Interview

«A Paris, le budget du logement a quasiment doublé en cinq ans», Jacques Baudrier (Mairie de Paris)

Jacques Baudrier adjoint à la maire de Paris, chargé du logement et de la transition écologique du bâti, expose les objectifs ambitieux que s’est fixé la Ville de Paris en matière de production de logements sociaux et abordables et explique comment les atteindre, notamment en renforçant sa politique d’acquisition d’immeubles.

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Jacques Baudrier adjoint à la maire de Paris, chargé du logement et de la transition écologique du bâti.

Dans son budget primitif pour 2025, voté en décembre dernier, la Ville de Paris maintient son effort d’investissement. Qu’en est-il plus précisément du secteur du logement ?

Si on raisonne en autorisations de programme (AP) et non en crédits de paiements, le logement bénéficie en 2025 de près de 800 millions d’euros [Hors délégation des aides à la pierre de l’Etat et des aides de l’Anah, NDLR] : 250 millions d’euros au titre du compte foncier dont 50 millions d’euros fléchés vers la Foncière du logement abordable (FLA) créée fin 2024 et qui sera opérationnelle dès cette année, et près de 550 millions d’euros en AP. Ces AP, qui se matérialiseront en crédits de paiement dans deux ou trois ans, servent à financer la production et la réhabilitation des logements sociaux, à soutenir l’offre de logements en bail réel solidaire (BRS) et abordables et à rénover le parc privé. Le budget global alloué à l’habitat est ainsi passé de 400-450 millions d’euros (dont 150 millions d’euros au titre du compte foncier) en début de mandature à 505 millions d’euros (dont 200 millions d’euros pour le compte foncier) en 2023, à 625 millions d’euros en 2024 (dont 250 millions d’euros pour le compte foncier) et, donc, à 800 millions d’euros en 2025, soit un quasi-doublement en cinq ans. Si on ne prend en compte que les AP pour le logement social, elles ont progressé de 315 millions d’euros en 2024 à 500 millions d’euros cette année.

Pourquoi une telle augmentation du budget ?

L’année 2024 a marqué une inflexion dans notre politique du logement.

L’année 2024 a marqué une inflexion dans notre politique du logement. Jusqu’alors, la production de HLM reposait sur trois piliers : le conventionnement ; la construction en pleine terre, et l’acquisition d’appartements, en moyenne 600 à 700 par an depuis vingt ans. Ce modèle est en train de changer. La source du conventionnement s’est en effet tarie. Par ailleurs, conformément au PLU bioclimatique, nous allons bâtir moins en pleine terre - 500 habitations par an sont programmées dans les ZAC au cours de la prochaine décennie - et produire plus en surélévation avec un objectif de 500 appartements par an à court terme contre 100 aujourd’hui. A contrario, l’acquisition-amélioration prend de l’ampleur. L’an dernier, la Ville - soit directement, soit via les bailleurs sociaux qu’elle subventionne - a acheté 1 700 logements (contre 700 les années précédentes) et nous espérons atteindre les 2 000 cette année.

Nous nous trouvons aussi à une période charnière du fait de la montée en puissance des BRS : nous en avons agréés 200 en 2024 et nous visons un rythme annuel d’au moins 300 dans les années à venir. S’y ajouteront les biens produits par la Foncière du logement abordable, avec, là aussi, une cible de 300 par an. Cette nouvelle politique, plus ambitieuse, sans compter la hausse des coûts de construction, nécessitait d’augmenter le budget.

Quelle est la production de logement social aujourd’hui à Paris ?

A terme, nous visons l’acquisition de 2 500 logements par an.

En 2024, 2 700 HLM ont été agréés à Paris mais la production s’établit en moyenne à 3 000 par an. Dans le cadre de notre stratégie pour le logement à l’horizon 2035, nous visons les 4 000 par an. Pour y parvenir, il faudra acquérir 2 500 logements par an en complément des 1 000 prévus en ZAC et en surélévation et des 500 que devrait générer la servitude de mixité sociale qui a été renforcée dans le PLUb.

Comment la Foncière du logement abordable va-t-elle fonctionner ?

Ce nouvel outil, qui est une SPL, procèdera à des acquisitions d’immeubles dont elle confiera la gestion à des bailleurs sociaux au moyen de baux emphytéotiques. Ces logements seront proposés à un niveau de loyer inférieur d’environ 25 % au prix du marché. Les potentiels locataires devront sans doute respecter un plafond de ressources, probablement celui du logement locatif intermédiaire (LLI) dans un premier temps. La réflexion est en cours.

La stratégie à l’horizon 2035 prévoit 40 % de logements publics dont 10 % d’abordables ? Que recouvre plus précisément cette notion de logements abordables ?

Les logements abordables sont ceux destinés aux classes moyennes.

Cette notion englobe tous les logements à destination des classes moyennes qu’il s’agisse de ceux mis à disposition par la FLA, des LLI ou encore des BRS. L’atteinte de cet objectif de 10 % supposera, à l’horizon 2035, de proposer 4 000 logements abordables par an. Nous sommes encore loin du compte. Nous espérons que les opérateurs de LLI comme CDC Habitat ou In’Li vont augmenter leur production, qui est actuellement très basse.

En matière d’acquisition d’immeubles, quels critères priorisez-vous ?

Nous ciblons les immeubles avec des logements vides et/ou classés F et G.

Jusqu’il y a trois ans, il s’agissait d’acheter les biens les moins chers pour créer le plus possible de logements sociaux. En 2023, j’ai donné comme consigne d’acquérir le plus possible d’immeubles avec des logements vides et/ou classés F et G. Rue de la Verrerie (IVe arrondissement), par exemple, nous allons acheter un immeuble de 15 logements dont 13 vides et tous classés F et G. C’est le bien « idéal ».

Que deviennent les locataires de ces immeubles ?

Ils deviennent locataires du parc social si leurs revenus ne dépassent pas le plafond de ressources, sinon, ils gardent leur contrat aux mêmes conditions de bail et de plus, ils sont assurés que leur immeuble sera rénové sans avoir rien à débourser.

La Ville achète-t-elle des lots en copropriété ?

Les passoires thermiques sont sous-représentées dans la démarche Eco-Rénovons Paris+.

On acquiert essentiellement des monopropriétés. Aximo, filiale de Paris Habitat, achète quelques lots en copropriété, le plus souvent en cas de risque de vente à la découpe. Nous réfléchissons à la manière dont nous pourrions nous organiser pour acquérir et gérer plus de lots en copropriété, en ciblant ceux classés G.

Pourquoi dans vos acquisitions ciblez-vous les passoires thermiques ?

Paris compte 300 000 logements classés F et G, dont 100 000 dans le parc locatif privé. Ces passoires thermiques sont sous-représentées dans la démarche Eco-Rénovons Paris+. Ce qui pose un problème car les biens G, désormais interdits à la relocation, et les F qui le seront à court terme s'ils ne sont pas rénovés, vont donc sortir du marché alors que nous perdons déjà 7 000 logements en résidence principale par an. D’où l’importance d’axer notre stratégie d’acquisition sur ces biens-là et sur les logements vides.

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