Au lendemain de la manifestation qui a réuni entre 20 000 et 50 000 opposants au projet d’aéroport du grand ouest, le centre-ville de Nantes affichait des scènes de dévastation. Les casseurs, estimés à environ un millier par la préfecture, ont tagué de nombreuses enseignes et édifices publics (hôtel de ville, tribunal administratif, etc.) et ont notamment saccagé un poste de police, une agence des transports nantais, de nombreux mobiliers urbains. Le ton était donné dès le départ de la manifestation avec le saccage d’une agence Vinci immobilier située en début de parcours, rue de Strasbourg, et dont les protections en bois n’ont résisté que quelques minutes à des casseurs encouragés par les manifestants.
Car malgré une ambiance festive voulue par les organisateurs, le rassemblement a très vite dégénéré et a même tourné à la guérilla urbaine dans certaines parties de la ville. Les symboles des «bétonneurs» ont été largement pris pour cibles notamment deux engins de chantier: une pelle d’Eurovia située devant le Carré Feydeau, un nouveau programme de Vinci immobilier en voie d’achèvement, et une pelle-foreuse d’une PME de Fougères (35), Pinto TP. «Les dégâts s’élèvent à au moins 500 000 euros» déclare-t-on chez ce spécialiste des fondations profondes sans faire plus de commentaire afin de ne pas «rajouter de l’huile sur le feu». Chez Vinci également, la consigne est de ne faire aucun commentaire. Même attitude chez les organisations professionnelles. Le sujet est tellement sensible que la moindre prise de parole pourrait être prise pour de la provocation.
Certains s'étonnent toutefois que ces symboles situés sur le parcours n'aient pas été davantage protégés. Dans une lettre ouverte à Manuel Valls, la conseillère générale Françoise Verchère (parti de gauche) questionne le ministre de l'intérieur : «pourquoi n’avez-vous pas fait protéger l’agence Vinci, située au tout début du parcours de la manifestation, pas plus que des engins de chantier Vinci aussi (car Vinci est partout vous le savez, immobilier, parkings, aéroports…) dont vous saviez qu’ils seraient forcément des cibles ?».
Des actes de vandalisme sur de nombreux chantiers
Reste que les incidents de ce week-end ne sont pas isolés et s’inscrivent dans une longue série. Que ce soit sur le chantier d’aménagement de la zone d’activités de la Villeneuve-Sud, à Carhaix (29) ou celui de la zone commerciale de la Colleraye à Savenay (44), les engins incendiés sont tagués par des inscriptions sans ambiguïté comme «Une expulsion, un sabotage». Sans aller jusqu’à voir leurs engins détruits, les chantiers sont régulièrement pris pour cible sous prétexte qu’ils sont conduits par Eurovia, ou une autre filiale du groupe Vinci. Et qu’importe si le chantier en question vise à construire des logements sociaux ou des pistes cyclables !
Les autres grands projets ne sont pas épargnés. Dans la nuit du 12 au 13 mai dernier, un tractopelle avait été incendié sur le chantier de la LGV Bretagne – Pays de la Loire, à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine). Dans un communiqué publié sur le site Internet participatif Indymedia Nantes, un groupuscule nommé Les Feu-Follets revendiquait ce «sabotage» en promettant d’autres actions contre le groupe Eiffage, qui mène ces travaux. Une plainte a été déposée et les gendarmes soupçonnent des militants également opposés au chantier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou à la nouvelle ligne THT, auxquels le groupe anonyme des Feu-Follets fait référence dans son communiqué.
Contesté par les écologistes radicaux, le chantier de la THT Cotentin-Maine fait lui aussi régulièrement l’objet de saccages: déboulonnage, cisèlement d’embases, feux de pylônes, incendies d’engins... Le vendredi 26 octobre 2012, lors que les employés d’Eiffage sont arrivés pour prendre leur service au pylône 575 à 7h du matin, ils ont découvert la cabine d’une grue louée à Médiaco Atlantique en feu et aperçu plusieurs personnes en train de prendre la fuite, laissant peu de doutes sur l’origine volontaire du sinistre. Un peu moins de deux semaines auparavant, une autre grue avait connu le même sort dans la Manche. Là encore, chez RTE, la consigne est de ne faire «aucun commentaire».
Dans la ligne de mire des casseurs: «les grands projets inutiles et imposés» (Voir la carte sur Google Maps). Ces projets sont jugés pharaoniques par des citoyens militants organisés en réseau, européen, voire mondial et, chaque année, ils sont recensés et analysés lors d’un forum, comme celui qui s’est tenu à Notre-Dame-des-Landes en juillet 2012. Outre l’aéroport, sont notamment visés dans l’ouest les parcs éoliens offshore, la centrale EPR de Flamanville ou le projet de centrale à cycle combiné gaz naturel de Landivisiau.