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Anciens camarades de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Strasbourg (Bas-Rhin), les architectes Arnaud Sachet et Julien Rouby n’ont jamais tout à fait vraiment quitté leur école puisque l’un y intervient régulièrement et l’autre y enseigne. Il leur a donc semblé tout naturel d’associer leurs agences respectives, Cosa et RHB, pour participer en 2015 au concours pour sa restructuration-extension en site occupé.
Livré au début des années 1960 par François Herrenschmidt et Jean Démaret, l’établissement d’origine affiche une composition claire avec une rue intérieure sur laquelle se greffent des bâtiments abritant chacun une fonction. Mais en 1995 et 2005, des extensions viennent déséquilibrer le fonctionnement de l’ensemble. D’autre part, le grand volume du rez-de-chaussée, aveugle au niveau de la rue, vient compliquer la circulation lorsqu’il sert de salle d’examens.
Les architectes décident alors de le transformer en hall à l’échelle de l’école et percent de nouvelles fenêtres, traitées à la manière de vitrines, qui donnent à voir aux passants ce qui se déroule entre ses murs. Sur l’arrière, ils l’ouvrent sur un patio qui apporte encore davantage de lumière naturelle. Au-dessus, ils regroupent l’ensemble de l’administration sur un plan libre, facile à (re)cloisonner.
Révéler les liens entre les disciplines
Afin de former une boucle de circulation, Cosa et RHB tracent une seconde rue intérieure, parallèle à la première, et les relient par le hall et deux couloirs est-ouest. Cette nouvelle rue forme, de surcroît, un tampon thermique pour les ateliers des ingénieurs. «Pendant mes études, je ne savais pas ce qui se passait dans ces ateliers. Il n’y avait aucune interaction ni connexion entre les futurs architectes et ingénieurs, c’est pourquoi nous avons multiplié les endroits de porosité et d’échange», détaille Arnaud Sachet.
L’équipe s’est aussi attachée à révéler les liens entre les disciplines, notamment en mettant en scène les fluides dans cette rue. Cette démarche a rallongé le temps des études et de discussions avec les entreprises, afin de déterminer l’emplacement des réservations et des systèmes d’accrochage. «Généralement le travail des ingénieurs est caché au sein des bâtiments. Notre message est de dire que tout le monde a son rôle à jouer dans le dessin d’un projet, et que les réseaux sont l’une des composantes de l’architecture», poursuit Julien Rouby.
Enseigner différemment grâce à l’espace
Toujours dans l’idée d’ouvrir l’école sur la ville, l’équipe transfère les élèves en architecture depuis le bâtiment historique vers une nouvelle entité érigée face à l’université voisine. A ses pieds, elle aménage une «cour des prototypes», visible depuis l’espace public, où sont exposées les réalisations de l’atelier de construction à l’échelle 1, implanté dans les locaux existants. «Nous voulions créer un lieu qui raconte ce que nous enseignons», expliquent les architectes.
Ils construisent le bâtiment dédié à l’école d’architecture dans une logique purement mathématique, avec trois niveaux de deux ateliers, et un étage réservé aux bureaux des chercheurs, à l’espace des doctorants et à la salle des professeurs. A l’intérieur, tout est parfaitement lisible. Tel un jeu de construction en bois géant, la structure de ce volume est imaginée pour interpeller les étudiants. Un noyau central en béton, le plus compact possible, comprend un escalier à double révolution, un ascenseur et la circulation technique verticale. Les poutres primaires en bois lamellé-collé de 2,72 m de haut, posées les unes sur les autres, viennent dessiner les vides et les pleins des façades. Les poutres secondaires transmettent les efforts des premières au noyau. Des poutres plus fines supportent les dalles des planchers, restant en suspens dans le vide derrière les vitrages.
Cette composition permet de déployer des ateliers en double hauteur, avec une triple orientation et sans point porteur intermédiaire. La disposition haute ou basse des baies vitrées, en fonction de l’empilement des poutres, dégage d’importantes surfaces d’affichage sur lesquelles les élèves peuvent écrire ou projeter des documents. «Nous avons cherché à réinventer des pratiques pédagogiques en permettant aux étudiants d’introduire du temps dans leur rendu. Ce sont nos expériences d’élèves et d’enseignants qui nous ont guidés tout au long de ce projet» [nommé au prix d’architecture de l’Equerre d’argent 2024, NDLR], analysent Julien Rouby et Arnaud Sachet.
Fiche technique :
Maître d’ouvrage : Insa Strasbourg.
Maîtrise d’œuvre : Cosa (Benjamin Colboc, Arnaud Sachet), RHB architectes (Julien Rouby, Julie Hemmerlé, Nicolas Brigand). BET : Bruno Kubler (paysage), Batiserf (structure), BMF (économie), Nicolas Ingénieries (fluides, approche environnementale), Jean-Paul Lamoureux (acoustique).
Principales entreprises : J.-P. Blanck (démolition, curage, fondations, gros œuvre), Charpente Houot (structure bois, mur ossature bois, bardage), Terra Clean (chapes, finition des sols), Evoluglass (menuiseries extérieures, occultations).
Surfaces : 9500 m² SDP (restructuration), 2200 m² SDP (extension), 1380 m² (espaces extérieurs paysagers).
Coût des travaux : 14,10 M€ HT (phase 1 livrée en 2022) et 4,30 M€ HT (phase 2 livrée en 2024).