Allotir le vivant : un enjeu identitaire pour le paysage

Le futur guide de la commande publique en génie écologique offrira une consécration institutionnelle à l’Union nationale des entreprises du paysage. Coordinatrice de la rédaction, l’organisation professionnelle en annonce la publication pour le premier trimestre 2025.

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Haie de Bentje
Ilots de fraîcheur et de nature, les haies de Bentje illustrent la synthèse entre écologie et aménagement qui guide les rédacteurs du guide de la commande publique en génie écologique.

L’allotissement vient en tête des enjeux identifiés par les rédacteurs du guide de la commande publique en génie écologique. En phase de relecture, le document répond à une demande du ministère de la Transition écologique, via la direction de l’eau et de la biodiversité et l’Office français de la biodiversité.

Membre fondateur de l’association fédérative des acteurs de l’ingénierie et du génie écologique (AI-Géco), l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep) tient la plume. La Fédération nationale des TP participe en sa qualité de membre de l’Union professionnelle du génie écologique, au sein d’un comité de rédaction auquel contribue également l’Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement (Astee).

Pour justifier la place centrale de son organisation, Pierre Darmet, directeur des affaires institutionnelles de l’Unep, développe la métaphore de la lisière, là où se concentrent la biodiversité de la forêt et celle de la prairie. « Nés du monde agricole avec un savoir-faire qui croise la gestion de l’eau, du sol et du végétal, nos entreprises orientent leur expertise vers la résilience urbaine »,  proclame-t-il.

Culture du compromis

Cette position amène le paysage à partager son savoir-faire avec les TP, pour apporter un maillon manquant à la chaîne de la commande publique. « Les marchés étudiés par les écologues aboutissent à des travaux industrialisés qui flèchent les TP. A nous d’expliquer l’intérêt d’un chemin intermédiaire, efficient, et souvent avantageux sur le plan économique », poursuit Pierre Darmet.

L’explicitation de cette voie intermédiaire passe par la définition du lot génie écologique, qui offrira une place centrale aux solutions fondée sur la nature. L’allotissement du vivant conduira à décrire des marchés qui réduiront la fracture entre neuf et maintenance. Toute une vision du monde en découle, pour des professionnels qui rêvent aussi de réconcilier ville et campagne, vivant et bâti, nature et culture. « Nous ne renions pas la résonnance de ce besoin de compromis avec le contexte politique », sourit Pierre Darmet.

Commande en mutation

Selon l’Unep, la publication attendue pour le début 2025 vient à point nommé pour répondre à une évolution structurelle : « La clientèle des TP change. Autrefois tournée vers la création d’infrastructures, elle se concentre aujourd’hui sur la prévention des risques », constate Pierre Darmet. Parallèlement, les stratégies de croissance externe des entreprises de TP conduisent de plus en plus souvent à les orienter vers le paysage. D’où un enjeu identitaire pour l’Unep : « Sachons d’où on vient pour regarder où on va et utiliser notre position d’interface comme une force », enjoint le directeur des affaires institutionnelles.

Le même questionnement guide la réflexion de l’organisation sur l’évolution des marchés privés : « Nous sommes à un croisement avec deux issues possibles : soit on s’effondre, soit on repart », alerte Laurent Bizot, président de l’Unep. Dirigeant de Bizot Paysagistes à Paris, majoritairement orienté vers l’immobilier, l’entrepreneur veut préserver les copropriétés de la tentation de réduire l’aménagement végétal à une variable d’ajustement qu’elles pourraient sacrifier, face à une conjoncture défavorable.

Marchés privés au pied du mur

Laurent Bizot complète la lisière de Pierre Darmet par une autre image métaphorique : la haie de Bentje. « Lieu d’épanouissement de la végétation spontanée, cet îlot de nature et de fraîcheur trouve son sens dans un plan masse qui ménage des espaces soignés et taillés, près des entrées d’immeubles », expose le président. La protection de la haie de Bentje par des clôtures façonnées avec les arbres morts environnants situe cette figure paysagère dans l’économie circulaire et le réemploi.

« Les propriétaires privés détiennent la majorité des emprises urbaines. Pour adapter les villes au défi climatique, il faudra trouver avec eux le bon compromis entre la maîtrise des coûts et la préservation des sols et de la biodiversité », embraye Laurent Bizot.

Ligne de crête

Président de la commission du développement économique de l’Unep, Nicolas Leroy synthétise l’argumentaire de l’organisation vers ses marchés publics et privés : « La période conduit chacun à la tentation de se recroqueviller sur son périmètre restreint. Pour éviter de perdre du terrain, nous nous appuyons sur le triptyque porteur de valeur : prévention des risques, bénéfices pour la santé et le bien-être, protection de la biodiversité ».

Pour l’instant, le discours porte : « Tout se fissure, mais selon nos derniers baromètres, les entreprises du paysage restent en croissance », confirme Nicolas Leroy. Sur le front de la biodiversité, un autre guide en chantier témoigne de l’état d’esprit des troupes de l’Unep : cosigné avec la Ligue pour la protection des oiseaux, ce document portera sur l’entretien des haies, sujet de conflit historique entre l’association et l’organisation professionnelle. Le projet illustre la détermination de cette dernière à tenir sa ligne de crête, entre écologie et économie.

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