L'incitation fiscale au tri sélectif s'applique depuis le 1er janvier aux 11 500 habitants de la communauté de communes de la Porte d'Alsace (30 communes de la région de Dannemarie, dans le Haut-Rhin). Les 5 000 foyers, tous équipés de bacs munis de puces électroniques, acquittent une redevance de 0,96 F/kg d'ordures non triées. « Il s'agit, à notre connaissance, de la plus importante expérience française dans ce domaine », témoigne Laurent Thirion, directeur de l'agence haut-rhinoise de Sital, filiale alsacienne de Sita (groupe Suez/Lyonnaise).
Un appel à candidatures de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a déclenché l'opération en juin. Dès sa création en 1993, la communauté de communes avait lancé la collecte sélective en porte à porte. En 1998, les ordures triées représentent déjà 220 kg par habitant, sur un total de 370 kg. « Avec la nouvelle redevance, nous espérons franchir le seuil de 50 % », annonce Rémi With, président de la communauté de communes. Les premières semaines de mise en oeuvre confortent cet objectif : « Les tonnages ont baissé de 30 % », affirme Laurent Thirion. Aucun transfert des déchets vers des dépôts sauvages n'a été noté.
Des bacs équipés de puces électroniques
La communauté de communes de Ribeauvillé (Haut-Rhin), suit la voie tracée par la Porte d'Alsace : elle a choisi Sital pour lancer un système comparable. « La population souhaite que la redevance tienne compte des efforts de chacun dans le tri sélectif », justifie Rémi With.
Pour équiper les foyers en bacs munis de puces électroniques, la communauté de communes a investi 1,2 million de francs, sans aides de l'Ademe. Pour chacun de ces conteneurs, le calcul informatique du poids des ordures résulte d'une moyenne de plusieurs centaines de pesées enregistrées sur disquette par les rippeurs pendant le remplissage des bennes. Sital les traite ensuite sur ordinateur pour éditer la facture.
L'équipement du camion (lève-conteneurs et package de pesage dynamique) a mobilisé près de la moitié des 850 000 francs investis par Sital, dans le cadre d'une convention financière avec l'Ademe. Les difficultés de mise en place ont surtout concerné le système informatique mis au point à cette occasion par GTMH : « Lorsqu'un bogue survient pendant la pesée, le lève-conteneurs se bloque. Cet incident, heureusement rare, entraîne l'arrêt de la collecte », témoigne Laurent Thirion.
Former le public et les agents
La mise en place de la nouvelle redevance a également exigé une vigilance accrue des rippeurs quant au respect des règles du jeu de la collecte sélective : des autocollants d'avertissement (« Attention au jour de collecte ! Merci de consulter votre calendrier ») sanctionnent le dépôt de déchets non triés dans les poubelles réservées aux ferrailles, plastiques et papiers cartons.
Pour former les agents, dialoguer avec les informaticiens de GTMH et suivre de nouvelles expérimentations de ce type, l'agence haut-rhinoise de Sital a recruté en septembre un jeune diplômé de l'Ecole nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg (Engees).
Après avoir poussé aussi loin que possible l'incitation au tri sélectif en porte à porte, les acteurs identifient mieux les limites du système : l'évacuation des sapins de Noël ou autres objets encombrants ne peut passer que par un réseau de déchetteries, ce qui, en milieu rural dispersé, pose des problèmes. « Nous allons proposer à la Porte d'Alsace un système qui a fait ses preuves dans la communauté de communes de Kaysersberg : pour le prix d'une grande déchetterie, nous avons implanté neuf petites unités, dont deux peuvent accueillir tout type de déchets encombrants », indique Laurent Thirion.
Laurent Thirion voit dans la démarche de la collectivité rurale du sud de l'Alsace l'illustration d'une tendance générale : « Dans l'eau comme dans les déchets, le besoin de transparence des prix et les outils techniques pour y répondre se développent partout, même si ces réponses peuvent prendre des formes diverses. »
PHOTO : Les données de la pesée sont enregistrées sur disquette par les ramasseurs, puis traitées par informatique.