Durement touché dans son activité lors des années 2008 à 2010, le négoce matériaux n’a, en revanche, pas connu de bouleversement dans sa structuration. La concentration du secteur a connu une décélération sensible. En 2011, un seul rachat a concerné une entreprise de plus de 50 M€ de CA : l’intégration des treize agences Guillemet au sein de Chausson Matériaux. Autre opération d’envergure à relever, concernant une nouvelle fois Chausson Matériaux : la fin du pacte d’actionnariat conclu avec CRH France qui détenait 35 % des parts. Le groupe britannique voit sa présence en France reposer sur les quarante agences Raboni (environ 180 M€ de CA), à son enseigne TP Buscaglia et à sa participation dans Doras, en joint-venture avec Samse.
Des ajustements difficiles
Dans ce paysage stable, un fait notable : la part des groupes intégrés (Point. P et Wolseley) a reculé à l’occasion de la crise. Selon la récente enquête du cabinet Développement Construction, leurs parts de marché cumulées (34-34,5 %) sont devenues en 2010 inférieures à celles des groupements d’indépendants (36,5-37 %). Les soubresauts du marché avaient alors contraint les groupes nationaux à des ajustements difficiles, et souvent mal vécus par la clientèle. « Sur les stocks, il y a eu des moments de réglages et, localement, des faiblesses, reconnaît Patrice Richard, président du directoire du groupe Point. P. Aujourd’hui les équilibres ont été trouvés. Mieux, nous avons fait de cette discipline un atout : disposer du bon niveau de stocks, c’est l’investissement le moins cher. » De son côté, Wolseley France a mis l’amélioration du service au cœur de la stratégie de reconquête dévoilée en octobre dernier : des enquêtes de satisfaction sont désormais menées en permanence via Internet, avec la promesse « d’un pilotage de la performance des équipes directement via les remontées clients ».
Avec 24 % de parts de marché selon l’enquête Développement Construction, les groupes régionaux ont mis à profit les difficultés des intégrés pour étendre leurs positions. Certaines de ces sociétés ont acquis une dimension largement multirégionale : ainsi le groupe Samse, après avoir renforcé sa présence dans la moitié est du pays, cherche maintenant à étendre les positions de son enseigne M en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Son partenaire au sein de MCD, Chausson Matériaux, n’est pas en reste puisqu’il est désormais présent sur une cinquantaine de départements. Les acteurs ayant le plus progressé ces dernières années restent cependant les groupements d’indépendants : leur part de marché aurait progressé de deux points en trois ans, à 36,5-37 %, faisant d’eux le premier segment professionnel du marché. Une première raison est sans aucun doute leur plus grande marge de manœuvre commerciale. « En période de crise, l’indépendant qui est sur le terrain est sans doute plus réactif qu’un groupe, confirme le président de la FNBM, Géraud Spire. Il faut aussi signaler le dynamisme des groupements qui ont su mettre leurs adhérents dans de bonnes conditions pour vendre. » Les centrales ont en effet renforcé le service aux adhérents tous azimuts : merchandising (aménagement des points de vente, implantation d’expositions), formation des équipes, aide à la gestion, logistique. En février 2011, France Matériaux (169 PDV) proposait à ses adhérents de passer sous enseigne commune, ouvrant de nouvelles possibilités en termes de communication et d’animation commerciale. Des groupements de taille plus modeste élargissent également leur palette d’outils. En janvier, Mat (35 PDV) initiait par exemple un dispositif sur les CEE, prenant de vitesse certaines grandes centrales et groupes régionaux.
Vers une reprise des opérations de rachat ?
Une autre raison de la progression des groupements est leur politique très active de recrutement. La crise a convaincu bon nombre d’irréductibles de l’intérêt de rejoindre une centrale, pour réduire les frais généraux et bénéficier de meilleures conditions de vente. Mais le potentiel se réduit. En phase de recrutement, le groupement Starmat (72 adhérents, 126 PDV) a identifié seulement 150 à 200 indépendants purs sur le territoire national. Et encore tous sont-ils loin d’avoir une activité suffisante (au moins 1,5 M€ de CA) pour rendre l’opération intéressante. Les groupements ont-ils donc atteint leur plafond de croissance ? Leur capacité d’investissement reste limitée, malgré la mise en place de structures dédiées au sein de certaines centrales. A l’inverse, les groupes nationaux ont retrouvé les moyens de financer leur développement par croissance interne et externe. Ils pourraient animer le marché dans les prochains mois, sans doute concurrencés par les grands groupes régionaux pour la reprise des sociétés les plus coinvoitées, celles dépassant les 30 M€ de CA.
Le multispécialisme gagne du terrain
Sur les 5 000 points de vente répertoriés, les deux tiers environ disposent aujourd’hui de salles d’exposition. Le développement d’activités de spécialité va de pair avec la baisse des marges sur les métiers du gros œuvre : carrelage et menuiserie sont devenus des relais de croissance recherchés du négoce généraliste, qui tente de reprendre la main face aux distributeurs spécialistes. Avec, en conséquence, le développement de services déjà maîtrisés par certains négoces, mais encore nouveaux pour d’autres : atelier menuiserie, service de pose, conseils décoration. La croissance sur ces marchés peut se faire sous des enseignes dédiées, pour être mieux identifié par le marché : ainsi Doras décline ses concepts Careo (carrelage) et Meneo (menuiserie) soit au sein de ses agences généralistes, soit en agences autonomes, plus axées sur le particulier. De façon générale, l’évolution réglementaire accélérée et la volonté d’attaquer des marchés de niche poussent les négoces à clarifier l’offre disponible, afin de tenir la promesse commerciale : après Moboa sur la MOB, les adhérents MCD peuvent labelliser Iso Ext les points de vente possédant une équipe formée aux techniques de l’ITE ainsi qu’un stock dédié. Wolseley a également concentré ses efforts sur les Eco-chantiers sur une quarantaine d’agences Réseau Pro. Au sein du groupe Point. P, le succès de La Plateforme du Bâtiment valide le choix d’une enseigne urbaine adaptée au marché de la rénovation, complémentaire de l’enseigne généraliste. La problématique est évidemment différente en zones rurales où le salut des négoces passe souvent par la mise en place de libres-services : on en compte aujourd’hui près de 4 000. En répondant aux besoins d’une clientèle locale mixte, ces espaces offrent une alternative à la GSB, toujours plus agressive sur ces marchés.




