Achat public : l'Echelle de performance carbone à l'essai

Une expérimentation de ce critère, utilisé depuis quinze ans aux Pays-Bas, commence en France.

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Laurence Laroche, directrice des achats du groupe La Poste.

Lancée en grande pompe devant plus de 70 acheteurs publics réunis le 27 mars à l'ambassade néerlandaise à Paris, l'Echelle de performance carbone (EPC) fait son apparition dans la commande publique en France. Née il y a quinze ans aux Pays-Bas, elle se présente comme une « solution puissante pour accélérer la décarbonation des chaînes d'approvisionnement », selon Jenny Bourhis, directrice de l'agence Asea, qui pilote son déploiement en France. La fondation Skao, qui l'a créée, cherche à la développer dans plusieurs pays européens. Des expérimentations vont aussi être menées en Irlande, au Royaume-Uni et en Allemagne.

Certification. Le principal attrait de l'EPC est de convenir à tous les marchés publics, quel qu'en soit l'objet. De quoi soulager acheteurs et soumissionnaires, parfois démunis face à la multiplication des outils d'évaluation carbone. « C'est un référentiel unique, sous la forme d'une certification, que l'on retrouve aujourd'hui dans environ 1 000 procédures par an aux Pays-Bas. Et elle est totalement conforme aux règles de la commande publique », insiste Jenny Bourhis. Si les entreprises certifiées ont effectivement davantage de chance de se voir attribuer le marché, ce critère n'est pas pour autant discriminant, estime-telle, car il n'est pas nécessaire d'avoir obtenu la certification au moment de la réponse à la consultation.

L'EPC se décline ensuite avec une clause d'exécution, intégrée dans le marché. Celle-ci porte sur la gestion par le titulaire de ses émissions de CO2, évaluée par un tiers indépendant. « Elle permet de valoriser une bonne démarche globale de décarbonation, sans être axée sur le seul objectif chiffré de réduction », explique la directrice d'Asea. Le donneur d'ordres doit ensuite vérifier que le certificat délivré à l'issue de ce contrôle est conforme à l'engagement contractuel du titulaire. Des pénalités dissuasives sont prévues en cas de manquement, notamment si le prestataire n'atteint pas le niveau de certification exigé (cinq échelons au total).

« Nous travaillons à créer le modèle français, précise Jenny Bourhis. Ce qui se profile est un poids minimal de 10 % du critère EPC dans la notation des candidatures, avec des points attribués en fonction du niveau d'engagement du candidat, et un critère prix qui ne doit pas dépasser 50 %. Ce système permet de libérer l'acheteur, avec un critère unique, applicable à chaque prestation, et une évaluation confiée à un auditeur. » Une simplification qui tombe à pic, alors que les critères environnementaux doivent se systématiser au plus tard d'ici août 2026, conformément à la de 2021. L'échéance devrait même être avancée à 2025 dans certains secteurs, à la suite de la loi Industrie verte de 2023.

Pionniers. Certaines administrations, comme la Direction des achats de l'Etat, se montrent pourtant réservées quant à l'utilisation de l'EPC, regrette-t-on chez Asea. Mais elles vont sans doute observer de près l'expérimentation, soutenue par le Commissariat général au développement durable, à laquelle cinq acheteurs publics participent pour l'instant : l'Ugap, le Resah, la Métropole du Grand Lyon, RTE et La Poste. Cette dernière envisage de tester le dispositif dans un gros marché portant sur l'hébergement de données. « L'EPC est particulièrement pertinente pour les contrats d'un montant important. Il ne faut pas que l'engagement pris soit démesuré par rapport au projet », souligne Jenny Bourhis. Car la certification a un coût. « Un marché de l'audit devrait émerger, concède la consultante. Pour autant, l'EPC n'est pas réservée aux grandes entreprises : aux Pays-Bas, 75 % des 6 000 certifiés sont des PME. » Plébiscitée par l'OCDE, qui y voit un bon outil pour limiter l'impact des achats publics - responsables de 15 % des émissions mondiales de CO2 -, l'EPC doit également viser les prestations les plus émettrices. La construction présente le profil idéal. RTE songe d'ailleurs à l'utiliser pour la première fois pour un marché de travaux. De quoi susciter la curiosité des acteurs du BTP. « Des représentants d'Eiffage, Vinci et Bouygues ont assisté à la réunion de lancement, indique Jenny Bourhis. Et des filiales de groupes français comme Legrand ou Equans sont déjà certifiées aux Pays-Bas et en Belgique ». Aséa va aussi présenter le dispositif à la FFB et à la FNTP dans les prochaines semaines.

« L'EPC doit permettre de faire progresser la décarbonation de nos fournisseurs », Laurence Laroche, directrice des achats du groupe La Poste

« Nous utilisons déjà dans nos marchés des critères RSE, qui représentent au moins 10 % de la note du candidat. Nous souhaitons désormais accélérer la décarbonation de nos achats, ce qui est compliqué aujourd'hui car il existe une multitude d'outils de mesure. Nous avons donc besoin d'un système unique, objectif et compatible avec les règles de la commande publique. L'EPC répond à ce besoin. Elle présente aussi l'avantage d'être accessible : les coûts initiaux sont peu élevés et il y a différents niveaux d'ambition. Elle doit permettre à nos fournisseurs, qui sont majoritairement des TPE-PME, de progresser. Nous allons l'expérimenter sur une prestation d'hébergement de données, qui est fortement émettrice de carbone. L'objectif est ensuite de la déployer sur d'autres marchés. »

 

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