1.Briques de terre cuite
2.Pieux d'Acacia
3.Ossature en pin douglas
4.Isolation terre chanvre (murs) / Laine de chanvre (toiture)
5.Isolation liège (pied de mur)
6.Terre crue (quenouilles)
7.Ganivelles de châtaigner
8.Pavés de bois (sol partie rénovation)
longère le costil
La première phase du chantier de rénovation de la longère, débuté en mai 2021, a consisté à déposer les briques de terre cuite côté est. Elles ont ensuite été réemployées et re-maçonnées sur la partie ouest, afin de consolider les chaînages existants. « C’était d’autant plus important pour nous de réemployer la brique que le coût carbone de sa fabrication est élevée », insiste Mathis Rager. D’autres briques ont été fournies par la briqueterie locale des Chauffetières.
longère le costil
Pour les nouvelles fondations des pieux d'acacia remplacent ici le traditionnel béton. Pour les mettre en œuvre, les architectes se sont inspirés de la thèse Système de fondation sur pieux bois : une technique millénaire pour demain de Jérôme Christin, selon qui la quasi-totalité des bâtiments de l’époque médiévale étaient fondés sur des pieux en bois, a l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou du Château de Chambord. Ils se sont également appuyés sur les connaissances du maçon et du charpentier. Une mise en œuvre hors-norme, souligne Mathis Rager : « ce n’est pas réglementaire, donc on sort du cadre assurantiel ».
Le travail a commencé par la sélection de 12 grumes d’acacia, un bois de classe 4 fourni par les Forestiers Associés, une petite scierie familiale locale. Ces bois, de 30 cm de diamètre pour 3 m de long, ont ensuite été écorcés puis carbonisés de façon superficielle selon la technique ancestrale japonaise du shou sugi ban afin de rendre le matériau imputrescible. Après forage, les pieux ont été battus sur 2,50 m de profondeur, dans un milieu naturel humide constant. Les équipes ont ensuite procédé au nivellement du sol puis à la réalisation d’un hérisson ventilé, c'est-à-dire des galets et des cailloux posés sur un drain d’air afin de préserver la construction des remontées capillaires. Ils servent également d’assise à la future dalle constituée d'un plancher bois sur lambourdes.
longère le costil
Les techniques locales de colombage ont inspiré la réalisation de l’ossature de la partie neuve en douglas de section 70 x 140 mm et de la charpente.
rénovation longère costil
Dans le même temps, du liège, mélangé à de la chaux, a été utilisé pour isoler les pieds de murs sensibles à l'humidité. « L’immense majorité du liège nous provient aujourd’hui du Portugal. Pour éviter cela, il nous a été fourni par Ecopertica, qui organise la récupération de bouchons de liège en Normandie et procède à leur broyage avec des travailleurs en insertion », détaille Raphaël Walther.
longère le costil
La terre crue a été utilisée en mélange avec le chanvre pour l’isolation thermique des murs, mais aussi sous forme de « quenouilles » pour l’isolation acoustique des planchers. « Cette technique consiste à rouler du foin et de la terre autour de tiges de bois vert écorcées », détaille Emmanuel Stern. Pour réaliser les 700 quenouilles de 8 cm d’épaisseur, un chantier participatif a été organisé sur site avec 15 bénévoles en septembre dernier. Les matériaux utilisés proviennent exclusivement du domaine du Costil, à moins de 500 m de la longère.
longère le costil
L’ensemble des murs de la maison a été isolé avec un mélange terre-chanvre sur 15 cm d’épaisseur et la toiture en laine de chanvre sur 30 cm d’épaisseur. Le chanvre a été fourni par la coopérative EcoPertica, qui a mis au point une ligne de défibrage installée sur la chanvrière afin de séparer la laine de la chènevotte. Cette dernière est liée par de la terre avant d’être projetée.
« Ce mélange offre aux parois une résistance thermique (R) de 4, hygrométrie et déphasage en prime », détaille Alice Mortamet. Cette solution permet de s'affranchir du plastique du pare-vapeur et des émissions carbone de la chaux.
renovation longere costil
Alors que la mise en œuvre des enduits s’achève ce mois de mars, le mois suivant laissera la place aux finitions intérieures. Le sol du salon sera revêtu de pavés de bois en chêne réalisés par l’Atelier R-are. Le chêne provient de menuiseries, portes et fenêtres, issues de chantiers de démolition, puis découpées en tranche en atelier.
longère le costil
L’ensemble de la partie neuve sera revêtu en mai 2022 d’une seconde peau ajourée, un bardage en ganivelles de châtaignier. Ce bois provient d’un petit taillis vieux de 400 ans. « Il est exploité à petite échelle par débardage à cheval par un artisan, avant d’être transformé en atelier à l’aide de machines manuelles, datant parfois du 19e siècle ». De l’ultra local et de l’ultra low-tech donc, des fondations aux finitions.
(olivier sabatier)
Une dimension écologique très poussée caractérise les travaux en cours en ce moment au domaine du château du Costil, à Sap-en-Auge (Normandie). Dans ce paysage préservé, nivelé de coteaux, une longère traditionnelle de 90 m² reprend vie grâce à des matériaux et des savoir-faire locaux. « Nous avons incité les nouveaux propriétaires à s'atteler d'abord à cette bâtisse pour pouvoir y vivre. Situé à quelques pas, le château connaîtra une réhabilitation d'ampleur dans un second temps afin d'accueillir du public », explique Mathis Rager, architecte. Avec son confrère Raphaël Walther, il vient de fonder pour l’occasion la coopérative Anatomies d’architectures,qui réunit également un anthropologue et une spécialiste de la terre crue.
Un bâtiment en deux parties
Ils ont d’abord commencé par s’imprégner de l’existant. « Dissimulé sous le lierre, nous avons découvert un bâtiment structuré en deux parties », commence Mathis Rager.L’une, qui constitue la partie ouest de la longère, était constituée d’un appareillage de briques de terre cuite de bonne qualité qui a pu être conservé et renforcé. L’autre, la partie est de l'ouvrage, avait subi des dommages irréparables. Sa façade sud et sa toiture ont dû être intégralement déposées.
De ce constat, s’articule une architecture, elle aussi, en deux parties. La première dans le respect du patrimoine abritera séjour, salle à manger et cuisine. Dans la seconde partie, dédiée aux espaces de nuit, une boîte en bois autoportante remplacera la structure existante. « Avec ce système constructif, le projet s’inscrit dans l’enveloppe existante sans occuper d'espace supplémentaire », insiste Raphaël Walther.
Un gisement de matériaux à moins de 150 km
Cette écriture est aussi le fruit de deux années de recherche sur le terrain pour identifier les gisements de matériaux et les savoir-faire disponibles à 150 km à la ronde. « Nous avons ainsi identifié huit matériaux qui allaient composer 99 % du bâtiment », précise Emmanuel Stern. Pieux d’acacia, briques de terre cuite réemployées, ossature bois, isolation thermique terre chanvre, quenouilles, liège de réemploi, pavés de chêne, bardage en ganivelle de châtaigner, composeront le bâtiment, qui sera livré un an après les premiers coups de pelle, en mai 2022.
Autant de filières et de savoir fragilisés qui seront restaurés dans une exposition in situ en juillet de la même année. Date à laquelle on connaitra le coût de la rénovation. D’ici là, il est possible de visiter le chantier jusqu’au 2 avril, dans le cadre de la quatrième édition de Chantiers communs, un évènement qui regroupe une soixantaine de rendez-vous dans la région mettant à l'honneur la construction écologique et la valorisation des circuits courts.
Maîtrise d’ouvrage : SCI le Costil
Maîtrise d’oeuvre : Anatomies d’Architecture
Entreprises principales : Scheck & Déco (maçonnerie), Depuis 1920 (charpente bois), Entreprise Grolleau (couverture), Eco-Pertica (isolation), Thomas Vaydie (pépinieriste) et Jean-Luc Brouard
Coût : NC
Découvrez le témoignage de Sandrine Porterie qui nous partage son parcours au sein du Groupe et nous plonge au cœur de l’agence d’Aix-en-Provence qu’elle dirige aujourd’hui.