De la butte Saint-Charles aux grilles du Port autonome, de la Porte d’Aix à l’enclave de la Belle-de-Mai, le territoire qui allait devenir Euroméditerranée n’était, il y a dix ans, qu’un espace urbain chaotique. Pas facile d’imaginer que ces friches industrielles, ces îlots d’habitation de qualité inégale, ces hangars coiffés d’infrastructures routières infranchissables, porteraient un jour l’essentiel des projets économiques de la Ville. Avant même que l’Etat ne formalise l’opération d’intérêt national, un homme a pourtant cru en l’avenir du site. Michel Kester, directeur régional du groupe Nexity-George V, fut en effet le premier à investir de manière significative au sein de ce périmètre paupérisé.
Un pôle d’affaires émerge au-delà des Docks. La requalification de l’immeuble des Docks, face aux bassins de La Joliette, a certainement aidé Euroméditerranée à asseoir sa crédibilité auprès des milieux économiques. Les 100 000 m2 remarquablement réhabilités dès 1992 par l’architecte Eric Castaldi sont, en effet arrivés sur le marché au moment précis où les premiers entrepreneurs se risquaient sur ce territoire incertain.
Aujourd’hui, 220 sociétés employant plus de 3 000 personnes sont installées dans les anciens bâtiments de stockage construits au XIXe siècle. Si l’édifice a longtemps abrité la quasi-totalité de l’offre tertiaire d’Euroméditerranée, il s’imbrique désormais dans un dispositif plus étoffé. La recomposition du tissu urbain et la réalisation de nouvelles infrastructures (tunnel ferroviaire de Lajout, tunnel routier Major-Dunkerque, tunnel Saint-Charles, reconfiguration des môles portuaires de La Joliette) ont permis de libérer les emprises nécessaires à l’émergence d’un nouveau pôle d’affaires.
En dix ans, 165 000 m2 de bureaux ont été construits, principalement dans la ZAC Joliette. D’importantes sociétés – à l’instar de la compagnie de navigation CMA-CGM, de Compass Group, de DHL ou de la direction interrégionale de BNP-Paribas – y ont localisé leur siège. Dans leur sillage, une myriade de PME spécialisées dans les télécoms, les services aux entreprises, la banque-assurance et le transport maritime.
La spirale du déclin économique inversée. Au cours des prochaines années, l’attractivité économique du site devrait encore se renforcer avec la réalisation d’importants projets commerciaux, touristiques et tertiaires sur la ZAC Cité de la Méditerranée : Euromed Center, les Terrasses du Port... Début mars, on saura qui des trois équipes demeurant en lice (« Le Moniteur » du 18 novembre, p. 58) réalisera le complexe tertiaire et touristique de 70 000 m2, dont un hôtel Mariott 4 étoiles et le complexe cinématographique de 16 salles, imaginé par le cinéaste Luc Besson.
Au-delà de la frange littorale, d’autres quartiers bénéficient déjà de « l’effet Euroméditerranée ». Ainsi, la plus grande friche urbaine de France, l’ancienne manufacture de tabacs de la Belle-de-Mai, a été transformée en plate-forme dédiée aux activités multimédia, à la conservation du patrimoine et au spectacle vivant. Le site rassemble aujourd’hui 400 emplois et accueillera demain un millier d’étudiants. La rue de la République, dont la réhabilitation est enfin lancée (60 000 m2 de surfaces commerciales), les abords de la gare Saint-Charles, le secteur de la Porte d’Aix, devraient également retrouver des couleurs sur le plan économique.
« En dix ans, Euroméditerranée a fait revenir des emplois dans des quartiers où personne n’avait investi depuis un demi-siècle. Non seulement l’opération a déjà changé l’image de Marseille, mais elle a permis d’inverser durablement la spirale du déclin. Dans la prochaine période, les effets de la croissance devraient s’amplifier sur l’ensemble du périmètre de requalification urbaine », souligne Renaud Muselier, le vice-président de l’établissement public.
Même si des poches de pauvreté subsistent à proximité des nouveaux immeubles, une récente étude confirme la vision optimiste de l’élu. Le nombre d’emplois net créés sur le site depuis 1995 est estimé à 5 700, ce qui a permis de faire baisser de 22 % le nombre de chômeurs recensés sur le territoire.
Objectif : 20 000 emplois nouveaux en 2012. L’effet d’entraînement des investissements publics a été massif, puisque les 260 millions d’euros déjà mobilisés par l’Etat et les collectivités au titre de leur participation à l’opération ont généré plus de 600 millions de financements privés.
A l’horizon 2012, terme de l’opération, les experts estiment qu’Euroméditerranée aura permis d’engager 3,5 milliards d’euros d’investissements publics et privés et que le site sera doté de 1,1 million de m2 de planchers neufs (600 000 m2 en immobilier d’entreprise, 400 000 m2 de logements, 100 000 m2 de commerces et d’équipements publics). En outre, l’offre résidentielle sera totalement renouvelée, puisque 6 000 logements auront été réhabilités et 4 000 nouveaux construits. Enfin, les prévisions tablent sur 12 000 nouveaux habitants et 20 000 emplois créés. Autant dire que pour le BTP, les chantiers d’Euroméditerranée ne sont pas prêts de se tarir.
