Alain Taravella a l’air navré, ce vendredi 26 février au matin. « J’espère que c’est la dernière fois que je vous parle par Teams… », soupire-t-il en préambule de la présentation des résultats annuels, beaucoup moins sombres que son humeur le laissait présupposer au départ. « Cette année a été hors norme, un stress case grandeur nature qui a démontré la force de notre modèle, la validité de nos choix stratégiques et la vitesse de réaction de nos équipes », rassure le PDG d'Altarea.
Du meilleur au pire
Il est exact que la foncière est parvenue à absorber l’impact tout en améliorant sa stabilité financière, puisqu’elle a diminué son endettement de 300 millions d’euros. Durant cette année « atypique et chahutée », comme l’a décrite Jacques Ehrmann, le directeur général du groupe, l’entreprise est passée du meilleur au pire, en particulier en ce qui concerne la branche logement, qui assure la grande majorité du résultat net d’Altarea : « De janvier à début mars, nous avions un record de réservations. Et puis soudain, arrêt brutal, des clients décontenancés, des notaires disparus… ».
En quelques semaines, la foncière a réussi à changer son modèle économique : alors que 60% de ses clients étaient des particuliers et 40% des institutionnels, elle a inversé les deux chiffres. « Les institutionnels ont pris conscience que les résidences sont une classe d’actifs résiliente. Nous avons ainsi eu un très joli mois de mai, et un premier semestre formidable », conclut le directeur général.
Les programmes étaient déjà en cours : ils ont donc pu être commercialisés immédiatement après le confinement, au moment où les Français des métropoles se sont rués vers la province et des appartements avec extérieur. Problème : tout ayant été vendu rapidement, il faut désormais reconstituer le stock. Or, 2020 était aussi une année électorale… « Quand les maires ont une panne de stylos pour signer des permis de construire, il y a un enjeu de temps. Il ne faut pas s’attendre à un premier semestre 2021 très spectaculaire », prévient Jacques Ehrmann.
Les difficultés de l'immobilier d'entreprise
Le chiffre d’affaires de la branche logement s’établit à 2,4 milliards d’euros (3 milliards pour le groupe). Le résultat opérationnel atteint 177 millions d’euros (+4%), soit les trois quarts du résultat net du groupe (230 millions d’euros, en baisse de… 21%).
Ce résultat net en baisse de 21% est dû aux difficultés de l’immobilier d’entreprise. La branche commerce a en effet beaucoup souffert. « Ça a décoiffé sérieusement, ouvert, fermé, ouvert, fermé, ouvert un peu, et là, on a environ 38% de commerces encore fermés, ça n’est pas de tout repos, sourit un peu jaune Jacques Ehrmann, mais dès qu’on rouvre, les clients sont là ce qui au passage prouve l’appétence (sic) des clients pour les commerces physiques ».
Les gares, normalement très bonnes élèves en matière de chiffre d’affaires et de fréquentation, ont flanché, avec un trafic en baisse des 26%, « en revanche, le ticket moyen, lui, n’a pas baissé d’autant, 18% seulement ».
Le partenariat avec Carrefour, annoncé il y a quelques semaines, représente une bouffée d’oxygène dans cet univers stressant : il s’agira de reconvertir des sites commerciaux à Nantes, Sartrouville et Flins en quartiers (avec bureaux, mais surtout logements, écoles et jardins), à l’instar de ce qu’Altarea réalise déjà à Bobigny 2 avec Auchan. Il faudra du temps, « 4 ans si tout va bien, 8 ans au maximum » pour terminer ces chantiers, dans un contexte où la demande croissante de protection environnementale rend indispensable la construction d’éco quartiers, de bâtiments à énergie positive, et plus généralement de constructions bas carbone.
Quant aux bureaux, ils posent le problème du télétravail et du « flex office » dont on ignore encore à quel point il sera maintenu par les entreprises après la crise sanitaire : « le marché sera moins spéculatif, compliqué et sélectif, et ça tombe bien, nous aimons ce qui est compliqué, nous sommes donc optimistes. Cette redistribution des cartes suppose qu’il faut être mieux au bureau qu’à la maison pour y travail, tout un champ d’investigation très important ».
Alain Taravella conclut, « nous avons eu un petit trou d’air en 2020 mais le futur, quelque part, nous appartient ». Le PDG prévoit la sortie de crise dès cette année, « et la prochaine fois, on ne se verra pas en vidéo, nous vous accueillerons ici, dans notre siège social, à Paris ».