Une ingénierie foisonnante pour animer la trame brune

La trame brune étend son maillage dans les villes. Un nombre croissant d’aménageurs mobilise les volontés citoyennes et les compétences scientifiques, pour que les sols urbains, de plus en plus perméables, expriment leur potentiel biologique. Le 11 décembre sous le titre Biodiversité des sols urbains, la dernière journée technique de l’association Plante & Cité a montré la dynamique amplifiée par le partenaire de l’événement : la métropole du Grand Paris.

Réservé aux abonnés
Biotubes
Dans une friche lyonnaise de la vallée de la chimie, Valorhiz mesure la biodiversité des anthroposols.

La conversion de Gennevilliers aux sciences participatives produit déjà ses effets dans les pratiques des jardiniers municipaux sondés par Amandine Gallois, chargée de la biodiversité dans la ville de 47 000 habitants dans les Hauts-de-Seine : « Plus attentifs aux vers de terre, ils  évitent de travailler le sol trop en profondeur ».

Stimulation participative

L’évolution s’est produite en un temps record, dans la foulée du label Ecojardin décroché en 2018 par l’allée Mehdi Ben Barka : « Les certificateurs avaient mis en évidence la biodiversité du sol comme une piste d’amélioration », rappelle Amandine Gallois.

La labellisation du parc de Sévines a créé l’opportunité d’acquérir la compétence, au moment où une autre stimulation est venue encourager la commune : les associations Graines de terre et Jardins nourriciers l’ont initiée au protocole scientifique de l’observatoire participatif des vers de terre, par la méthode du pied de bêche qui facilite le transport des échantillons vers le laboratoire spécialisé de l’université de Rennes. L’élan ne s’arrêtera plus.

Symbiose micorhyzienne

Toujours dans les Hauts-de-Seine, Nanterre emboîte le pas, grâce aux 550 000 m² de planchers mixtes que quadrilleront six trames multicolores et multisensorielles, dans la Zone d’aménagent concerté (Zac) des Groues dessinée par les paysagistes des agences Ter et In Situ avec les écologues de Biotope et de Zoom : celle du bien-être, la douce, la verte, la bleue, la noire et bien sûr la désormais incontournable brune, pièce maîtresse du bilan carbone de l’opération pensée avec le concours des bureaux d’études spécialisés dans les sols Hekladonia et Sol Paysage.

Grâce à la pépinière de chantier de l’association Nouvelles terres, encadrée par les entreprises Daniel Soupe (pépiniériste), Yes we camp (urbanisme provisoire) et TN + (conception paysagère) pour préparer l’acclimatation des 1000 arbres programmés jusqu’en 2032, des travailleurs en insertion s’initient aux techniques de micorhyzation : les microchampignons entrent en symbiose avec les systèmes racinaires, dans les fosses d’1,5 m de profondeur. 150 essences plantées en mars ont lancé la pépinière emblématique du projet, sur le lieudit « Vive les groues ».

Apprendre en marchant

« Les études de ce projet ont démarré en 2012. Nous apprenons en marchant, et la biodiversité des sols prendra une importance croissante dans la suite de l’opération », annonce Estelle Citerne, cheffe de projet à l’établissement public local Paris La Défense.

Devant le parvis de la future gare, le « puits de vie » inaccessible au public, imaginé par Ter, abritera l’intensité écologique maximale de la Zac.

A Vandoeuvre-lès-Nancy et à Besançon, l’exigence de sols vivants s’impose dès les études préalables à deux opérations suivies par Sol & Co, essaimage du laboratoire Sol et environnement de l’université de Lorraine : la création d’une prairie urbaine dans la banlieue de Nancy et la recomposition urbaine du campus universitaire de la Bouloie, dans la capitale de la Franche-Comté. « Dans ces deux projets participatifs, le retour des concepteurs nous confortent dans une méthode qui anticipe les usages. Ils ont trouvé dans notre étude un outil d’aide à la décision facile à exploiter », commente Quentin Vincent, directeur général.

Les secrets des nématodes

Au campus de La Bouloie commandé par le Grand Besançon à l’équipe pilotée par Attitude 35 et Cap Vert, une charte de la biodiversité encadrera le chantier. Sol & Co mesure la qualité des sols grâce à 400 échantillons dans lesquels son laboratoire d’origine a mesuré quatre groupes d’êtres vivants : microorganismes, microfaune, mésofaune et macrofaune.

Typiques de la microfaune, les nématodes motivent un travail plus fin engagé par Elisol Environnement : « Le référentiel spécifique aux sols urbains mesurera leur qualité par l’intensité des fonctions remplies par les différents types de nématodes », annonce Camille Chauvin, ingénieur de recherche au bureau d’études basé près de Nîmes.

Mobilité lombricienne

L’exploitation opérationnelle de la biologie des sols motivera encore de nombreuses recherches, comme en témoignent plusieurs programmes en cours. Sur une friche lyonnaise en voie de désartificialisation dans la vallée de la chimie, la comparaison entre des parcelles témoins et différents types d’anthroposols motive Biotubes, un programme porté par Valorhiz avec Elisol et le bureau de recherche géologique et minières. « Sur les sols en place retravaillés par les techniques du génie écologique, nous calculons l’équilibre entre coûts et bénéfices au bout de 25 ans », conclut Olivier Taugourdeau, ingénieur de recherche chez Valorhiz.

Assistée par l’observatoire participatif des vers de terre sur des allées plantées de Saint-Quentin-en-Yvelines, la doctorante Jeanne Maréchal a croisé deux familles d’obstacles aux déplacements des communautés lombriciennes avec deux types d’anthroposols, issus d’une ingénierie basique ou élaborée. La parfaite lisibilité des résultats exigera encore un an de plus, avant la soutenance de sa thèse financée par une bourse de convention industrielle de formation pour la recherche au bénéfice de Sol Paysage et de l’université de Rennes I.

L’inconnue pluviale

Parmi de nombreuses autres illustrations du nouveau champ ouvert à la recherche appliquée par la biodiversité des sols, Paris pose cette question formulée par François Nold, chef du laboratoire d’agronomie de la direction des espaces verts et de l’environnement : « Quel impact la récupération des eaux pluviales produit-elle sur la croissance des végétaux et la biodiversité des sols » ?

Avec l’appui instrumental du centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), la réponse viendra de la comparaison de deux jardins dits de pluie, qui bénéficient de quatre fois plus d’eau que le produit de l’arrosage naturel grâce au drainage pluvial : une parcelle étanche, et l’autre, imperméable.

Orchestration métropolitaine

Le foisonnement scientifique et technique autour de la biodiversité des sols bénéficie d’un nouveau chef d’orchestre métropolitain mis en valeur le 11 décembre par la journée technique initiée par Plante & Cité : dans la foulée de son prédécesseur Daniel Breuiller, Antoinette Guhl, nouvelle vice-présidente du Grand Paris déléguée à la nature en ville, annonce le démarrage d’un mandat propice à l’épanouissement de la trame brune, sur un territoire qui souffre d’un taux d’imperméabilisation chiffré à 32 %.

« En voie de finalisation, l’atlas de la biodiversité métropolitaine servira de point d’appui au plan biodiversité que la métropole lancera en 2021 », annonce-t-elle. Avec les 131 élus municipaux en charge de la nature, Antoinette Guhl entend favoriser la diffusion métropolitaine et ascendante d’un virus bienfaisant pour la santé et le bien-être de tous les êtres vivants.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !