Achat innovant : le champ du possible

Commande publique -

Les acheteurs disposent d'une boîte à outils qui leur permet de sortir des sentiers battus.

 

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La promotion de l'innovation par la commande publique fait l'objet d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics, des entreprises et des acheteurs. Plus que l'acquisition d'innovations, l'enjeu consiste pour ces derniers, au travers de nouveaux procédés, à rechercher la performance afin de répondre au mieux à leurs besoins.

Le secteur du BTP constitue un terrain particulièrement fertile en la matière, dans les domaines notamment du développement durable et de la ville intelligente. Citons d'emblée l'exemple du projet de piscine olympique, pour lequel la métropole européenne de Lille a attribué fin 2018 un marché global de performance ouvrant à une ingénierie innovante en matière d'économies d'eau et d'énergie, de réalisation de bassins en inox ou encore de traitement de l'eau à l'ozone.

Faisceau d'indices. Mais que recouvre la notion d'innovation en droit de la commande publique ? Et comment s'apprécie-telle ? Une définition ouverte est donnée par le Code de la commande publique (CCP) : « Sont innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l'entreprise » (). L'innovation a donc un caractère opérationnel : elle correspond à une invention lancée ou en cours de lancement sur le marché.

Face à l'impossibilité de circonscrire avec précision cette notion, il est recommandé aux acheteurs d'avoir recours à la méthode du faisceau d'indices, qui permet de déterminer, au cas par cas, le caractère innovant ou non de la solution visée. Ce faisceau d'indices figure en annexe du Guide pratique de l'achat public innovant mis en ligne par la Direction des affaires juridiques de Bercy et l'Observatoire économique de la commande publique (OECP). Le manuel d'Oslo de l'OCDE (1), dont le guide précité reprend certaines solutions, est aussi un outil utile. Des typologies d'innovations y sont notamment proposées : innovation de produit, de procédé, de commercialisation et d'organisation (2).

Outre le recours à l'appel à projets (par lequel un acheteur se contente de définir un cadre avec une problématique et des objectifs, et qui est de ce fait également susceptible de susciter l'innovation chez les offreurs), les acheteurs disposent de nombreux outils pour encourager l'innovation.

L'expérimentation « achats innovants »

Tout d'abord, le dit « décret de Noël » offre, à titre expérimental et pendant trois ans, l'opportunité de passer des marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables pour des achats innovants d'un montant inférieur à 100 000 euros HT. Assez peu utilisé encore, cet outil a toutefois été par exemple mis en œuvre par le département de Loire-Atlantique pour tester, avec Eiffage Route, un enrobé innovant à base d'agrégats recyclés.

Les modalités de recours au dispositif figurent aux articles 1 et 2 du décret. Il faut ainsi s'assurer que l'achat porte bien sur des travaux, fournitures ou services innovants (les acheteurs, par prudence, conserveront des traces écrites de leurs démarches de sourcing et autres réflexions préalables) et que la valeur estimée du besoin demeure en deçà de 100 000 euros HT (3), sans oublier l'obligation déclarative auprès de l'OECP (4).

Le partenariat d'innovation

Autre outil dédié, le partenariat d'innovation (art. et à du CCP). C'est le seul contrat de la commande publique qui offre aux acheteurs une solution contractuelle globale combinant la commande de prestations de R & D ayant trait à l'élaboration de produits, services ou travaux nouveaux - ou sensiblement améliorés par rapport à l'existant - et l'acquisition éventuelle, sous certaines conditions, des résultats. Il est néanmoins réservé à des situations spécifiques où le besoin de l'acheteur ne peut être satisfait par les solutions déjà disponibles sur le marché (une étude préalable étant nécessaire).

Plusieurs exemples illustrent sa pertinence, comme la création d'une nouvelle génération de TGV (SNCF Mobilités avec Alstom) ; le développement de bus standards et articulés 100 % électriques (Rennes Métropole avec Bluebus) ; la mise en place d'une plate-forme smart city (communauté de communes Pays Haut Val d'Alzette avec Capgemini, Suez, Bouygues Energies & Services) et d'un service de gestion intelligente et mutualisée du stationnement (EPA Paris-Saclay avec Colas, ParkingMap, Zenpark, Nokia et OpenDataSoft)… Néanmoins, le recours à ce marché est encore peu répandu.

Le marché global de performance

Au-delà, d'autres contrats de la commande publique peuvent être de nature à favoriser l'intégration de solutions innovantes. C'est le cas du marché global de performance (ex-Crem et REM) qui, grâce à son approche globale et aux garanties qu'il apporte en termes de performance, se développe fortement.

Le projet de smart city « OnDijon » (conception, réalisation, exploitation et maintenance d'équipements urbains connectés à l'échelle de la métropole avec mise en service d'un poste de pilotage centralisé) est, par son ampleur, un bon exemple des potentialités de ce marché (Dijon Métropole avec Bouygues Energies & Services, Citelum, Suez et Capgemini).

Par ailleurs, les contrats de performance énergétique (CPE) passés sous cette forme offrent des innovations continues aux maîtres d'ouvrage - parfois « pionniers » - via l'insertion de clauses environnementales plus exigeantes (carbone, qualité de l'air, consommation d'eau… ).

D'autres leviers

Mais l'acheteur peut aussi mobiliser certains leviers du droit de la commande publique pour stimuler l'expression de solutions innovantes par les opérateurs. Plusieurs conseils peuvent ainsi être donnés : utiliser autant que nécessaire le sourcing, que ce soit dans sa version permanente ou opérationnelle ; engager une programmation pluriannuelle des achats de nature à élargir le spectre des candidats potentiels et, ce faisant, des solutions proposées, notamment dans le secteur du BTP qui a besoin de visibilité ; procéder à une description fonctionnelle des besoins, en laissant la latitude nécessaire aux opérateurs économiques quant aux moyens et techniques à mettre en œuvre.

Variantes et négociation. Autres conseils : autoriser les variantes (sans exiger une solution de base), ce qui permettra à certaines entreprises de proposer des solutions innovantes alternatives, et à d'autres, telles des start-up qui n'auraient sinon pas répondu à la consultation, de se positionner ; veiller à bien choisir les critères d'attribution, étant rappelé que le caractère innovant ou les performances en matière de protection de l'environnement peuvent faire partie des critères de jugement des offres ; utiliser, le cas échéant, des clauses incitatives (prime pour dépassement de performance, par exemple). Enfin, recourir à la négociation (procédure adaptée, avec négociation, ou dialogue compétitif) quand cela est possible, afin de faire coïncider au maximum les solutions proposées avec les besoins de l'acheteur.

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