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Alors que la France et plusieurs autres pays ont arrêté une grande partie de leurs chantiers, celui d’Iter, qui vise à édifier le plus grand réacteur à fusion nucléaire du monde à Cadarache (Bouches-du-Rhône), continue de fonctionner avec l’assistance des 35 pays engagés dans le projet.
Les tests finaux des doubles ponts-roulants du hall d’assemblage ont été réalisés le 28 mars 2020, alors que la France entrait dans sa deuxième semaine de confinement. Sur ces appareils de manutention transiteront bientôt les pièces du réacteur, dont certaines atteindront le poids colossal de 1500 t.
Livraisons tout azimut
En parallèle, la réception des parties de la machine, qui ont été fabriquées dans différentes usines à travers le monde entier, se poursuit. « Nous avons suspendu les activités annexes du chantier pendant le confinement, mais les livraisons de ces pièces stratégiques sont prévues depuis des années. Ne pas assurer cette étape aurait perturbé toute la chaine du pré-assemblage. Si les colis n’arrivent pas à temps, les retards ne sont pas comptés en mois, mais en années pour le chantier », explique Bernard Bigot, le directeur général d’Iter.
La première des 19 bobines de champ toroïdal en provenance d’Italie a été réceptionnée dans la nuit du 16 avril 2020, ce qui constitue une étape symbolique pour le chantier. Cet élément haut de 17 m et large de 7 m, d’un poids de 360 t, fournira l’énergie nécessaire pour alimenter le champ magnétique de la chambre à vide une fois le réacteur en marche. Sa fabrication a été finalisée en Italie, alors que le confinement était en vigueur dans ce pays. Elle a quitté Venise depuis le port de Marghera pour finalement rallier le port de Marseille, mais il a fallu une autorisation spéciale pour qu’elle puisse être acheminée jusqu’à l’Hexagone au vue de la situation sanitaire.
Mise en place des gestes barrières
Une fois dans la cité phocéenne, elle a été réceptionnée par un camion spécial venu de Hollande, qui l’a transportée sur une centaine de kilomètres. Trois à quatre nuits ont été nécessaires pour acheminer ce colis « hautement exceptionnel ». A cause du confinement, la procédure sur place a dû être revue. Les équipes ont toutefois pu se préparer une quinzaine de jours auparavant aux nouvelles consignes, et adapter leur activité dans le respect des gestes barrières.
« Dès l’instauration du premier jour du confinement, nous avons réfléchi à une stratégie pour assurer la sécurité de nos salariés. Nous demandons finalement à nos entreprises d’appliquer les consignes officielles, en particulier celles du guide de l’OPPBTP », précise Bernard Bigot. La seconde bobine, cette fois-ci fournie par le Japon, est partie du port de Kobe le 7 mars. Le convoi est en route. Il est attendu à Iter samedi 25 avril à l’aube.
L’assemblage va bientôt démarrer
D’autres éléments indispensables à la fabrication de la machine continuent d’arriver au fil de l’eau. C’est le cas des pièces de calage nécessaires à la tenue de la base du cryostat, cette enceinte à vide géante de la forme d’un cylindre, qui servira à maintenir le réacteur à bonne température. Une marchandise de 7 t, en provenance de l’état du Gujarat en Inde, devait être livrée à la mi-avril sur le site de Cadarache, alors que le pays décrétait le confinement généralisé sur son territoire. Après avoir obtenu une autorisation spéciale, la cargaison a finalement pu être livrée par la mer et arriver au port de Fos-sur-Mer dans les temps.
La venue de ces pièces s’avérait particulièrement stratégique pour l’assemblage. En effet, le cryostat sera l’une des premières pièces à être installée dans la fosse prévue pour accueillir le tokamak. Sa base, qui a été fabriquée dans les usines du site Iter, vient d’être terminée. Elle a été déplacée le 17 avril dans le hall d’assemblage, où les principales pièces seront manipulées. Cette base de près 1 300 t est l’élément plus lourd de tout l’assemblage de la machine. Elle sera la première à être positionnée dans la fosse dans les semaines qui viennent.
Plusieurs usines à l’arrêt en Europe
« Pour le moment, nous n’avons pas accumulé de retard sur notre objectif de départ, qui est de produire le premier plasma [produit issu de la réaction de fusion nucléaire, NDRL] à l’horizon 2025. Avant le début du confinement, nous avions atteint 70% de cet objectif », précise Bernard Bigot.
Reste à savoir si ce délai pourra être respecté jusqu’au bout. Si les premières pièces de la machine ont en effet pu sortir dans les temps, plusieurs des usines qui les fabriquent sont désormais à l’arrêt. « L’Europe produit cinq des neufs secteurs qui composent la chambre à vide, et la Corée les quatre autres. Pour le continent asiatique, nous savons que les pièces seront dans les temps, car la production n’a pas été arrêtée. En revanche, pour les pièces produites en Europe, cela reste plus incertain. Quant à savoir si ces perturbations auront un impact sur les délais ou les coûts du chantier, il est encore trop tôt pour le dire », reconnait Bernard Bigot.