bordure de zone boisée » dans une « zone atypique » ().

Précisons que l'intérêt d'un site ne réside pas seulement dans l'attrait esthétique d'un paysage naturel ou urbain, mais tient également compte de sa valeur historique et culturelle. A cet égard, notons que la co-visibilité d'un projet avec un monument historique n'est pas, à elle seule, de nature à emporter le caractère particulier des lieux avoisinants ().

S'intégrer dans le respect des lieux signifie également qu'il ne doit pas être fait le choix d'implanter des constructions dans des endroits ne s'y prêtant pas. A ainsi été censurée la construction d'un hangar en tôle, en bordure de l'église et du cimetière du bourg, ce lieu ayant « un lien avec le principe universel, qui transcende les époques et les lieux, du respect dû aux morts » (conclusions sous ).

Le contrôle du juge, empreint de subjectivité

Dans le cadre de son examen, le juge administratif s'attache à contrôler l'atteinte portée aux lieux par les implantations d'antennes-relais au travers des règles du PLU relatives à la hauteur, et/ou à l'aspect extérieur des constructions. Ainsi, un maire a pu légalement refuser un permis pour méconnaissance de la règle de hauteur de 13 mètres, dès lors que la toiture de l'immeuble devant accueillir les antennes-relais avait une hauteur de 16 mètres ().

Pas de blanc-seing. L'atteinte aux lieux doit être appréciée en tant que telle par l'autorité d'urbanisme, indépendamment de l'intérêt général lié à la réalisation d'un projet. Autrement dit, l'intérêt général attaché à la couverture du territoire par les réseaux ne doit pas avoir pour effet de conférer aux opérateurs un blanc-seing leur permettant de s'affranchir de toute exigence esthétique. Aussi, le juge ne censure pas le projet d'implantation d'antennes-relais dans un secteur rural, sans caractéristique particulière, avec un impact paysager faible, sans co-visibilité avec aucun monument, et du fait du choix d'un pylône treillis assurant une transparence et de la zone technique masquée par la végétation ().

En revanche, il censure l'autorisation d'urbanisme pour la construction d'un pylône de téléphonie mobile de forme cylindrique, de type « cheminée », d'une hauteur de 20 mètres en acier galvanisé, teinte grise, devant être implanté à proximité immédiate d'une ancienne gare de déportation, et qui sera aisément visible à partir de tout point du site (). Ici, c'est la dimension symbolique et mémorielle du site que le juge a voulu préserver. Ce contrôle juridictionnel est nécessairement empreint de subjectivité.

Des guides et chartes pour concilier les différents intérêts

Pour concilier les différents intérêts en présence, l'Association des maires de France (AMF) et l'Association française des opérateurs mobiles (Afom) ont corédigé en 2007 un guide des relations entre opérateurs et communes. Il en ressort la nécessité pour l'opérateur de consulter les communes pour s'entendre sur les possibilités d'implantation, et sur les modalités d'intégration paysagère. Cette intégration peut prendre plusieurs formes : mutualisation des ouvrages supports, dissimulation des antennes et des supports (intégration dans des fausses cheminées…) ou implantation sur des ouvrages déjà en hauteur (château d'eau…).

Enjeux et retours d'expérience. Parfois aussi, certaines communes concluent avec les opérateurs de téléphonie mobile des chartes. Celles-ci présentent leur vision d'ensemble des enjeux de préservation du paysage et de la biodiversité sur leur territoire, ainsi que les mesures de protection du patrimoine paysager et naturel, figurant au sein de leur PLU.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires a également rédigé un guide pratique, actualisé en juillet 2022, pour l'intégration paysagère et la prise en compte des enjeux de biodiversité. Car l'implantation des antennes-relais est l'affaire de tous, personnes privées, opérateurs et collectivités ou Etat.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires