Certaines procédures de passation ne débouchent pas, malgré une large ouverture à la concurrence, sur une offre satisfaisante et il convient alors de déclarer l’appel d’offres infructueux (1). A l’issue de cette décision, qui peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif (2), le pouvoir adjudicateur relancera une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence, tout en informant les candidats ayant précédemment remis un dossier. En cette matière, le Code 2006 innove sur le fond à plusieurs points de vue.
Une position réaliste
Transposant les dispositifs des articles 30 I a/ et 31 I a/ de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, le Code précise, via un nouveau dispositif, similaire aux procédures de passation codifiées aux articles 59 III, 64 III et 67 IX, les conditions de fond autorisant à prendre une déclaration d’infructuosité : « Lorsqu’aucune candidature ou aucune offre n’a été remise ou lorsqu’il n’a été proposé que des offres inappropriées au sens du 3° du II de l’article 35 ou des offres irrégulières ou inacceptables au sens du 1° du I de l’article 35, l’appel d’offres (ou le dialogue compétitif) est déclaré sans suite ou infructueux (…) ».
Ce dispositif colle nettement mieux à la réalité des situations rencontrées par les pouvoirs adjudicateurs que le précédent dispositif, assez laconique. Selon le Code 2004, une telle décision était possible, seulement lorsqu’aucune offre ne paraissait acceptable aux autorités au regard des critères mentionnés dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation.
Une définition nationale
Le nouveau Code apporte une définition nationale aux périphrases communautaires « offres inappropriées » et « offres irrégulières ou inacceptables ».
Offres inappropriées
Selon l’article 35 II 3°, « est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en conséquence être assimilée à une absence d’offre ». En clair, sera inappropriée l’offre considérée comme non conforme à l’objet du marché. La non-conformité pourra résulter, par exemple, de l’initiative prise par l’entreprise de modifier unilatéralement les documents soumis à la consultation pour remettre une offre de prestation ne correspondant pas à ce qui est demandé (3).
Il s’agit donc bien d’une offre ne répondant pas à la solution de base (technique et administrative) définie par le pouvoir adjudicateur. Sans employer l’expression de « solution de base », la dispose au point 11.1.2.1. b/ §3 que « la notion d’offre inappropriée regroupe les cas où l’offre ne correspond pas aux besoins du pouvoir adjudicateur indiqués dans les documents de la consultation (exemple : marché où le pouvoir adjudicateur achète des ordinateurs de bureau et reçoit des offres concernant des ordinateurs portables)». Mais il s’agit aussi de l’offre en variante (article 50) libre qui, proposant des modifications substantielles, engendre un trop grand déphasage avec le cahier des charges de la solution de base (4).
Offres irrégulières
L’article 35 I 1° dispose qu’«une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation» .
Seront donc irrégulières : les offres remises hors délai et frappées de forclusion ; celles qui, tout en respectant au principal l’objet du marché ne répondent pas complètement à la définition des besoins quantitativement ou qualitativement entendue (5), sous réserve de l’appréciation du juge (6) ou encore les offres anormalement basses, notamment lorsqu’elles contreviennent à la législation sur le dumping au sens de l’article L.420-5 du Code du commerce, et ne remplissent pas les conditions prévues par l’ (7). Il en ira de même pour les offres ne répondant pas totalement aux exigences en matière de prescriptions minimales à respecter en matière de variante (ou qui proposeraient une variante alors que le pouvoir adjudicateur n’en veut pas) ou qui ne répondent pas aux exigences en matière d’information sur les intentions de sous-traiter. Seront également irrégulières, les offres et, sans doute devrait-on parler de candidatures, ne répondant pas aux exigences posées en matière de capacité économique et financière, ou professionnelle et technique, ou encore les entreprises se trouvant être en situation de liquidation judiciaire.
Offres inacceptables
Aux termes de l’article 35 I 1°, «une offre est inacceptable si les conditions prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer» . Cette dernière précision, opportune mais trop courte, sera sans doute difficile à mettre en œuvre.
Seront inacceptables : les offres ne répondant pas aux exigences en matière d’examen des candidatures ; qui sont liées par des exigences légales (déclaration, attestation ou certification en matière d’obligations fiscales et sociales ; règles du Code du travail ou exigences légales et juridictionnelles d’interdiction de soumissionner). Aux termes de la , les offres qui contreviennent à une législation nationale seront inacceptables.
Une telle affirmation ne semble guère satisfaisante. D’une part, seront aussi inacceptables les offres non conformes à des règlements européens ou à des directives dont le délai de transposition est dépassé au regard de leurs dispositions claires, précises et inconditionnelles.
D’autre part, on voit mal comment une offre pourrait répondre aux besoins d’un pouvoir adjudicateur sans respecter la législation nationale.
Procédure négociée
Adhérant à la logique de la directive 2004, le Code 2006 prévoit la possibilité de recourir, selon les motifs justifiant l’infructuosité du marché ou de l’accord-cadre, soit à la procédure négociée avec publication d’avis de publicité et mise en concurrence, sous réserve de l’exception prévue par l’alinéa 4 de l’article 35 I 1° ; soit à la procédure négociée sans publication d’un avis de publicité (et sans mise en concurrence) de l’article 35 II 3°.
Dans les deux cas, ces possibilités sont conditionnées au fait que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées (8). La lecture des deux dispositifs permet de comprendre que le recours à la procédure négociée sans publicité préalable et sans mise en concurrence n’est possible, en cas d’offres inappropriées, que si «seules des offres inappropriées ont été déposées» . A contrario, l’infructuosité résultant de la constatation de remise d’offres irrégulières et inacceptables, et d’offres inappropriées, ne devrait pas permettre le recours à la procédure négociée de l’article 35 II 3°du Code des marchés 2006, mais seulement le recours à la procédure négociée de l’article 35 I 1°.
Procédure adaptée
Le Code 2006 consacre enfin la possibilité, subtile et habile, de mettre en œuvre une procédure adaptée si, en cas d’opération allotie, le lot déclaré infructueux remplit les conditions mentionnées au III de l’article 27.
Cet article transpose le dispositif d’origine communautaire autorisant les pouvoirs adjudicateurs à passer, selon une procédure dérogatoire, qui est la procédure adaptée en droit national, certains lots d’un montant inférieur à 1 000 000 d’euros HT (pour les prestations de travaux) et dont le montant total cumulé ne dépasse pas 20 % du montant total des lots d’une opération de travaux dont le montant estimé est égal ou supérieur à 5 270 000 euros HT. L’article 27 III al. 4 dispose que «cette dérogation peut également s’appliquer à des lots déclarés infructueux ou sans suite au terme d’une première procédure ainsi qu’à des lots dont l’exécution est inachevée après résiliation du marché initial lorsque ces lots satisfont aux conditions fixées par les trois alinéas précédents» .