Le gouvernement veut aller plus loin et plus vite en matière de rénovation énergétique. "Aujourd'hui, la France rénove l'équivalent de 350 000 logements", estime Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire.
Un résultat en deçà de l'objectif annuel de 500 000 logements rénovés fixé dans le Plan de rénovation énergétique des bâtiments présenté en avril 2018 par Nicolas Hulot, alors ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie.
Pour gagner ce pari de la massification, le gouvernement a décidé de réformer le dispositif d'aides à la rénovation énergétique. Celui-ci sera à la fois "plus simple, plus juste et plus efficace", résume-t-on au gouvernement.
Une prime unifiée qui prendra effet en deux temps
Ainsi, à partir du 1er janvier 2020, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et l'aide de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les gestes simples (Habiter Mieux Agilité) seront regroupés et transformés en une prime unique versée en une fois dès la fin du chantier, sans avance de frais du montant des travaux couvert par l'aide.
Ce dispositif prendra effet en deux temps : à partir du 1er janvier 2020 pour les ménages les plus pauvres (déciles 1 à 4) et à partir du 1er janvier 2021 pour les ménages intermédiaires (déciles 5 à 8). En 2020, année de transition, ces derniers se verront verser la prime sous forme de crédit d'impôt.
Les ménages les plus aisés (déciles 9 et 10), qui peuvent aujourd'hui bénéficier du CITE, ne seront pas éligibles à cette prime mais continueront à bénéficier des certificats d'économie d'énergie (CEE), aides versées par les entreprises qui vendent de l'énergie.
Autre nouveauté : les propriétaires bailleurs seront éligibles à cette réforme, sous condition de revenus, au même titre que les propriétaires occupants. Par ailleurs, les copropriétés bénéficieront d'aides à partir du 1er janvier 2021.
La prime sera versée par l'Anah. La demande d'aide pourra être formulée par le client lui-même ou par l'entreprise mandataire, sur la base d'un devis. Une plateforme informatique sera mise en place à partir d'avril prochain pour effectuer la démarche en ligne.
Une enveloppe globale en hausse mais des aides publiques qui n'augmentent pas
En 2020, l'effort de l'Etat et des entreprises pour aider les Français à rénover leur logement devrait s'élever à 3,5 milliards d'€, soit 200 M€ de plus qu'en 2019.
> Les Certificats d'Economie d'Energie (CEE), financés par les distributeurs d'énergie, contribueront à hauteur de 1,8 milliards d'euros, soit la moitié de l'enveloppe totale générée par ce dispositif.
> Les 1,7 milliards restants seront pris sur le budget de l'Etat. Le projet de loi de finances pour 2020, qui sera présenté le 27 septembre 2019 prévoit :
- 800 M € de crédits budgétaires pour la prime unifiée destinée à remplacer le CITE. Ce budget est en baisse : dans le PLF de 2019, l'enveloppe consacrée au CITE s'élevait à 879 M€. En 2018, il s'élevait à 1,1 milliard d'€.
- 600 M€ pour le programme "Habiter Mieux sérénité", aide de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) destinée au financement de travaux de rénovation globale. Cette ligne budgétaire est en augmentation de 100 M€ par rapport à 2019.
- Les 300 M€ restants serviront à financer l'éco-PTZ, le dispositif Denormandie dans l'ancien, la rénovation du parc social.
Recentrage sur les ménages les plus modestes
Ce nouveau dispositif vise à permettre aux ménages les plus modestes de bénéficier des aides à la rénovation énergétique. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. "Le CITE touche 20 % des ménages les plus riches, 50 % des ménages intermédiaires et 10 % des ménages les plus modestes", indique un porte-parole ministériel. "Demain, la prime unifiée ira pour moitié aux ménages modestes et très modestes des déciles 1 à 4. Celle-ci pourra couvrir pour eux jusqu'aux deux tiers de la dépense".
Ce recentrage sur les plus modestes fait grincer les dents des professionnels du bâtiment et des organisations environnementales qui y voient un frein à la dynamique des rénovations.
Cependant, la question du soutien aux plus aisés, notamment dans le cadre de projets de rénovation complète qui permettraient, par exemple, de passer d'une passoire thermique à un logement bien isolé, reste ouverte. "On sera à l'écoute du débat parlementaire dans le cadre du projet de loi de finances (PLF)", souligne-t-on de source gouvernementale.
Le reste à charge de l'ensemble des ménages pourra continuer à être financé par des aides des collectivités, ou encore par l'éco-PTZ qui reste ouvert à tous et dont les modalités ont été récemment simplifiées. Les ménages éligibles au chèque-énergie, dont le montant sera à nouveau augmenté en 2020, pourront également utiliser celui-ci pour financer des travaux de rénovation énergétique.
Aide forfaitaire en euro
Enfin, le nouveau dispositif repose sur une nouvelle logique qui consiste à passer d'un pourcentage à une aide forfaitaire en euro sonnant et trébuchant.
L'aide prévue pour chaque geste sera calculée en fonction de critères de revenus et des économies d'énergie que les travaux permettront de réaliser.
En résumé, plus le geste est efficace et moins le ménage est riche, plus l'aide sera importante. Le gouvernement voit aussi dans cette logique forfaitaire un levier pour limiter les effets d'aubaine et les effets inflationnistes sur certains gestes.
Par exemple, un couple très modeste (25 000 € de revenus annuel avec un enfant) qui souhaite remplacer sa chaudière au fioul par une chaudière à granulés plus performante bénéficiera d’au moins 11 200 € de prime unifiée et de 4 000€ de CEE, soit un reste à charge de 3 000€ à payer au maximum. Celui-ci pouvant être financé par un éco-PTZ et par le chèque énergie.
Plan de lutte contre la fraude
Parallèlement à la prime unifiée, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures en faveur de la rénovation énergétique :
- le Service d'aide à la rénovation énergétique (Sare). Financé par les CEE à hauteur de 200 millions d'euros, ce dernier a vocation à aider les régions et les EPCI à financer un meilleur accompagnement des ménages à la rénovation énergétique. En fonction des territoires, cela pourra se traduire par l'ouverture de "guichets" physiques de renseignements, de sites web, du déploiement de dispositifs technologiques pour mieux repérer les passoires thermiques, etc.
- un plan global de lutte contre les fraudes et le démarchage abusif. Parmi les mesures annoncées figurent le renforcement du dispositif RGE, davantage de contrôles et d'audits après travaux. Ces derniers pourront être menés par les professionnels, la DGCCRF, le ministère de la Transition écologique et solidaire.
- le lancement d'un observatoire de la rénovation énergétique piloté par le Commissariat général au développement durable. Celui-ci permettra, à l'horizon 2021, d'avoir une vision plus fine de la rénovation énergétique et d'établir des statistiques par geste, par région mais aussi en fonction de la composition et du type de foyers.