Si les nageurs de la piscine de la Butte-aux-Cailles, à Paris (XIIIe) peuvent s’ébrouer dans une eau à 27 degrés, c’est en partie grâce à un petit exploit technique. C’est en effet la salle des serveurs de la piscine qui chauffe en partie l’eau de ses bassins. Le dispositif a été inauguré ce lundi 15 mai en fin de matinée par Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris.
Dans les sous-sols de l’établissement, se trouve un local technique de 200 m² où sont installées six chaudières numériques ayant l’aspect de parallélépipèdes en inox. Ils contiennent une centaines de serveurs, qui baignent dans une huile minérale translucide. La chaleur des serveurs est récupérée puis acheminée vers un échangeur d’énergie, qui maintient les 700 m3 d’eau des bassins de la piscine à 27°. «L’installation, qui raccourcit le plus possible la distance entre les serveurs et les bassins, est un exemple d’économie circulaire à partir des déchets de l’industrie numérique», explique Christophe Perron, président-fondateur de Stimergy, une start-up basée à Grenoble et à Paris, et qui est à la base du procédé.
Le chauffage est assuré à 20% par cette méthode
Le datacenter chauffe donc l’eau en direction de la piscine. Puis l’eau se rafraîchit après être passée par les bassins, et retourne vers les serveurs pour se réchauffer, ainsi de suite. L’énergie consommée par les datacenters est donc utilisée deux fois : une fois pour faire fonctionner les serveurs informatiques, une autre pour le préchauffage de l’eau. Le chauffage de la piscine est assuré à 20% par les chaudières numériques, et à 80% par le chauffage urbain. Sont économisés l’émission de 45 tonnes de CO²/an et la consommation de 250 MWh/an pour le chauffage de la piscine.
Pour ces six chaudières numériques de la piscine de la Butte-aux-Cailles, Stimergy a un client : TeamTO, premier studio français indépendant d’animation 3D. «Nous doublons notre puissance de calcul tous les ans. Un film d’animation peut exiger 500.000 heures de calcul. Or il nous faut alléger notre empreinte carbone. Ces chaudières numériques le permettent», se réjouit Jean-Baptiste Spieser, directeur technique de TeamTO. Stimergy complète son modèle économique en revendant à la Ville de Paris cette verte chaleur numérique, au prix de l’équivalent de la CPCU, soit 8 à 9 centimes le KWh. Coût de l’installation : de 80.000 à 100.000€.
Les piscines, des équipements très énergivores
Les performances de l’installation intéressent la Ville de Paris, dont l’adjointe chargée du développement durable, Célia Blauel, prépare le nouveau « Plan climat air énergie », qui vise la neutralité carbone d’ici à 2050 pour tenir l’objectif de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique au-dessous de 2°. Or, souligne Jean-Louis Missika, «les piscines sont, de par leurs usages et leur ancienneté, les équipements les plus énergivores du parc municipal».
Le «Plan Nager à Paris» a donc été mis en place, et un contrat de performance énergétique portant sur six piscines prévoit une économie d’énergie de 30%, ainsi qu’une économie d’eau de 10% au minimum. Dans ce cadre, des projets de chaudière numérique sont à l’étude dans les piscines de La Plaine (XVe arrondissement), Roger-le-Gall (XIIe), Armand-Massard (XVe), et Georges-Hermant (XIXe). Ce procédé de la chaudière numérique semble avoir de l’avenir : il s’étend à d’autres domaines que les piscines. Est ainsi en projet, la récupération de chaleur sur le datacenter du nouveau quartier urbain et logistique de Chapelle International pour alimenter une boucle locale de la CPCU.
