Achat public durable : le coût du cycle de vie, levier de souveraineté ?

Des dispositifs existent dans le Code de la commande publique pour flécher les achats vers des entreprises françaises ou européennes, notamment en recourant aux critères environnementaux. Explications lors du Forum de l’achat public organisé jeudi 8 février par le Conseil national des achats.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Le Forum de l'achat public du CNA s'est tenu au siège de l'Eurométropole de Strasbourg.

Il y a des thèmes qui émergent et qui peu à peu irriguent tous les domaines. C’est le cas du sujet de la souveraineté, qui s’installe comme un des nouveaux enjeux de la commande publique. Un phénomène suscité par les crises successives de ces dernières années, qui ont renforcé le rôle stratégique de l’achat public, comme l’explique Laure Bédier, directrice des affaires juridiques de Bercy, lors du Forum de l’achat public organisé jeudi 8 février par le Conseil national des achats : « C’est la première fois que nous avons utilisé à grande échelle, pour l’achat de masques notamment, l’article L. 2112-4 du Code de la commande publique (CCP) qui permet d’imposer que les moyens utilisés pour l’exécution d’un marché soient localisés dans l’Union européenne. »

Surtout, ces événements ont servi de prise de conscience. « La crise sanitaire a révélé de façon sidérante notre incapacité à produire ce qui est nécessaire pour assurer notre sécurité, analyse Christophe Amoretti-Hannequin, conseiller finance responsable et achats chez France Urbaine. La crise ukrainienne a, elle, révélé notre dépendance sur le plan énergétique. Elles ont participé à créer un désir de souveraineté ».

Le coût du cycle de vie pour allier objectif environnemental et souveraineté

Un désir qui pousse à de nouvelles réflexions, en lien avec l’accélération de la prise en compte des enjeux environnementaux dans la commande publique. « Les acheteurs s’intéressent davantage au détail de la chaîne d’approvisionnement », observe le directeur des achats de l’Etat, François Adam. Outre l’article L.2112-4 précité, dont les conditions d’utilisation sont très strictement encadrées, d’autres outils existent dans le CCP. C’est le cas de l’analyse du coût du cycle de vie (ACV), prévue à l’article L. 2112-3. L’ACV prend en compte le coût directement supporté par l’acheteur et les coûts indirects, autrement appelés les externalités environnementales. Ce qui permet de répondre à la fois au défi de la transition écologique et à celui de la souveraineté. « La relance économique est indistinctement liée à l’objectif d’adaptation au changement climatique » estime Bruno Koebel, directeur général des services à l’Eurométropole de Strasbourg (67).

"Un des avantages du critère environnemental est qu’il favorise l’achat français et européen"

—  Laure Bédier, directrice des affaires juridiques de Bercy

Pour Christophe Amoretti-Hannequin, « l’ACV est un levier puissant pour répondre au double enjeu écologique et économique. Mais il faut que les outils de pédagogie attendus arrivent rapidement pour que tous les acheteurs puissent s’en emparer. » Pour rappel, la loi Climat et résilience de 2021 prévoit que l’Etat doit mettre à disposition des pouvoirs adjudicateurs, au plus tard le 1er janvier 2025, des outils opérationnels d’ACV (art. 36).

Une préférence européenne se dessine

L'atteinte de l'objectif de souveraineté emprunte donc pour le moment des voies détournées, comme le reconnaît Laure Bédier pour qui « un des avantages du critère environnemental est qu’il favorise l’achat français et européen ». Certains acheteurs aimeraient pourtant s'engager plus clairement dans la démarche, se heurtant toutefois au droit de l’Union européenne (UE) qui prohibe les critères et les conditions d’exécution liés à la localisation du candidat dans les marchés publics. Et si la Commission semble ouverte à envisager une révision des directives, celle-ci ne devrait pas remettre en cause ce principe.

Mais une préférence européenne prend forme progressivement, en particulier dans les secteurs les plus stratégiques. « L’UE a pris conscience que l’ouverture totale est à nuancer » observe la directrice des affaires juridiques de Bercy.  Le futur règlement « Zéro émission nette », qui doit désormais être adopté maintenant que le Parlement et le Conseil se sont entendus, illustre ce changement. Il prévoit notamment la prise en compte de critères de durabilité et de résilience liés à l’origine des produits pour les marchés publics conclus dans le domaine des énergies renouvelables. Dispositif qui s’apparente à celui introduit dans la loi Industrie verte qui autorise les seules entités adjudicatrices - acheteurs agissant en tant qu’opérateur de réseaux (eau, transports, énergie,…) - à rejeter les offres dans lesquelles les produits originaires d’un pays avec lequel aucun accord de réciprocité n’a été conclu représentent une part majoritaire de la valeur totale des produits.

Abonnés
Analyses de jurisprudence
Toute l’expertise juridique du Moniteur avec plus de 6000 commentaires et 25 ans d’historique
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires