Une étrange forme pyramidale en béton vient d'être érigée au 150, avenue Thiers à Bordeaux (Gironde). Pour sa surélévation, le bâtiment des années 1920, qui abrite les bureaux de l'agence d'architecture Hobo au rez-de- chaussée et six logements dans les étages supérieurs, devait respecter la conception hélio paramétrique de la ZAC Bastide Niel.
« Tout y a été fait pour tenir compte de l'ensoleillement », résume Pierre Cara, architecte associé d'Hobo, qui endosse ici les rôles de maître d'ouvrage, de maître d'œuvre et d'occupant.
Une fois le tracé urbain défini, les îlots ont été découpés en volumes suivant deux angles : à 45° dans toutes les directions à partir des bâtis voisins de façon à garantir un bon éclairage des voies. Puis un deuxième à 22° orienté plein sud pour garantir a minima deux heures d'ensoleillement direct à chaque construction. Il en résulte des gabarits constructibles aux formes inédites particulièrement complexes à réaliser. « Car, au-delà de la géométrie atypique, les difficultés ont été accentuées par l'obligation de rénover l'existant, et par celle de réaliser une toiture très lourde, composée de panneaux de béton », se souvient Denis Charreteur, directeur général délégué de DL Océan, qui a réalisé la charpente métallique de l'ouvrage pyramidal.

Construire autour de l'existant. Première difficulté, l'édifice existant en pierre et en béton était trop fragile pour porter la surélévation. De plus, préserver sa stabilité nécessitait de conserver sa toiture, constituée notamment d'imposantes poutres en béton. « Nous nous sommes retrouvés dans une situation paradoxale où nous devions construire autour de l'existant », résume Pierre Cara. Les architectes ont donc choisi de le renforcer de façon chirurgicale et de l'intégrer dans une nouvelle ossature métallique. En complément, un noyau en béton, où prennent place trémie d'ascenseur et escaliers, assure le contreventement.
Vu la complexité, le travail collaboratif en BIM s'est imposé. Un relevé géomètre en 3D a été réalisé après le curage, et le nuage de points a servi à la synthèse de trois modèles numériques : celui de l'architecte, celui du charpentier métallique et celui des panneaux de béton préfabriqués. Ces derniers forment à la fois l'enveloppe et la toiture.
Trop fragile, le bâti d'origine a été intégré dans une nouvelle ossature métallique
Les enjeux de la synthèse étaient doubles. Il s'agissait d'abord de prévoir l'implantation des poteaux au plus près de l'existant avec une tolérance de 5 cm, mais aussi de caler au millimètre près les jonctions entre les appuis métalliques en toiture et les modules de béton. Cette étape a nécessité de nombreux échanges et plus de six mois de travail de conception.

21 m au faîtage. Les travaux ont ensuite pu se dérouler rapidement. Ils ont commencé en mars 2018 avec le renforcement des fondations au moyen de 90 micropieux qui traversent le radier pour descendre à 25 m de profondeur. Chaque poteau existant a été renforcé d'un poteau métallique HEA de 33 cm de section. « Une épaisseur adaptée aux 300 kg/m² des panneaux de béton à supporter en toiture », souligne Denis Charreteur. Au total, trois niveaux ont été ajoutés et l'édifice culmine désormais à 21 m de haut.
La partie neuve de l'édifice a été entièrement réalisée en charpente métallique, avec des planchers en bacs collaborant remplis de béton. La mise en place des poutres métalliques a débuté en mars 2019 pour s'achever en juillet de la même année. Une fois la structure mise en place, les panneaux préfabriqués ont pu être mis en œuvre. Leur pose s'est déroulée en deux temps : en août 2019 pour la façade, puis entre décembre et janvier 2020 pour la toiture. « Heureusement, à part quelques raccords entre l'acier et le béton, les opérations se sont déroulées sans encombre », se félicite l'architecte du projet. Les collaborateurs de l'agence ont ainsi pu emménager en novembre 2019, tandis que les derniers occupants des logements prendront possession des lieux d'ici à la fin 2020.