[mis à jour le 8 décembre]
La dynamique autour de l’achat durable ne s’essouffle pas. Certaines évolutions réglementaires sont même à attendre avant la fin de l’année. « Il y a des projets qui pourraient sortir d’ici la fin 2023, notamment dans la continuité de la loi relative à l’Industrie verte et dans le domaine de l’énergie », annonce Raphaël Arnoux, sous-directeur du droit de la commande publique à la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy, à l’occasion de la conférence de lancement de la Folle semaine des marchés publics (organisée par achatpublic.com) qui s’est tenue lundi 27 novembre 2023.
A commencer par la transposition de la directive européenne « CSRD » du 16 décembre 2022, intervenue par une ordonnance du 6 décembre 2023. A partir du 1er janvier 2024, les plus grandes entreprises devront publier un rapport de durabilité, en remplacement de la déclaration de performance extra-financière. Et conformément à la loi Industrie verte du 23 octobre 2023, un manquement à cette obligation pourra constituer une interdiction de soumissionner à une procédure de passation pour l’attribution d’un contrat de la commande publique (art. 27 de l'ordonnance).
Corrections pour les données essentielles
« Deux arrêtés modificatifs sur les données essentielles vont arriver » a annoncé Yannick Métayer, chef du bureau Économie, statistiques et techniques de l’achat public de la DAJ lors de la Folle semaine des marchés publics. Peu de conséquences pour les acheteurs, qui devront toujours publier à partir du 1er janvier prochain les données essentielles, mais des corrections de forme des arrêtés du 22 décembre 2022 qui listent ces données.
A noter, tout de même, l’introduction d’une exclusion de publier si l’intérêt de la défense nationale est en cause.
L'UE à la baguette ...
D’autres mesures européennes pourraient venir renforcer les obligations de prise en compte du développement durable dans les marchés publics. Au premier rang desquelles, le règlement sur l’écoconception. Ce projet a pour objet de fixer des exigences communes aux Etats membres de l’Union européenne (UE) en matière d’écoconception des produits et matériaux. S’agissant des marchés publics, il prévoit la définition de critères obligatoires et d’objectifs contraignants en matière de recours aux produits durables répondant aux spécificités détaillées dans le texte. Dans la nuit du 4 au 5 décembre 2023, les institutions européennes sont parvenues à un accord sur ce projet de règlement. Un des points de discussion portait sur le sort réservé aux produits de construction. Le Parlement souhaitait que ces derniers soient rattachés à ce texte général, le futur règlement établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, lui aussi en discussion, venant en surplus. Au contraire, la Commission préférait que ces produits soient traités exclusivement dans le texte qui leur est dédié. Reste à attendre l'adoption formelle du règlement sur l'écoconception par le Conseil et le Parlement, puis sa publication, pour connaître la solution retenue.
A suivre également, les discussions autour du projet de directive « Green claims » qui vise à lutter contre le blanchiment écologique. Ce texte, lui aussi en trilogue, envisage la création d’un nouveau motif d’exclusion de la commande publique pour les entreprises condamnées pour des faits de greenwashing.
... mais la France en pointe sur l'industrie verte
Enfin, le règlement « Zéro émission nette » pourrait lui aussi introduire un nouveau dispositif en faveur de l’achat durable. Ce projet, qui s’apparente à la loi française relative à l'Industrie verte, prévoit un panel de mesures afin de favoriser la production de technologies propres, telles que les batteries ou les pompes à chaleur. Avec en particulier l'obligation d'indiquer dans les marchés publics relatifs à ces technologies la contribution de l'offre en matière de durabilité et de résilience. Cette dernière est appréciée compte tenu de la proportion de produits provenant d'une seule source d'approvisionnement située hors UE. Ce dispositif se rapproche de celui introduit dans la loi Industrie verte qui autorise les seules entités adjudicatrices - acheteurs agissant en tant qu’opérateur de réseaux (eau, transports, énergie,…) - à rejeter les offres dans lesquelles les produits originaires d’un pays avec lequel aucun accord de réciprocité n’a été conclu représentent une part majoritaire de la valeur totale des produits.
Bercy indique suivre avec attention les discussions sur ces différents textes. Avec en ligne de mire une éventuelle refonte des directives de 2014 sur les marchés publics et les concessions, « dans les tuyaux, mais pas avant les élections européennes de juin 2024 », précise Raphaël Arnoux.
Des nouveaux outils pour les acheteurs
Par ailleurs la DAJ poursuit son travail pédagogique. Après avoir déjà publié au cours du mois de novembre 2023 des actualisations du guide sur les prix et de celui sur les aspects sociaux dans la commande publique, c’est une nouvelle version du guide sur l’achat innovant qui devrait suivre. Flora Vigreux, adjointe au chef du bureau Economie, statistiques et techniques de l’achat de Bercy, lors de la 197e session d’études de l’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp) jeudi 30 novembre, a précisé que l’accent serait mis sur « l’utilisation de l’achat innovant pour répondre aux politiques publiques », en particulier en matière d’achat responsable.

Surtout, elle a annoncé la publication d’un kit « achats durables » élaboré par l’Observatoire économique de la commande publique (OECP). Il comprendra un ensemble de fiches qui récapituleront les obligations sectorielles en matière d’achat durable, à paraître d’ici la fin de l’année. Le kit devrait comporter aussi des outils de méthode de calcul des émissions de gaz à effet de serre par secteur, ou encore une fiche pour introduire le développement durable dès la définition du besoin en intégrant une analyse en cycle de vie (ACV). D’ailleurs, Flora Vigreux a rappelé que les travaux d’élaboration des outils pour analyser le coût de cycle de vie, promis par le Commissariat général au développement durable (CGDD) dans le Plan national des achats durables (Pnad), se poursuivent entre le ministère de l’Economie et celui de la Transition écologique.