De mémoire de bailleur social, aller directement toquer à la porte de la Banque européenne d'investissement (BEI) sans intermédiaire, comme la Caisse des dépôts (CDC) par exemple, ne s'était jamais fait. Réunis au sein du réseau Canopée, quatre offices publics de l'habitat (OPH) - Oise Habitat, l'Opac d'Amiens, l'Opal de l'Aisne et Reims Habitat - géographiquement proches et de tailles comparables, ont mutualisé leurs moyens et compétences au profit d'un objectif commun : décrocher un prêt de 107 M€ auprès de la BEI pour boucler un projet de 326 M€ impliquant la construction de 1 300 logements et la rénovation de 4 200 autres.
La contractualisation du financement entre Canopée et la BEI, officialisée le 24 janvier à l'hôtel de ville d'Amiens, a mis en lumière une méthode innovante de coopération entre organismes de logement social (OLS). « Canopée s'est constituée en 2018 en plein débat sur la loi Elan, a indiqué Bernard Domart, directeur général d'Oise Habitat et président du réseau. Nous devions faire face à la loi de finances instaurant notamment la réduction de loyer de solidarité et le relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 10 %. Soit une baisse de trésorerie estimée entre 4 et 6 M€ en 2020. Il nous fallait donc faire preuve d'imagination. »
La stratégie de regroupement a permis de décrocher un plan d'investissement harmonisé pour une seule et unique instruction de dossier. La durée de remboursement est de vingt-quatre ans. Fixe, son taux est déterminé à chaque tirage, autrement dit à chaque fois que l'OPH a besoin de prélever dans les fonds alloués. Les quatre bailleurs de Canopée ont malgré tout subi « un “IRM” financier afin de garantir une bonne santé dans le contexte difficile de 2018 », a souligné Bernard Domart. Les 107 M€ obtenus par le réseau seront ensuite répartis entre ses quatre membres en fonction de leurs projets.
La BEI finance « un ensemble d'opérations » sur quatre ans, sans quota de constructions ou de réhabilitations.
Moins de contreparties que les PHBB. Cette source de financement, cruciale pour poursuivre les investissements, vient compléter les prêts classiques (CDC et banques traditionnelles). Et les conditions fixées par la BEI présentent des avantages de taille. D'abord, l'enveloppe est prévue pour financer « un ensemble d'opérations » sur quatre ans. Une particularité qui offre plus de souplesse que les prêts de haut de bilan bonifiés (PHBB) accordés par la CDC qui prévoient une affectation des fonds opération par opération, mais aussi année après année par l'ouverture de nouvelles tranches. Par ailleurs, aucune contrepartie sous forme de droit de réservation de logements n'y est associée, contrairement aux PHBB bonifiés par Action Logement Groupe. Enfin, la BEI n'exige aucun quota de constructions ou de réhabilitations, même si les projets sélectionnés doivent avoir un impact territorial, climatique et social important. A ce titre, les OPH estiment à 4 500 le nombre d'emplois directs et indirects qui seront créés principalement dans les Hauts-de-France, région qui réunit trois des quatre bailleurs de Canopée.
« Notre notation en triple A nous permet d'emprunter à des taux très bas sur des durées plus longues, signale Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI. Nous pouvons en faire bénéficier des projets qui s'insèrent dans les programmes européens. L'efficacité énergétique est centrale par sa contribution à l'amélioration des conditions et qualités de vie. Le projet de Canopée a ainsi suscité notre intérêt parce qu'il illustre ce que peut être l'action de l'Europe dans ce qu'elle a de plus concret. »
75 M€ minimum. Aux exigences sociales, la BEI ajoute des conditions de volume pour accorder des prêts. « Nous mettons à disposition des fonds quand les besoins des territoires atteignent une fourchette minimum, qui va de 75 à 100 M€, pour pouvoir proposer des taux intéressants. Et la garantie budgétaire de l'Union européenne permet de prendre davantage de risques dans les projets », précise Paula Juaristi, agent de crédit à la BEI. Avis aux intéressés…