Le quasi-candidat et le chef d’Etat pas officiellement engagé n’ont pas répondu présent, physiquement ou virtuellement. Mais la plupart des femmes et hommes* en lice pour gagner l’élection présidentielle du 24 avril prochain ont accepté l’invitation de la Fédération française du bâtiment (FFB), qui organisait ce jeudi 21 octobre, salle Wagram à Paris, le 9e Sommet de la construction. Parmi les personnalités assises au premier rang, Jacques Chanut, l’ancien président de la FFB, et Bruno Arcadipane, président du conseil d'administration d’Action Logement.
Les quelques 250 personnes conviées ont été averties d’entrée par Samuel Minot, président de la commission économie de la FFB : « La crise des matériaux est la principale préoccupation des professionnels du bâtiment pour aujourd’hui et demain. » Conjuguée à celle de l’énergie, celle-ci fragilise la situation financière des entreprises. « Certes les défaillances restent à bas niveau, mais les trésoreries souffrent aujourd’hui de l’envolée des coûts et les marges suivront demain », a-t-il insisté.
Encourager la densification
Cet événement très politique a été aussi l’occasion pour la FFB, qui représente 50 000 entreprises dont 35 000 TPE-PME artisanales, d’exposer ses propositions contenues dans un livret de 24 pages intitulé « France Terre de Bâtisseurs », distribué à la sortie.
Au chapitre 1, rien de nouveau à la lecture du titre : « faire du logement une grande cause nationale ». La fédération plaide notamment « pour un encouragement à la densification et pour un appui à l’accession à la propriété via un prêt à taux zéro (PTZ) élargi et redimensionné ». Le zonage ABC, dont la dernière révision date de 2014, est dans le viseur de Cécile Mazaud. La présidente de l’association Foncière Logement a milité pour « un PTZ qui passerait de 20 à 40% de la totalité des travaux effectués, pour l’ensemble du territoire national ».
« Les besoins ne sont pas les mêmes en Ile-de-France et à Clermont-Ferrand, lui a répondu Benoist Apparu, président du directoire d’In’li, filiale d’Action Logement dédiée au logement intermédiaire. Surtout que les prix de sortie dans le neuf sont différents selon les communes, entre 2 000€/m² à Châlons-en-Champagne (NDLR : dont il est maire) et 15 000m² à Paris. »
Et l’ex-ministre du Logement du gouvernement Fillon III de pointer le risque de « sursubventionner » des programmes. Mais ce dernier rejoint la FFB sur le besoin de verticalité : « Il faut stopper l’étalement urbain, responsable de 42 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial. Cela veut dire allonger les villes, mais pas à l’horizontal. Les injonctions contradictoires seront contre-productives. »
Mickaël Nogal, député LREM de Haute-Garonne en service après-vente pour sauver la soldate Wargon, acquiesce : « Il est impératif de répondre aux aspirations des Français mais il y a aussi un impératif environnemental : construire mieux où l’on a de vrais besoins. Emmanuelle Wargon ne ciblait pas la maison individuelle, mais les lotissements des années 70 au milieu de rien. »
« Surcoûts de construction liés à la RE2020 »
Chapitre 2 : « assumer la transition énergétique et valoriser l’innovation ». La mesure phare : un crédit d’impôt sur les remboursements d’emprunt des ménages pour tenir compte des « surcoûts de construction liés à la RE2020, entre 5 et 10 % selon les projets dès le 1er janvier 2022 et plus dans les années à venir », a expliqué Fabien Fourcade, président de la Fédération du bâtiment des Landes.
Thibault Bazin, député LR de Meurthe-et-Moselle, n’est pas convaincu : « Cette mesure répond aux classes moyennes supérieures qui paient des impôts. Mais l’enjeu, si on veut atteindre 450 000 logements par an, c’est de retrouver les exclus, donc cibler les classes moyennes inférieures dont les apports initiaux ne sont plus suffisants. » Et l’économiste urbain de suggérer « un PTZ bonifié et dézoné ».
A retenir également parmi les propositions de la FFB, non-commentées : la nécessité de « relocaliser la fabrication de matériaux d’équipements de construction » ou encore « un plan massif de financement » dédié au « logement vert ».
Le chapitre 3, « simplifier la vie des entrepreneurs… et leur faire confiance », n’a pas fait l’objet d’échanges particulièrement nourris. La FFB souhaite « redonner une réalité au principe élémentaire : à chaque norme créée, une norme supprimée ». « Un ministère consacré à cet objectif de simplification » serait apprécié. En outre, la fédération milite pour l’expérimentation d’un « permis déclaratif », c’est-à-dire « un dispositif allégé dans les zones où il existe déjà une opération d’aménagement ».
Départ anticipé à la retraite
Chapitre 4 : « promouvoir l’emploi durable et lutter contre la fraude ». Parmi les idées avancées : « une plus grande adéquation entre les attentes des entreprises et les formations proposées par l’Éducation nationale » ou encore une « limitation de la sous-traitance en cascade ». Le président du groupe Modem à l’Assemblée nationale, Patrick Mignola, souhaite « limiter sinon interdire la sous-traitance de second rang », comme le suggère la FFB. A condition que les donneurs d’ordre, comme les bailleurs sociaux, ne valident pas de chantiers hors des clous.
Autre proposition-clé de la FFB : « Un dispositif de départ anticipé en retraite, qui repose sur une évaluation médicale personnalisée et un financement mutualisé. » « Ce n’est pas la solution, juge Patrick Mignola. C’est très contrintuitif dans une société où l’on vit de plus en plus longtemps. » L’ex-dirigeant d’une PME de carrelage préfère « parler d’une durée de cotisation, car dans le BTP, on démarre plus tôt dans la vie active ». Selon lui, il faudrait « travailler moins pour former plus lors des cinq années avant la retraite, en commençant par 30h de travail par semaine au lieu de 35h, pour 5h passées dans un centre de formation, puis 25h de travail, etc. »
*Etaient présents : Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EELV), Arnaud Montebourg (DVG), Fabien Roussel (PCF) et Valérie Pécresse (LR), en quête d’un soutien au sein de sa famille politique. Michel Barnier et Xavier Bertrand, également engagés dans la primaire de la droite, se sont contentés d’un message vidéo, tout comme Marine Le Pen (RN). A noter, les absences de Jean-Luc Mélenchon (FI), de Philippe Poutou (NPA) ou encore de Nicolas Dupont-Aignan (DLF).