0 of 6
Alors que la machine dépose les blocs d’antan, dans un roulement impeccable, le convoyeur charrie les traverses de béton armé précontraint puis les pose sur la voie. A Namps-Maisnil, à une vingtaine de kilomètres d’Amiens dans la Somme, la cadence est soutenue.
Nous sommes ici sur le chantier de renouvellement de la voie ferrée qui relie Amiens et Rouen. Opérée par SNCF Réseau, le gestionnaire des infrastructures ferroviaires français, cette opération représente l’une des plus importantes menées actuellement dans la région Hauts-de-France. Soit un investissement substantiel de 70,3 millions d’euros supporté directement par le maître d’ouvrage « pour maintenir et garantir un haut niveau de sécurité et de performance de la ligne », explique Nathalie Darmendrail, directrice territoriale de SNCF Réseau Hauts-de-France.
Cette ligne supporte quotidiennement quelque dizaines de trains de fret et 25 de voyageurs, qui continuent de circuler matin et soir, en dehors des plages de travaux. A l’heure où l’infrastructure ferroviaire est de plus en plus sollicitée en vertu de ses faibles émissions de gaz à effet de serre, la mise aux normes de cette artère était nécessaire. Deux tronçons sont ici touchés : Amiens - Poix-de-Picardie (35 km) puis Formerie-Serqueux (15 km).
Trains-usines pour cadence soutenue
Pour assurer le chantier dans un délai record, SNCF Réseau mise sur l’usage de deux trains-usines. Démarré en février, il doit s’achever d’ici à la fin d’année avec un pic d’activité de trois mois cet été. Alors pour réussir le pari de l’industrialisation du renouvellement de la voie ferrée qui consiste au remplacement des traverses, les rails et le ballast, les chiffres sont forcément impressionnants. Compter 750 mètres de voie changés quotidiennement - contre 100 avec des moyens classiques - le tout grâce à un encadrement d’une quarantaine d’agents de SNCF Réseau et des entreprises partenaires, ETF et Eiffage Rail. Au total, ce chantier comptabilisera 78 500 traverses renouvelées, soit 1 500 traverses au kilomètre ou encore 85 000 tonnes de nouveau ballast dédié à la stabilisation de la voie.
Le train-usine orchestre plusieurs étapes pour régénérer le tronçon. Dans le jargon, on parle ici de « suite rapide ». En premier lieu, quasiment au contact du ballast, deux personnes retirent manuellement les attaches métalliques qui fixent le rail aux traverses (tire-fond) puis celles-ci sont déposées et remplacées. Vient ensuite la phase de changement du rail. Alors que l’ancien est soulevé, le nouveau rail vient se glisser en lieu et place sur les traverses. Si la force de la machine assure évidemment ces opérations, le regard des hommes, dont des géomètres, reste primordial pour contrôler la bonne symétrie de ces mastodontes d’acier produits par Saarstahl Rail à Hayange en Moselle. S’ensuit la découpe au chalumeau de l’ancien rail en tronçon de 19 mètres. Charge au convoi muni de grosses pinces de les récupérer. A terme, direction l’usine Ascoval de Saint-Saulve (Nord) pour être recyclés et valorisés. La ballastière ou dégarnisseuse vient consolider, et ce en plusieurs passes, la voie ferrée en renouvelant le ballast. « Pour limiter les efforts de dilatation liés au changement de températures, les équipes procèdent enfin à la phase de libération, c’est-à-dire, à la contrainte du rail de façon artificielle », détaille Bastien Choquet, pilote d’opération chez SNCF Réseau. La phase de soudure interviendra quelques heures plus tard, puis d’ici la fin d’année, les travaux, dits, de finition.
Au total, un demi-milliard d’euros est ainsi consacré cette année à la régénération du réseau ferré régional, soit 37 chantiers, dont 22 de voies. Décidément, un train peut toujours en cacher un autre.