Vert(u)s en chine

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Son rejet a fait moins de bruit que l'abandon (provisoire ?) de la taxe carbone. Pourtant la disposition visant à instaurer un plan local d'urbanisme (PLU) intercommunal était, elle aussi, de nature à favoriser une meilleure prise en compte des impératifs environnementaux. Mais députés et sénateurs n'ont pas souhaité l'inscrire dans le deuxième volet du Grenelle de l'environnement. Cette opposition à ce qui était pourtant la volonté du secrétaire d'Etat chargé du Logement et de l'Urbanisme, Benoist Apparu, est choquante : c'est l'évidence même que la planification urbaine ne peut être envisagée sérieusement en se limitant au périmètre de la seule commune ; et c'est aller contre le cours de l'histoire puisque le PLU intercommunal s'immisce dans les faits par le biais des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Ajoutons que nombre de maires et de présidents d'intercommunalités sont franchement favorables à l'existence d'un tel plan concerté. Et que, même s'il suppose de revoir la répartition de certaines taxes, ce coup de pouce à un urbanisme pensé plus globalement ne coûtait pas cher. Il est donc étonnant qu'un refus ait pu ainsi lui être opposé (de manière provisoire ?).

Provisoire ici, provisoire là. Ce provisoire répété à l'envi bloque la dynamique. Il est l'expression d'une lenteur admise : il faudra en venir à telle ou telle disposition, c'est entendu, mais plus tard quand les esprits seront prêts. or, pendant ce temps, les vertus vertes gagnent du terrain ailleurs.

Ainsi, même les Chinois qui ne peuvent être tenus pour des parangons de vertus écologiques, ne s'embarrassent pas de préventions inutiles pour se convertir massivement à la préservation de l'environnement. On pourra certes objecter qu'ils partent de très loin mais, petit signe, depuis que les athlètes s'y sont livrés en 2008 aux joutes olympiques, l'air de Pékin est déjà moins pollué. Et à Shanghai, l'exposition universelle (1) a eu comme premier impact de chasser les usines très polluantes qui occupaient le site urbain central où elle a pris position. Ces usines ont ainsi été contraintes d'accélérer leur nécessaire reconversion vers des processus plus propres tandis que la ville se donnait les moyens de mieux respirer.

Au-delà du seul discours, l'urbanisation fait maintenant l'objet en Chine de nouvelles attentions en adéquation avec des préoccupations soutenables. A Hangzhou, par exemple, l'architecte Wang Shu a requalifié l'un des six kilomètres de la longue rue Zhongshan qui dépérissait complètement. Il en a fait un véritable espace public dans lequel il a réintroduit l'eau par le biais d'un petit canal serpentant d'un côté à l'autre de la rue devenue voie piétonne. Il en a limité la largeur, ménageant des espaces de convivialité. Les façades étant assez disparates, Wang Shu a proposé et réussi à imposer des dispositifs rapportés créant un sentiment d'unité, dans lesquels il a aussi ménagé des surprises par le biais de constructions additives qui en émergent avec un brin de fantaisie. Bref, il a, d'une manière à la fois attentionnée et radicale (rapportée au contexte chinois des décennies précédentes), redonné à la rue Zhongshan un lustre nouveau, de belle facture. Accessoirement, cet exemple ouvre une brèche alternative à l'urbanisme générique et donne un élan en faveur d'une autre pensée urbaine qui, sans être encore communément partagée, entre progressivement en résonance avec l'intérêt des plus hautes autorités chinoises quant à l'avenir de la ville.

Autre changement de cap, après des destructions massives impossibles à nier, la préservation du patrimoine paraît désormais à l'ordre du jour (2). Les responsables de l'urbanisme chinois s'y attellent un peu partout non pas dans une seule logique de réhabilitation et conservation mais en adaptant le tissu existant aux exigences actuelles et en le vivifiant par des constructions nouvelles. Ainsi, à Suzhou, ville riche d'une histoire de 2500 ans, le travail de rénovation, commencé en 2004 au long des voies et des canaux se prolonge-t-il en profondeur des îlots. Toutefois, dans ce tissu historique, les interventions contemporaines ne sont pas exclues : l'architecte Tong Ming a ainsi livré la remarquable extension de l'hôtel Pingjiang Kezhan, prolongeant avec une grande maîtrise contextuelle la résidence de la famille Fang de la dynastie des Ming.

Les frémissements verts de la Chine n'autorisent pas à l'angélisme qui ferait oublier les innombrables centrales à charbon extrêmement polluantes ou la prolifération démentielle des véhicules automobiles à essence ou diesel. Certes, mais sur ce dernier aspect également la situation évolue à grande vitesse : vélos ou scooters électriques se multiplient à vue d'œil dans les rues de toutes les villes. Il est patent que la Chine n'est pas un eldorado vert mais, poussée par une nouvelle demande intérieure et attirée par les marchés mondiaux du green business, elle adopte (vite, très vite) de nouvelles attitudes.

Vite, très vite mais pas (ou plus) n'importe comment. Pour beaucoup de responsables au plus haut niveau, en effet, le temps est venu de donner priorité à la culture sur l'économie. Autant d'évolutions à regarder de près.

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