Une centrale nucléaire en pièces détachées attend un feu vert depuis 20 ans

Au Brésil, une centrale nucléaire stockée en pièces détachées sous hangar attend depuis 20 ans un hypothétique feu vert du gouvernement à la construction du troisième réacteur civil.

Quelque 10.000 tonnes de tubes, valves, générateurs ou pistons sont ainsi entreposés sur des rayonnages industriels dans vingt-six hangars alignés côte à côte, à proximité des deux premiers réacteurs en fonctionnement, Angra 1 et Angra 2.

Eletronuclear, l'exploitant des centrales nucléaires brésiliennes, dépense 20 millions de dollars par an pour maintenir en bon état de conservation ces équipements sous un climat tropical.

Le site nucléaire est implanté en bord de mer, au creux d'une crique surplombée par de hautes collines couvertes de végétation tropicale, à près de 100 km au sud de Rio de Janeiro.

"Les composants sont parfois vieux de 25 ans, mais ils sont comme neufs", assure José Costa Mattos, responsable du chantier, en découvrant une pièce rutilante en aluminium poli protégée par des enveloppes plastique dans le hangar 14, sous les yeux de journalistes étrangers.

L'achat des équipements a déjà coûté 750 millions de dollars. "85% des composants importés sont là", indique-t-il. Mais les instruments électroniques de pilotage et de contrôle du réacteur, qui seraient aujourd'hui obsolètes, n'ont pas encore été achetés.

Les travaux d'aménagement du site ont démarré en 1981 mais ont été stoppés en 1986, faute de ressources financières.

Aujourd'hui, "aucune décision définitive n'a été prise" sur l'achèvement ou l'abandon d'Angra 3, en raison de divergences politiques au sein du gouvernement, a indiqué à l'AFP une source du ministère de l'Energie. Toutefois le président Luiz Inacio Lula da Silva "va devoir prendre une décision" avant la fin de son mandat en octobre prochain, a estimé cette source.

Sensibles aux pressions de certains groupes écologistes, les détracteurs du projet au sein du gouvernement jugent en outre le kilowatt/heure nucléaire trop cher par rapport à l'énergie hydraulique. Mais une étude récente abaissant le coût de production pourrait apporter de l'eau au moulin des partisans de la relance du nucléaire.

Angra 3 devait être la soeur jumelle d'Angra 2, de technologie allemande Siemens, dont la puissance installée atteint 1.350 MW. Entre-temps la filière nucléaire de Siemens a été rachetée par le français Framatome, aujourd'hui fusionné au sein du groupe nucléaire Areva.

La première centrale d'Angra 1 (657 MW) et celle d'Angra 2, mises en service en 1985 et en 2000, fournissent aujourd'hui plus de 60% de l'électricité consommée dans les Etats mitoyens de Rio de Janeiro et d'Espirito Santo. Le nucléaire ne représente toutefois que 3,5% de la production totale d'électricité au Brésil.

Les responsables d'Eletronuclear conservent l'espoir que le gouvernement donnera son feu vert à l'achèvement du chantier. Le réchauffement climatique plaide selon eux en faveur du redémarrage du nucléaire, comme en témoigne le lancement récent du premier réacteur en Finlande.

"Nous sommes convaincus que nous avons les moyens d'achever les travaux avec un niveau élevé de qualité en respectant les délais", indique José Costa Mattos.

Selon lui, Angra 3 pourrait être achevé en cinq ans et demi, après les travaux d'aménagement du site, pour un coût additionnel estimé à 1,835 milliard de dollars.

En attendant, trente personnes s'activent à Angra dos Reis pour empêcher les embruns, la chaleur et l'humidité de ronger les équipements entreposés. "C'est l'enfer, j'ai une formation d'ingénieur en BTP et je suis devenu le spécialiste mondial du stockage et de la conservation en climat tropical", sourit José Costa Mattos.

Isabelle HOURCADE (AFP)

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