Initialement, un terrain imperméabilisé accueillant des boxes de parking occupait la parcelle du 133 rue Belliard, dans le nord du 18e arrondissement parisien. Bientôt, le lieu abritera une piscine agrémentée d’une végétation naissante. Elle accueillera tous les habitants du quartier, humains ou non ! En effet, l’un des enjeux forts de ce projet est de « profiter de la création du bâtiment pour en faire un creuset de biodiversité », énonce Nicolas Rouleau, son architecte, fondateur de l’agence Bourgueil & Rouleau.
Et il y avait beaucoup à faire, puisqu’avant la construction, seules deux espèces d’insectes nichés dans les murs ont été recensées. Pour y parvenir, les équipes de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre ont travaillé en concertation avec les paysagistes de l’agence Endroits en vert.

© Bourgueil & Rouleau
Label Biodivercity
Ensemble, ils ont oeuvré pour respecter les hautes exigences du label Biodivercity. « L’objectif est de mettre en place 70 % de végétalisation indigène, c’est-à-dire des plantes d’origines locales, inhérentes au bassin parisien », précise Camilla Duffy, cheffe de projet. Elle explique s’être inspirée du Guide des plantes natives du bassin parisien, qui dénombre les essences par typologie de milieux, afin de reconstituer des milieux caractéristiques, avec la nuance que ces principes doivent s’appliquer au bâtiment.
Celui-ci occupe la quasi totalité de la parcelle, qui présente la particularité d’être très longue, soit 130 m de long par 26 m de large. L'ouvrage abrite une halle bassins composée d’un bassin sportif (25x15 m) et d’un bassin d’apprentissage (15x10 m), coiffé d’une charpente en bois (douglas) ondulant au rythme des arbalétriers de 28 m de portée. Le volume dégage un parvis planté à l’avant de la parcelle et un jardin à l’arrière, profitant du retrait en limite de propriété imposé par le PLU. Il offre une partie de sa toiture plantée au terrain sportif avoisinant, et ses toits sont entièrement végétalisés.

© Bouygues Construction
Appliquer les caractéristiques des milieux naturels au bâti
Pour verdir ces différents espaces, « nous nous sommes inspirés des milieux forestiers d’Ile-de-France, en essayant de faire des parallèles entre les caractéristiques offertes par la morphologie du bâtiment et celles qui se retrouvent dans la nature », explique Camilla Duffy. Pour le dire autrement, paysagistes et architectes ont mis à profit les situations particulières offertes par le bâtiment, pour qu’il devienne un support de biodiversité caractéristique du patrimoine naturel local.
Pour illustrer son propos, Camilla Duffy prend l’exemple du Jardin des abysses, un espace de pleine terre installé en fond de parcelle. Visible dès l’entrée, cette zone encaissée, en retrait de la résidence de logements, est sanctuarisée, rendue inaccessible aux humains, afin de laisser le microcosme s’y développer. La flore choisie répond à l’enclavement de ce lieu : « nous savons que le hêtre ou le chêne, s’ils sont isolés en ville, peuvent souffrir de la chaleur. Nous les plantons donc entre des murs pour les abriter comme ils s’abriteraient entre eux en forêt », détaille la paysagiste.

A l’arrière de la piscine, le Jardin des abysses profite du retrait en limite de propriété imposé par le PLU pour s'implanter. Enclavé, il met à profit des plantes des milieux forestiers qui s'abritent les unes à les autres pour mieux se protéger. © AL
Adapter les végétaux au réchauffement climatique
Du côté du Jardin des écumes, où le toit qui abrite les vestiaires vient en prolongement du terrain sportif existant pour s’offrir comme support de végétalisation, ce sont 80 cm de terre végétale qui ont pu être installés sur près de 100 m². Comme ce jardin est orienté plein sud, c’est surtout la question d’essence capable de s’adapter au réchauffement climatique qui a été posée. « De manière générale, les paysagistes et les écologues réfléchissent à la soutenabilité de nos milieux naturels et à la migration des espèces vis-à-vis de ce changement », pose Camilla Duffy.
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Le débat étant celui-ci : est-ce que planter de nouvelles essences risquerait de précipiter la migration des espèces et signifierait abandonner la préservation du patrimoine naturel, où faut-il aider la nature à migrer en vue de la rapidité du changement qui s’opère ? Ici, le choix a consisté à mettre à profit les 30 % restant de végétalisation non indigène. « Nous avons fait appel à l’horticulture, pour disposer des végétaux robustes que nous maîtrisons, et à des plantes méditerranéennes, qui supporteront l'exposition plein sud grâce à leur capacité à résister à des épisodes de sécheresse de longue durée.
Tout le reste de la toiture est également végétalisé. Le substrat, limité à 15 cm d’épaisseur qui respecte les capacités porteuses de la charpente bois, accueille des essences habituées aux terrains calcaires ou plus secs.

Le toit s'offre comme support de végétalisation. Un substrat de 15 cm accueille des essences issues de milieux calcaires. © AL
Assurer les continuités écologiques
Le projet porte aussi une attention toute particulière aux usages. La mise en œuvre d’une palette végétale capable d’offrir le gite et le couvert à l’avifaune, plus particulièrement au moineau domestique a été une priorité. Cette espèce protégée est en effet une espèce parapluie, qui interagit avec un large panel d’oiseaux et d’insectes, et qui en disparaissant, pourrait causer d’autres problèmes. Il est donc important de les préserver et de proposer des essences où ils peuvent se loger, et qui vont offrir des baies et/ou attirer les insectes dont ils se nourrissent.
Ainsi, même si la parcelle est enclavée dans un milieu urbain dense, la végétalisation a été travaillée en strates, afin d'habiter tous les niveaux du bâtiment, de manière à tracer des corridors écologiques depuis le sol jusqu’à la cime des arbres. En effet, la piscine se situe à quelques encablures de deux parcs et profite de l’alignement d’arbres de la rue Belliard, qui constituent autant de supports pour l’avifaune. Ainsi, l’architecture s’offre comme un support à la biodiversité. Restera à l’éprouver lors de la conduite du vivant post chantier, une phase de deux ans qui vise à ce que la faune et la flore s’épanouissent pleinement avant de restituer les lieux à la ville de Paris.
Programme : construction d’une piscine dans le cadre du Plan Nager de Paris
Maîtrise d’ouvrage : ville de Paris, direction constructions publiques et architecture, Alterea (AMO)
Maîtrise d’œuvre : Bourgueil & Rouleau (architecte mandataire), CET Ingénierie (BET structure et fluides), ITAC (acoustique), Endroits en vert (paysagiste), Inddigo (HQE), Nicolas Pasquale (écologue référent biodiversité au service d’architecture et de la maîtrise d’ouvrage de la ville de Paris), GD Eco (économiste)
Entreprise principale : Bouygues Construction Ile-de-France
Surface de la parcelle : 3089 m²
Calendrier de chantier : septembre 2023 à septembre 2025
Objectifs environnementaux : label bâtiment biosourcés niveau 1, pacte Fibois IDF niveau A1, certifications HQE Equipements sportifs Excellent, label Biodiversity
Coût de l’opération : 22 392 000 € TTC