A l'emplacement de l'un des derniers ateliers d'ébénisterie-menuiserie de cette portion du XIe arrondissement parisien, s'élève désormais un immeuble de 35 logements qui, par son architecture, entend évoquer son récent passé industriel. « Il y avait une dizaine d'entreprises de ce genre dans le quartier, et environ 5 000 ouvriers y travaillaient », se souvient l'ancien propriétaire (qui s'est offert un atelier et un appartement dans le nouvel immeuble). La rue Charrière achève du même coup sa mue et deviendra, à terme, entièrement piétonne, entre les rues de Charonne et de Chanzy.
Matériaux bruts laissés apparents. Dans le projet, cette mémoire industrielle se concrétise par le choix de matériaux bruts laissés apparents, ainsi que par leur mise en œuvre qui privilégie la préfabrication, l'assemblage et le montage in situ. « Nous l'avons imaginé et construit comme un meuble, raconte Fabien Brissaud, architecte de l'agence MAO. Hormis les dalles de plancher en béton coulé en place, le bâtiment est le fruit de l'assemblage d'éléments préfabriqués en béton et de grandes menuiseries en bois. » L'immeuble réunit 26 logements libres et 9 en locatif social, selon un programme « en démembrement de propriété » soutenu par Pierre Epargne Retraite Logement (Perl). Celui-ci consiste à partager la pleine propriété entre un usufruitier bailleur social pour une durée de vingt ans et un acquéreur en nue-propriété. Une solution qui a permis de boucler le financement de l'opération, y compris les surcoûts occasionnés par les recours de tiers… « Tous les appartements bénéficient de prestations identiques et les neuf logements sociaux sont répartis indifféremment dans l'ensemble », souligne Baptiste Lopez, directeur adjoint de programmes chez Emerige, comaître d'ouvrage du projet.
Epines structurelles en mélèze en façade. Sur rue, la façade arbore ses épines structurelles en mélèze qui rythment la modénature des étages. Un soubassement plus discret, avec des baies vitrées à menuiseries métalliques, évoque un atelier. Le positionnement des vitrages - au nu extérieur pour les fixes et au nu intérieur pour les ouvrants - donne à lire l'épaisseur de la façade qui assure l'intimité des logements. Une serre entièrement vitrée met à distance avec la rue le rez-de-chaussée qui, avec ses 3,50 m sous plafond, profite de la lumière naturelle. Plus classique, le traitement de la façade arrière offre néanmoins de généreuses fenêtres et, pour une partie des appartements, des balcons donnant sur deux cours-jardins.
La répartition des logements, d'une à quatre pièces, joue de différents registres entre les duplex, les traversants, ceux avec ou sans balcon, jusqu'aux deux derniers étages en retrait, gradinés côté rue, qui jouissent de terrasses. Un artifice qui atténue aussi la hauteur des cinq étages. A ces derniers niveaux, l'interprétation des lucarnes en chiens-assis - comme des pièces vitrées en saillie sur l'extérieur - exploite le droit de déroger à la limite de construction sur une partie de la façade. En découlent une surface agrandie et une vue bien plus dégagée sur le paysage parisien.
