"La Grande place", musée du Cristal Saint-Louis a récemment ouvert ses portes à Saint-Louis-lès-Bitche (Moselle). Signée des architectes Florence Lipsky et Pascal Rollet (lauréats de l’Equerre d’argent 2005), cette halle de bois et de polycarbonate campe au-dessus de la fosse de l’ancien four, au milieu du ballet incessant des maîtres verriers.
Carafes, verres, candélabres et autres sulfures… La manufacture Cristal Saint-Louis, implantée en pays de Bitche (Moselle) dans la forêt vosgienne depuis 1571, accueille désormais en ses murs un musée qui expose une collection de plus de 1 500 pièces réalisées sur site, de la plus banale à la plus exceptionnelle. "Ni showroom, ni écomusée", tel était le cahier des charges laconique de Jean-Louis Dumas, alors patron d’Hermès, propriétaire de la cristallerie. Réponse des architectes : un musée installé au cœur du site de production, qui "continue à faire vivre l’idée du grenier de Saint-Louis", précise Florence Lipsky, un bric-à-brac sous combles, inaccessible au public, où s’amoncellent dans la pénombre, posées sur de simples tables, des myriades de flûtes, de bougeoirs, de vases, etc. "C’est ce contraste absolu entre la rusticité brute du bois et la préciosité travaillée du cristal, que nous avons souhaité prolonger et mettre en scène", explique encore l’architecte.
Le nouveau musée s’inspire donc de ce lieu, tant pour l’ambiance lumineuse que pour l’accumulation des objets. Installé dans la grande halle en activité, à l’emplacement d’un ancien four désaffecté, il consiste en une longue promenade linéaire en pente douce, "enroulée" autour de grandes étagères en bois d'1,50 m de profondeur : les vitrines dans lesquelles sont disposées les pièces de la collection. Des volées de rampes linéaires (4,50% de pente sur 1,50 m de largeur) longent donc les faces intérieures et extérieures des étagères. Chaque volée se raccorde à la suivante par un palier horizontal, permettant de négocier les passages au travers des étagères et les retournements d’angles. La construction, taillée dans 80 m3 de pin Douglas massif de la région, est une structure poteaux-poutre (15 x 15 cm) enveloppée d’une simple peau de polycarbonate ondulé, qui assure une isolation minimale avec l’air à température quasi ambiante de la grande halle de production. L’ensemble compose une architecture volontairement fruste et "sans chichis". Les détails d’assemblage ont été gommés, afin de ne pas parasiter le regard tourné vers les seules pièces de cristal. "Nous voulions éviter d’entrer en concurrence avec le matériau", explique Florence Lipsky.
Le volume du musée est chauffé en hiver - rafraîchi en été - par un système à air pulsé. Les gaines de soufflage/reprise serpentent en sous-face des rampes et une colonne montante de distribution principale prend place dans l’angle sud-ouest. Les rampes sont constituées de plateaux de douglas contrecollé qui reposent sur des poutres de rives massives formant limon, elles-mêmes supportées par des consoles. Au long du parcours, le visiteur découvre successivement la nature du cristal, son lien avec le feu, les techniques et le savoir-faire employés, puis la collection historique des objets. A deux reprises, le parcours propose - depuis des "plongeoirs" en porte-à-faux - une vue panoramique sur la halle, afin d’observer les maîtres verriers en activité autour du four à 1500°C, où mijote le mélange à proportions secrètes de silice, de plomb et de potasse. La visite se termine en partie haute de la halle, dans un espace ouvert qui met en scène des créations de designers contemporains ou des expositions temporaires. Le public redescend ensuite par un escalier, avant de repartir en traversant le comptoir de vente de Cristal Saint-Louis, réaménagé dans un bâtiment attenant à la grande halle.
Jacques-Franck Degioanni
