Après une commission mixte paritaire (CMP) conclusive le 1er avril, la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) a été votée par les deux chambres les 2 et 3 avril. Elle comporte une mesure relative à la commande publique : son article 13 - qui avait déjà fait l'objet d'un consensus entre députés et sénateurs avant la CMP - vient modifier la rédaction du Code de la commande publique (CCP) en ce qui concerne le partenariat d’innovation, marché public ayant pour objet la recherche et le développement ainsi que l’acquisition d’une solution innovante.
Est ainsi supprimée la dernière phrase de l’article L. 2172-3 du CCP. Celle-ci prévoyait que « sont considérés comme innovants tous les travaux, les fournitures ou les services proposés par les jeunes entreprises définies à l’article 44 sexies-0 A du Code général des impôts », c’est-à-dire les entreprises bénéficiant du statut fiscal de jeune entreprise innovante.
Cette présomption s’appliquait aussi aux marchés portant sur des solutions innovantes, passés sans publicité ni mise en concurrence (art. R. 2122-9-1 du CCP) jusqu'à 100 000 euros HT.
Cinq conditions sont requises pour être qualifiée de jeune entreprise innovante :
- être une PME ;
- avoir été créée depuis moins de huit ans ;
- être réellement nouvelle, c’est-à-dire que la création de l’entreprise ne soit pas le fruit d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités ;
- réaliser des dépenses de R&D représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles ;
- être indépendante.
Une présomption non conforme aux directives
Pour mémoire la mention relative aux jeunes entreprises innovantes avait été ajoutée dans le CCP à l’occasion de la loi de finances pour 2024 (art.44-II). Il s’agissait d’instituer une présomption en leur faveur, leurs solutions étant réputées innovantes. Les acheteurs publics pouvaient donc passer des partenariats d’innovation, ainsi que des marchés innovants sans publicité ni mise en concurrence, avec ces entreprises sans avoir à recourir à la méthode du faisceau d’indices.
Toutefois une telle présomption s’avère contraire au droit de l’Union européenne, comme l’explique le Conseil d’Etat dans son avis sur le projet de loi Ddadue. Les directives Marchés publics de 2014 « ne permettent pas à un Etat membre de qualifier d’innovantes, par principe et sans exception, toutes les prestations réalisées par les entreprises de création récente et dont une part des dépenses ou de l’activité est consacrée à la recherche et au développement », peut-on ainsi lire dans l’avis précité.
Deuxième écueil, les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination entre les opérateurs économiques et celui de libre prestation de services « font obstacle à ce que le bénéfice de cette qualification soit réservé aux seules entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu en France », écrit le Conseil d'Etat.
Retour à la rédaction initiale
La présomption en faveur des jeunes entreprises innovantes étant supprimée, les acheteurs publics doivent s’en tenir aux conditions initiales de l’article L. 2172-3 du CCP. Pour conclure un partenariat d’innovation, ils doivent démontrer que la solution achetée est innovante.
Le Code précise que les travaux, fournitures ou services « nouveaux ou sensiblement améliorés » sont considérés comme innovants. La nouveauté ou l’amélioration peut porter sur les procédés de construction ou de production, ainsi que sur les méthodes de commercialisation ou d’organisations des pratiques, du lieu de travail ou des relations extérieures de l’entreprise.
A l’appui de ces critères, les acheteurs sont invités à rechercher un faisceau d’indices pour caractériser le caractère bel et bien innovant de la solution. La méthode recommandée est décrite dans le guide pratique de l’achat innovant rédigé par l’Observatoire économique de la commande publique.
Simplification
Le gouvernement entend tout de même aider les jeunes entreprises innovantes à accéder à la commande publique. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique (SVE) à l'Assemblée nationale, il a introduit un amendement (CS1359) visant à prévoir la possibilité pour les acheteurs de réserver 15 % du montant total des lots des marchés publics innovants pouvant être passés sans formalités préalables à ces jeunes entreprises.
Un second amendement (CS1358) a d'ailleurs pour objet de relever le seuil de ces marchés innovants sans publicité ni mise en concurrence à 143 000 € HT, soit le seuil européen de procédures formalisées fixé pour les marchés de fournitures et de services, contre 100 000 € HT actuellement. « Ce relèvement constitue un levier efficace pour favoriser l'innovation dans la commande publique, et, de facto, l'accès des start-ups françaises et européennes, particulièrement innovantes », estime le gouvernement dans l'exposé sommaire de l'amendement.
Les deux amendements ont été adoptés le 25 mars par la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée de l'examen du projet de loi SVE. Le texte, déjà adopté par le Sénat en octobre 2024, sera discuté en séance publique à partir du 8 avril prochain.