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Enfin. On peut le dire sans doute pour toutes les réouvertures de lieux culturels qui vont intervenir ce 19 mai et pour toutes ces œuvres que le public pourra à nouveau admirer.
"Enfin", c’est peut-être plus vrai encore pour l’inauguration de la Bourse de commerce, au centre de la capitale. A partir de ce samedi 22 mai, ce bâtiment historique, qui fut autrefois une halle aux blés avant de devenir, à la fin du XIXe siècle, le haut lieu des transactions marchandes, deviendra officiellement l’adresse parisienne de la Pinault Collection.
Patience
Car il aura dû s’armer de patience avant de pouvoir accéder aux œuvres d’art contemporain tirées de l’immense ensemble constitué par l’homme d’affaires breton François Pinault depuis un demi-siècle.
En raison de la pandémie mondiale, l’ouverture de la Bourse de commerce a été repoussée de plusieurs mois. Mais l’attente du public français a été plus longue encore, depuis le rendez-vous manqué de l’île Seguin, à Boulogne (Hauts-de-Seine) en 2005.
François Pinault rêvait d’installer là sa fondation, avait choisi le projet de l’architecte japonais Tadao Ando pour l’abriter, puis avait jeté l’éponge devant les difficultés et était parti exposer ses richesses à Venise, en Italie, au Palazzo Grassi et à la Punta della Dogana.
Mais «je caressais le rêve de revenir à Paris», confiait le collectionneur, à l’antenne de «France Inter» le 18 mai. Il n’a donc pas hésité quand la maire Anne Hidalgo lui a proposé de prendre ses quartiers dans le bâtiment qui abritait, il y a peu encore, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP).
Comme pour le projet de Boulogne et ses implantations vénitiennes, François Pinault a fait appel à Tadao Ando. Cet architecte de légende, ancien boxeur et concepteur autodidacte, qui aurait voulu rencontré Le Corbusier et a en admiration le Panthéon de Rome, est donc venu visiter la Bourse de commerce. «Quand il est entré dans ce bâtiment rond comme le Panthéon, il en avait les larmes aux yeux», a raconté son commanditaire.
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Pas question alors pour l’architecte d’altérer cet élément du paysage parisien. Il est néanmoins parvenu à y intervenir avec force en logeant, au cœur de l’édifice circulaire, un nouveau cercle.
Dans la vaste place intérieure de la Bourse de commerce, sous sa grande verrière, se dresse désormais un anneau de béton de 30 m de diamètre et 9 m de hauteur. Ce cylindre quasi brut, dont la multitude régulière des trous de banche forme l’habituelle signature de Tadao Ando, sera un réceptacle pour les accrochages. Pour l’exposition «Ouverture» y sont ainsi disposées de grandes œuvres en cire… qui sont autant de bougies géantes qui, allumées à partir du 22 mai, sont appelées à disparaître petit à petit.
Mutation
Toutefois, le cylindre, «ce geste radical, symbole de la mutation des lieux, prend aussi sur lui tous les éléments de cette mutation», souligne l’architecte Lucie Niney de l’agence parisienne NeM – Niney et Marca, qui, avec l’Architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, ont travaillé avec Tadao Ando sur cette réalisation. Ainsi la structure de béton est aussi support technique pour dispositifs de ventilation, d’acoustique ou d’éclairage. Elle joue encore le rôle de nœud de la circulation du public. Les escaliers qui desservent les galeries s’enroulent autour d’elle et une coursive la couronne.
De cette façon, l’intervention contemporaine, censément réversible, touche aussi peu que possible l’édifice historique. Elle l’effleure. Même les chemins d’accès aux galeries d'exposition ne touchent pas aux façades intérieures. Un écart ténu, qui se mesure en millimètres, a été maintenu entre le nez de dalle des passerelles et l’entrée des salles qui ont été aménagées dans l’anneau du bâtiment d’origine.
Effleurement
« Une leçon nous est donnée, assure Pierre-Antoine Gatier, celle de la perpétuelle transformation de l’architecture. Elle montre qu’il est illusoire de vouloir fixer un édifice dans une époque. Nous avons ici un accord entre l’histoire et le geste contemporain, un équilibre. » Une leçon de sagesse, donc ? Il se dégage en tout cas de ce lieu métamorphosé et de son halo de béton, une sérénité certaine. Peut-être sera-t-elle troublée par les visiteurs, notamment ceux des journées portes-ouvertes inaugurales dont les réservations sont déjà complètes. Mais, peut-être pas.
La Bourse de Commerce – Pinault Collection, 2 place Viarmes Paris Ier. www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce
FICHE TECHNIQUE
Maîtrise d’ouvrage : La Bourse de Commerce – Pinault collection, sous la responsabilité de Daniel Sancho.
Maîtrise d’œuvre : Tadao Ando Architect & Associates (TAAA), NeM – Niney et Marca Architectes, Pierre-Antoine Gatier ACMH, architectes ; Setec bâtiment, ingénierie (mandataire) ; Ronan et Erwan Bouroullec, mobilier urbain, mobilier et luminaires.
Entreprise générale : Bouygues construction (Bouygues Bâtiment Ile-de-France – Rénovation privée et Bouygues Energies et Services).
Surfaces de plancher : 10 500 m² dont 7 000 m² accessibles au public.
Calendrier : lancement du chantier : été 2017 ; achèvement des travaux de restauration et de réaménagement : 2020 ; ouverture au public : 22 mai 2021.
Coût des travaux : 100 M€ HT.