La reconstruction du Gaumont Alésia, à Paris (XIVe)
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Grandeur et morcellement Quand il lève le rideau pour la première fois, le 4 février 1921, le Montrouge-Palace porte bien son nom : l’édifice audacieusement réalisé en béton armé abrite une unique et immense salle de 2 800 places. Mais d’années en années, on rogne sur l’espace, on le morcelle pour multiplier les salles. Et quand les cinémas Gaumont-Pathé décident, il y a quelques années, de remettre à niveau quelques-unes de leurs salles parisiennes, tout en cherchant à les doter d’une identité propre, le cinéma du quartier Alésia fait partie du lot. Le projet est alors confié à l’architecte Manuelle Gautrand.
A l’ouest, du nouveau Dans l’établissement reconstruit, les nouvelles salles ont été installées au sous-sol ou empilées pour se caler au maximum vers le fond de la parcelle, écrans accrochés à l’est. Ainsi, Manuelle Gautrand a-t-elle pu réserver toute la face ouest du bâtiment pour la création d’un grand atrium de 20 mètres de hauteur. « Nous avions la volonté de recréer ces espaces d’accompagnement nobles qui ont toujours été la marque des grands lieux de spectacles parisiens », explique l’architecte.
Bienvenue à Alésia Finis les cinémas aux espaces d’accueil étriqués, qui servent tout au plus à la vente des billets. Une seule salle a été placée au rez-de-chaussée, libérant ainsi une majorité de la surface pour l’aménagement d’un vaste hall d’accueil. (Guillaume GUERIN)
Vaste endroit pour une rencontre Manuelle Gautrand a planté un décor piranésien derrière la façade du cinéma. Les escalators y croisent de larges gradins et ces derniers font office de salles d’attente dans un établissement qui entend accueillir le public au-delà du simple temps de la séance. Dans cet atrium très minéral, gris pâle, l’ambiance est toutefois un peu sévère pour des espaces qui se veulent lieux de rencontres et d’échanges. « J’ai été sage pour une fois », reconnaît Manuelle Gautrand qui a sinon tendance à imaginer des architectures plus hautes en couleurs. Mais selon elle, la façade lumineuse, les projections de bandes annonces et les distributeurs de confiseries sont autant de sources d’animation. (Luc Boegly)
Les lignes rouges Avec un total de 1 380 places, et à peu près autant de fauteuils rouges, les huit salles du cinéma obéissent, elles, aux codes du confort Gaumont. Par ailleurs, elles ont été réalisées comme des boîtes dans la boîte pour limiter les nuisances sonores. « Avant, les voisins entendaient les films à travers les murs », révèle l’architecte. (Guillaume GUERIN)
Extérieur nuit Pour Manuelle Gautrand, la création d’une façade animée et lumineuse aussi manifeste n’a été possible que parce que le Gaumont Alesia n’a pas de véritable vis-à-vis. « Nous sommes sur une place et il y a de l’air autour du bâtiment, remarque-t-elle. Je ne me serais peut-être pas autorisée le même dispositif dans une rue. » La conséquence d’un tel dégagement est que cette façade orientée à l’ouest n’est pas protégée du soleil. En plein été, dans l’ambiance des fins d’après-midi, sa mise en lumière peut s'en trouver imperceptible. Mais l’architecte assure n’avoir pas voulu pousser les feux au maximum : « L’image peut s’estomper sous l’effet d’un grand coup de soleil. Cela crée une temporalité. » (Luc Boegly)
L’éloge du flou Si elle permet la diffusion d’images, la façade mise en œuvre avec l’agence de conception lumière ON, n’a jamais eu vocation à être aussi nette qu’un écran plat, coins carrés. Elle se décompose donc en longs rubans verticaux et plissés. Par ailleurs, les 229 500 points lumineux qui la composent sont disposés de manière plus ou moins dense. L’image, claire au centre, a ainsi tendance à se « déliter » aux marges de l’installation. (Luc Boegly)
Les promesses de la transparence Avec ses panneaux vitrés de grande dimension, la façade permet au cinéma d’avoir vue sur la ville. Et à la ville d’apercevoir les spectateurs en ombres chinoises lorsqu’ils déambulent dans l’atrium. Cette peau transparente est aussi censée permettre aux éclairages de la façade de diffuser de la couleur dans les très sobres espaces d’accueil. (Luc Boegly)
Belle marquise Les rubans de façades se replient au-dessus de l'entrée et forment ainsi une marquise en débord d'environ 3 m sur le trottoir. « Le public encore au seuil de l'établissement est ainsi nimbé de lumière », précise Manuelle Gautrand. (Guillaume GUERIN)
L’aventure des arches perdues La démolition de l’ancien établissement avait fait apparaître au yeux de tous les arches de béton de la structure d’origine. Au point que certains avaient espéré que cette fine ossature puisse être conservée. La forme des arcades était cependant incompatible avec le programme visant à glisser huit salles dans la parcelle. Les passants ont cependant pu profiter de la présence l’étrange squelette pendant une bonne partie du chantier. « En effet, il a permis de maintenir les murs mitoyens qui s’étaient révélés instables », raconte Manuelle Gautrand.
Découvrez le témoignage de Sandrine Porterie qui nous partage son parcours au sein du Groupe et nous plonge au cœur de l’agence d’Aix-en-Provence qu’elle dirige aujourd’hui.