Un dialogue entre deux mondes

Equipement culturel -

A Boulogne-Billancourt, l'architecte japonais Kengo Kuma marie, par un musée rénové, la ville avec l'œuvre paysagère et photographique d'Albert Kahn.

 

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Côté rond-point, le musée présente sa façade urbaine, habillée de lames de métal, dont certaines forment des brise-soleil pour les salles d’expositions.

En déclarant lauréat le projet de restructuration-extension de Kengo Kuma pour le musée Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le jury du concours de maîtrise d'œuvre avait, en 2012, fait un choix clair. Plutôt que d'opter pour une architecture à l'écriture plus conventionnelle, proposée par les autres candidats, il avait voulu mettre en exergue le vif intérêt pour le Japon de son créateur, le banquier philanthrope Albert Kahn (1860-1940). « J'aime tout particulièrement ce pays et c'est pour cela que j'ai voulu poser ici, près de ma demeure, un coin de la terre japonaise », expliquait, en 1938, le propriétaire de ce parc mêlant aussi forêts vosgiennes et jardins français et anglais.

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Aujourd'hui, cette évocation du pays du Soleil levant se retrouve donc également dans les bâtiments qui abritent les « Archives de la planète », une immense collection de clichés et de films qu'Albert Kahn avait fait réaliser dans une cinquantaine de pays pour témoigner de la diversité des modes de vie et convaincre ses contemporains que, de la connaissance des différences, naîtrait la paix universelle… D'où cette impression d'entrer dans un centre culturel japonais, à travers une architecture qui réinterprète les traditions et les codes locaux de la discipline.

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L'engawa comme leitmotiv de la conception. La carapace métallique monumentale du nouveau bâtiment en extension, dont le plissé forme un origami à l'échelle urbaine, signale la présence du musée et met fin à l'errance passée des visiteurs qui trouvaient difficilement l'accès au site sur le rond-point Rhin-et-Danube. C'est en passant d'abord sous l'un de ces plis, à la manière d'une passerelle d'embarquement aéroportuaire, que l'on s'éloigne de la ville pour pénétrer dans le désormais dénommé « musée-jardins Albert-Kahn ». Kengo Kuma y a fait de l'engawa le leitmotiv de sa conception. Cet élément de la maison traditionnelle japonaise, qui pourrait se traduire par « l'entre-deux », se présente comme une sorte de passage platelé de bois, à la fois intérieur et extérieur, qui tient du corridor, de la terrasse, voire de la coursive abritée.

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Des galeries extérieures périphériques, donnant sur la végétation, prolongent chaque niveau

L'architecte l'a matérialisé par des galeries extérieures périphériques prolongeant chaque niveau, protégées par des « persiennes » suspendues à des câbles en acier. Formées d'épaisses lames en pin brut et en aluminium, celles-ci sont disposées selon différentes inclinaisons, qui font vibrer la lumière naturelle et laissent percevoir la végétation foisonnante des jardins.

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Ces engawas donnent au musée son caractère domestique, particulièrement affirmé dans le grand volume du hall bordé de mezzanines. Le chêne y domine, recouvrant le sol, les pans inclinés du plafond, les gradins, l'escalier. L'accès à l'espace d'exposition du rez-de-chaussée s'opère via une sorte de salle de projection linéaire bordée de gradins. Ses murs sombres sont constellés de reproductions des fameux autochromes en couleur réalisés sur plaques de verre, dont les originaux ont été mis à l'abri. Entre les deux façades, l'une laissant voir la ville à travers des brise-soleil métalliques, l'autre ouverte sur le jardin, les salles d'exposition deviennent elles-mêmes des engawa.

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Au pied du bâtiment, un cheminement de pierres plates créé par le paysagiste Michel Desvigne conduit aux jardins, lieu d'exposition à part entière. Les constructions existantes - serre, pavillons de thé, etc. - ont été réhabilitées pour partie, ou aménagées pour accueillir ici un espace d'interprétation sur la préservation du jardin, là une salle de projection des films de la collection, dans un décor évoquant le cabinet où Albert Kahn les montrait à ses invités. Et dans tous ces lieux retrouvés, une seule obsession : ce filtre entre deux univers qu'est l'engawa.

 

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